Analyse


Quelle est l’utilité des scores de Centor et de McIsaac pour le diagnostic de la pharyngite à streptocoques ?


28 04 2013

Professions de santé

Analyse de
Fine AM, Nizet V, Mandl KD. Large-Scale Validation of the Centor and McIsaac Scores to Predict Group A Streptococcal Pharyngitis. Arch Intern Med 2012;172:847-852.


Conclusion
Cette étude d’observation rétrospective n’ajoute rien à nos connaissances sur la valeur des scores cliniques de prédiction chez les patients présentant un mal de gorge aigu. Les recommandations actuelles sont donc maintenues : le score clinique de Centor n’a pas sa place dans la prise en charge d’un mal de gorge aigu.



Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

 

Les recommandations belges (1) et néerlandaises (2) concernant le mal de gorge aigu mentionnent que la pharyngite connaît généralement une évolution naturelle favorable avec le plus souvent guérison spontanée en 5 à 7 jours. Une information combinée à un antidouleur adéquat suffit chez la plupart des patients. La prise d’une pénicilline pendant 7 jours ne se justifie que chez les patients présentant un risque accru de complications (antécédents de rhumatisme articulaire aigu, immunodépression, récidives au moins cinq fois par an, épidémie d’infection par le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (SBHA) dans une communauté fermée, syndrome toxique (patient gravement malade avec fièvre élevée)). Ces recommandations ont été reprises dans la revue Minerva dans la conclusion de plusieurs analyses (3-5). Les complications de l’infection par le SBHA sont également heureusement rares (1,2,6). Par conséquent, les guides de pratique belge et néerlandais ne préconisent pas d’orienter la recherche diagnostique vers la mise en évidence d’une infection par le SBHA (1,2).

 

Certains guides de pratique maintiennent cependant l’importance du diagnostic de l’infection par le SBHA (7). Aux États-Unis, le score de Centor et le score de McIsaac sont encore toujours utilisés pour décider de prescrire ou non des antibiotiques aux patients souffrant d’un mal de gorge. Les quatre critères de Centor (fièvre, absence de toux, exsudat tonsillaire, ganglions sous-maxillaires) ont été déterminés dans une étude sur un petit groupe d’adultes qui s’étaient présentés aux urgences pour un mal de gorge (8). Le score de McIsaac adapté attribue un point de plus pour les enfants âgés de moins de 15 ans et un point de moins pour les personnes de plus de 45 ans, parce que, dans ces populations, l’infection est respectivement plus souvent et moins souvent liée à un SBHA. Ce score n’a pas été suffisamment validé (9).

 

Une nouvelle étude d’observation rétrospective a tenté de valider ces scores (10). Les auteurs ont utilisé les données cliniques et les données de laboratoire d’une population diversifiée sur le plan géographique regroupant 206 870 patients âgés d’au moins 3 ans qui ont été vus en consultation à l’hôpital pour un mal de gorge aigu entre septembre 2006 et septembre 2008.

Le test pour le SBHA était positif chez 23% des patients âgés de 15 ans et plus. Parmi ces derniers, 7% avaient un score de Centor de 0 ; 12% un score de 1 ; 21% un score de 2 ; 38% un score de 3 et 57% un score de 4. Le test pour le SBHA était positif chez 27% des patients âgés d’au moins 3 ans. Parmi ces derniers, 8% avaient un score de McIsaac de 0 ; 14% un score de 1 ; 23% un score de 2 ; 37% un score de 3 et 55% un score de 4. Les intervalles de confiance à 95% étaient chaque fois étroits, ce qui indique la précision des résultats. Ces résultats ont permis aux auteurs de conclure que ces deux scores conviennent pour déterminer la probabilité d’une infection par le SBHA chez les patients souffrant d’un mal de gorge aigu.

Le fait que la prévalence du SBHA dans la gorge est de +/- 50% lorsque le score de Centor est de 4 vient confirmer une étude antérieure (11). Cela signifie que, même en présence des quatre critères, la probabilité d’une infection à streptocoque n’est pas plus élevée que si elle était déterminée par un pile ou face (12). L’utilité clinique de ce résultat dans la pratique est donc faible, d’autant qu’un streptocoque peut être retrouvé dans la gorge de beaucoup de porteurs sains (5 à 20%, et encore plus chez les enfants). Même après cette étude, nous continuons donc à nous poser la question de savoir s’il existe des scores cliniques qui peuvent être utilisés pour décider de prescrire ou non des antibiotiques aux patients souffrant d’un mal de gorge aigu. Qui plus est, ni un test rapide ni une culture ne sont adéquats pour poser le diagnostic d’infection à streptocoque (1,2,13). L’augmentation significative du taux d’ASLO (taux d’antistreptolysine O) reste le seul test de référence, mais ce dosage demande un délai de trois semaines après l’infection.

 

Conclusion de Minerva

Cette étude d’observation rétrospective n’ajoute rien à nos connaissances sur la valeur des scores cliniques de prédiction chez les patients présentant un mal de gorge aigu. Les recommandations actuelles (1) sont donc maintenues : le score clinique de Centor n’a pas sa place dans la prise en charge d’un mal de gorge aigu.

 

 

Références

  1. De Meyere M, Matthys J. Acute keelpijn. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Domus Medica, 2008.
  2. Zwart S, Dagnelie CF, Van Staaij BK, et al. NHG-Standaard Acute keelpijn (Tweede herziening). Huisarts Wet 2007:50:59-68.
  3. De Meyere M. Zeven dagen versus drie dagen penicilline voor acute keelpijn. Minerva 2000;29(5):230-2.
  4. De Meyere M. La pénicilline pour le mal de gorge aigu chez l'enfant? MinervaF 2004;3(9):149-51.
  5. De Meyere M. Céphalosporines versus pénicilline chez les enfants présentant une angine à streptocoques. MinervaF 2004;3(9):151-3.
  6. Spinks A, Glasziou PP, Del Mar CB. Antibiotics for sore throat. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 4.
  7. Matthys J, De Meyere M, van Driel ML, De Sutter A. Differences among international pharyngitis guidelines: not just academic. Ann Fam Med 2007;5:436-43.
  8. Centor RM, Witherspoon JM, Dalton HP, et al. The diagnosis of strepthroat in adults in the emergency room. Med Decis Making 1981;1:239-46.
  9. McIsaac WJ, Goel V, To T, Low DE. The validity of a sore throat score in family practice. CMAJ 2000;163:811-5.
  10. Fine AM, Nizet V, Mandl KD. Large-scale validation of the Centor and McIsaac scores to predict group A streptococcal pharyngitis. Arch Intern Med 2012;172: 847-51.
  11. Centor RM. Strategies for treating sore throat in adults. J Fam Practice 1987;25:335-36.
  12. Hjortdahl P, Laerum E, Mowinckel P. Clinical assessment of pharyngitis in general practice. Scand J Prim Health Care 1988;6:219-23.
  13. De Meyere M. Validiteit van de sneltest bij streptokokkeninfectie. Minerva 1998; 27(1):185-6.
Quelle est l’utilité des scores de Centor et de McIsaac pour le diagnostic de la pharyngite à streptocoques ?

Auteurs

De Meyere M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

Matthys J.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

Glossaire

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