Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement antiviral en prévention de la névralgie post-herpétique ?



Minerva 2014 Volume 13 Numéro 10 Page 127 - 128

Professions de santé


Analyse de
Chen N, LI Q, Yang J, et al. Antiviral treatment for preventing postherpetic neuralgia. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 2.


Question clinique
Versus placebo, quelle est l’efficacité des médicaments antiviraux instaurés dans les 72 heures après le début d’un zona pour prévenir une névralgie post-herpétique ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses, menée correctement d’un point de vue méthodologique, n’a pas montré d’effet statistiquement significatif de l’aciclovir versus placebo dans la prévention de la névralgie post-herpétique après un zona. L’effet des autres traitements antiviraux n’a pas encore été suffisamment étudié pour pouvoir se prononcer.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Selon le guide de pratique de Duodecim, l’instauration d’un médicament antiviral au cours de la phase aiguë d’un zona n’est pas utile pour prévenir une névralgie post-herpétique. Cette synthèse méthodique avec méta-analyses confirme cette conclusion, certainement pour l’aciclovir. Actuellement, l’efficacité d’autres médicaments tels que la gabapentine, les opiacés et les antidépresseurs tricycliques n’a pas été démontrée. Les corticostéroïdes dans cette indication sont probablement inefficaces voire néfastes. Cette étude ne permet cependant pas de se prononcer sur l’utilité des médicaments antiviraux dans la phase aiguë pour prévenir les autres complications chez les patients atteints d’un zona ophtalmique et chez les patients immunodéprimés.


Traitement antiviral en prévention de la névralgie post-herpétique ?

 

Contexte

La névralgie post-herpétique (NPH) se définit comme une complication douloureuse de l’infection à herpes zoster (zona) qui persiste plus de 4 mois après le début de l’éruption cutanée (1). Parmi les patients atteints de NPH depuis plus d’un an, la douleur est encore présente après 2 ans dans un cas sur deux (2). La physiopathologie de la NPH n’est pas encore clairement élucidée. Toutefois, chez des patients atteints de NPH, on a retrouvé, dans les ganglions rachidiens, des cellules caractéristiques d’une inflammation chronique (3), ainsi que de l’ADN et des protéines du virus herpes zoster dans les leucocytes (4). L’instauration de médicaments antiviraux au moment de l’éruption cutanée est donc proposée comme traitement préventif possible de la NPH (5,6).  

 

Résumé de l’étude

 

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyses

 

Sources consultées

  • le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies neuromusculaires, CENTRAL, MEDLINE, EMBASE, LILACS, le Chinese Biomedical Retrieval System, Clinical Trials.gov, ICTRP de l’OMS
  • listes de références des études trouvées
  • les auteurs et experts
  • pas de restriction quant à la langue de publication.

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : études contrôlées randomisées – qu’elles aient été menées en aveugle ou non – auprès de patients présentant un zona qui reçoivent dans les 72 heures suivant le début de l’éruption cutanée un traitement antiviral per os ou intraveineux versus absence de traitement ou un placebo ; le groupe intervention et le groupe placebo pouvaient tous deux recevoir le même traitement adjuvant
  • critères d’exclusion : les autres voies d’administration (comme l’application topique) d’un traitement antiviral, la comparaison de médicaments antiviraux + corticostéroïdes avec un double placebo ou l’absence de traitement
  • au total, inclusion de 6 études (5 avec l’aciclovir oral et 1 avec le famciclovir oral).

Population étudiée

  • 1 211 patients atteints de zona (46 à 419 par étude), 48% d’hommes, 69% âgés d’au moins 50 ans
  • exclusion, dans la plupart des études, de patients chez qui les lésions herpétiques étaient encore couvertes d’une croûte, de patients immunodéprimés, de femmes enceintes ou qui allaitaient, de patients atteints d’insuffisance rénale ou hépatique, de patients sous corticoïdes administrés par voie systémique, sous médicaments antiviraux ou traitement immunosuppresseur et de patients atteints de cancer.

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : présence d’une névralgie post-herpétique 6 mois après le début de l’éruption herpétique, névralgie post-herpétique définie comme la présence d’une douleur persistante ou récidivante à l’endroit de l’éruption cutanée au moins 4 mois après le début de l’éruption
  • critères de jugement secondaires :
    • intensité de la douleur après 3, 6 et 12 mois, mesurée sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 0 à 10 cm
    • qualité de vie mesurée au moyen du Short Form 36 Health Survey Questionnaire
    • effets indésirables pendant le traitement ou dans les 2 semaines après l’arrêt du traitement
  • analyse en intention de traiter et en modèle d’effets fixes
  • analyses de sous-groupes : instauration du traitement immédiatement (< 24 heures) versus plus tardivement (> 24 heures) après le début de l’éruption cutanée ; patients âgés de moins de 50 ans versus âgés de plus de 50 ans
  • analyse de sensibilité.

Résultats

  • critère de jugement primaire :
    • pas de différence statistiquement significative entre l’aciclovir et le placebo quant à la présence d’une névralgie post-herpétique après 6 mois (N = 2, n = 476)
    • pas de différence statistiquement significative entre le famciclovir et le placebo quant à la présence d’une névralgie post-herpétique après 5 mois, (N = 1, n = 420)
    • pas de différence quant à l’effet entre les patients de moins de 50 ans et ceux de plus de 50 ans
  • critères de jugement secondaires :
    • après 3 et 6 mois, il y avait significativement une intensité moindre de la douleur mesurée sur une échelle EVA avec l’aciclovir qu’avec le placebo (respectivement 0,6 contre 9,7 et 1,0 contre 9,3) (N = 1, n = 46)
    • pas de différence significative quant au nombre d’effets indésirables entre l’aciclovir et le placebo (N = 4) et entre le famciclovir et le placebo (N = 1).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’il existe des preuves de niveau élevé permettant d’affirmer que l’aciclovir per os ne diminue pas de manière significative l’incidence de la névralgie post-herpétique. On manque par ailleurs de preuves concernant l’effet d’autres traitements antiviraux. Il est donc nécessaire de mener des études contrôlées randomisées reposant sur un protocole de recherche correct pour évaluer l’effet du famciclovir et des autres nouveaux antiviraux dans la prévention de la NPH. Des études futures devraient accorder plus d’attention à l’intensité de la douleur et à la qualité de vie des participants et devraient être menées avec différents sous-groupes, comme les personnes immunodéprimées.

Financement

Department of Neurology, West China Hospital, China

  

Conflits d’intérêt

Aucun connu

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse méthodique est basée sur un protocole de la Cochrane Collaboration avec recherche étendue dans la littérature et recherche systématique de différentes formes de biais. La recherche dans la littérature n’a pas appliqué de restriction quant à la langue de publication, et les chercheurs ont également tenté de trouver des études non publiées. En raison du petit nombre d’études, il est impossible de détecter un biais de publication au moyen d’un funnel plot. Seules 6 études sur les 21 identifiées ont été incluses. Les 15 autres n’ont pas été incluses pour les raisons suivantes : suivi trop court ou irrégulier ; absence de comparaison avec un groupe témoin recevant un placebo ou ne recevant pas de traitement ; instauration du traitement après plus de 72 heures suivant le début de l’éruption cutanée ; utilisation de médicaments antiviraux topiques ; étude autre qu’une étude contrôlée randomisée ; étude contrôlée quasi-randomisée ; rapport insuffisant sur les données ; manque de clarté dans la définition de l’affection. L’extraction des données et l’évaluation de la qualité des études ont été effectuées par deux chercheurs indépendants l’un de l’autre suivant le protocole de la Cochrane Collaboration. Le risque de biais était globalement bas dans les différentes études. Une analyse de sensibilité a été effectuée en cas d’hétérogénéité significative entre les études ainsi qu’une analyse en modèle d’effets aléatoires si nécessaire, mais sans modifier les résultats de la méta-analyse. Les analyses de sous-groupes pertinentes ont été préalablement mentionnées dans le protocole. Pour l’analyse des résultats on utilisait exclusivement les données de l’analyse en intention de traiter des études originales. Lorsque les données disponibles pour ce faire étaient insuffisantes, les auteurs originaux ont été contactés pour leur demander de communiquer les données manquantes.

Interprétation des résultats

Par rapport à la version précédente de cette revue Cochrane (7) publiée en 2007, aucune nouvelle étude n’a pu être incluse. Les auteurs concluent que, versus placebo, un traitement antiviral ne diminue pas l’incidence de la névralgie post-herpétique après 6 mois. Ce résultat était indépendant de l’âge des patients. Vu le manque de données, nous ne savons pas si le délai d’instauration du traitement a eu une influence sur les résultats.

Quant à la prévention de la névralgie post-herpétique 4 mois après l’éruption cutanée, une méta-analyse de 3 études (non mentionnées dans le protocole) n’a pas non plus montré de diminution significative avec l’aciclovir versus placebo. Une autre méta-analyse de 4 études (également non mentionnées dans le protocole) a cependant montré qu’après 1 mois, le nombre de patients souffrant de névralgie était plus faible avec l’aciclovir qu’avec le placebo, et ce de manière statistiquement significative (RR de 0,83 avec IC à 95% de 0,71 à 0,96 ; p = 0,01). Dans la seule étude portant sur le famciclovir (8), aucune diminution statistiquement significative versus placebo dans l’incidence de la NPH (définie comme une douleur après la guérison de l’éruption cutanée) n’a été observée. Il apparaît cependant qu’au cours d’un suivi d’une durée de 5 mois, cette douleur a disparu presque 2 fois plus vite avec le famciclovir 500 mg (HR de 1,7 avec IC à 95% de 1,1 à 2,7) et avec le famciclovir 750 mg (HR de 1,9 avec IC à 95% de 1,2 à 2,9). Minerva a déjà commenté cette étude dans la discussion d’une synthèse méthodique portant sur l’effet du famciclovir pour le traitement du zona (9).

Comme les auteurs le soulignent, ces résultats nous permettent de penser que de nouvelles études contrôlées par placebo portant sur l’effet de l’aciclovir en prévention de la NPH ne sont guère indiquées. Cependant, il pourrait encore être utile de mener des études contrôlées randomisées reposant sur un protocole de recherche correct et portant sur le famciclovir et d’autres nouveaux médicaments antiviraux en prévention de la NPH. Ces études devront aussi accorder plus d’attention à l’évolution de la douleur aiguë et à la qualité de vie des participants une fois terminée l’infection aiguë. Actuellement, les données sur ces points sont également insuffisantes. L’effet dans des sous-groupes particuliers, comme les patients immunodéprimés, n’a pas non plus été suffisamment étudié.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses, menée correctement d’un point de vue méthodologique, n’a pas montré d’effet statistiquement significatif de l’aciclovir versus placebo dans la prévention de la névralgie post-herpétique après un zona. L’effet des autres traitements antiviraux n’a pas encore été suffisamment étudié pour pouvoir se prononcer.

 

Pour la pratique

Selon le guide de pratique de Duodecim, l’instauration d’un médicament antiviral au cours de la phase aiguë d’un zona n’est pas utile pour prévenir une névralgie post-herpétique (10). Cette synthèse méthodique avec méta-analyses confirme cette conclusion, certainement pour l’aciclovir. Actuellement, l’efficacité d’autres médicaments tels que la gabapentine, les opiacés et les antidépresseurs tricycliques n’a pas été démontrée (5). Les corticostéroïdes dans cette indication sont probablement inefficaces voire néfastes (5). Cette étude ne permet cependant pas de se prononcer sur l’utilité des médicaments antiviraux dans la phase aiguë pour prévenir les autres complications chez les patients atteints d’un zona ophtalmique et chez les patients immunodéprimés (10).

 

Références

  1. Dworkin RH, Portenoy RK. Proposed classification of herpes zoster pain. Lancet 1994;343:1648.
  2. Watson CP, Watt VR, Chipman M, et al. The prognosis with postherpetic neuralgia. Pain 1991;46:195-9.
  3. Smith FP. Pathological studies of spinal nerve ganglia in relation to intractable intercostal pain. Surgical Neurology 1978;10(1):50-3.
  4. Vafai A, Wellish M, Gilden DH. Expression of varicella zoster virus in blood mononuclear cells of patients with postherpetic neuralgia. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 1988;85:2767-70.
  5. Watson P. Postherpetic neuralgia. Clinical Evidence. December 2009.
  6. Alper BS, Lewis PR. Does treatment of acute herpes zoster prevent or shorten postherpetic neuralgia? J Fam Pract 2000;49:255-64.
  7. Li Q, He L, Zhang Q, et al. Antiviral treatment for preventing postherpetic neuralgia. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 2.
  8. Tyring S, Barbarash RA, Nahlik JE, et al. Famciclovir for the treatment of acute herpes zoster: effects on acute disease and postherpetic neuralgia. A randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Collaborative Famciclovir Herpes Zoster Study Group. Ann Intern Med 1995;123:89-96.
  9. Lemiengre M, De Deken L. Behandeling van zona met famciclovir. Minerva 1998;27(2):274-5.
  10. Zona. Duodecim Medical Publications Ltd. 3/8/2010. https://www.ebmpracticenet.be/fr/pages/default.aspx?ebmid=ebm00017

 


 

 

 


Auteurs

De Deken L.
huisarts, Werkgroep suïcidepreventie Domus Medica
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