Analyse


Cancer de la prostate localisé : suivi actif, chirurgie ou radiothérapie ?


15 03 2017

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Hamdy FC, Donovan JL, Lane JA, et al. 10-year outcomes after monitoring, surgery, or radiotherapy for localized prostate cancer. N Eng J Med 2016;375:1415-24. DOI: 10.1056/NEJMoa1606220


Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée menée chez des patients présentant un cancer de la prostate localisé et ayant un risque faible à intermédiaire montre, après 10 ans, qu’il n’y a pas de différence entre la surveillance active, la prostatectomie radicale et la radiothérapie quant à la mortalité spécifique par cancer de la prostate et à la mortalité globale. L’impact négatif sur les fonctions urinaire, sexuelle et intestinale était plus faible avec la surveillance active, et ce de manière statistiquement significative.



 

En cas de cancer de la prostate localisé, le plus souvent découvert suite à l’augmentation du taux de PSA, l’option thérapeutique dépend du risque de progression. Ainsi, devant un cancer de la prostate localisé à faible risque de progression, il est conseillé d’envisager avec le patient une surveillance active. Cette recommandation n’est toutefois pas encore suffisamment étayée (1).

Les chercheurs de l’étude ProtecT (Prostate Testing for Cancer and Treatment) ont recruté   2664 patients âgés de 50 à 69 ans présentant un cancer de la prostate localisé (T1-2NxM0) avec un risque de progression faible à intermédiaire, découvert suite à l’augmentation du taux de PSA (2,3). Au final, 1643 patients étaient prêts à participer à l’étude. 77% des participants avaient un score de Gleason de 6 et 76% avaient un cancer de la prostate T1c. Ils ont été randomisés en 3 bras : un groupe « surveillance active » (SA) (n = 545), un groupe « radiothérapie » (RT) (n = 545) et un groupe « prostatectomie radicale » (PR) (n = 553). Après 10 ans de suivi, seulement 17 patients (1%) étaient décédés des suites du cancer de la prostate (critère de jugement primaire). La survie spécifique au cancer de la prostate était de 98,8% (IC à 95% de 97,4 à 99,5) pour le groupe SA, de 99,0% (IC à 95% de 97,2 à 99,6) pour le groupe PR et de 99,6% (IC à 95% de 98,4 à 99,9) pour le groupe RT. Il n’y avait pas de différence statistiquement significative quant à la mortalité spécifique par cancer de la prostate (p = 0,48), ni quant à la mortalité globale (p = 0,87). Chez les patients du groupe SA, on a cependant observé un plus grand nombre de progressions de la maladie (définies comme la présence de métastases, la progression vers une maladie cT3-4 ou le début d’une thérapie de déprivation androgénique à long terme) que chez les patients du groupe PR et du groupe RT (n = 112 versus n = 46 et n = 46 ; p < 0,001) ainsi que de plus nombreuses métastases (n = 33 versus n = 13 et n = 16 ; p = 0,004). Au cours de la période d’observation de 10 ans, 54,8% (291/545) des patients du groupe SA ont toutefois subi une intervention chirurgicale ou une radiothérapie. L’absence de différence quant à la mortalité spécifique par cancer de la prostate et quant à la mortalité globale entre le traitement conservateur (surveillance active et expectative armée) et un traitement curatif (prostatectomie radicale et radiothérapie) a déjà été montrée dans une étude d’observation suédoise (4,5). L’étude PIVOT qui a comparé la prostatectomie radicale et l’expectative armée (watchful waiting) n’a pas non plus montré de différence en termes de mortalité totale et de mortalité spécifique du cancer de la prostate (6,7).

Il est intéressant de noter que les investigateurs de l’étude ProtecT ont également examiné l’impact des différentes formes de thérapie sur la qualité de vie des patients (2). Les problèmes d’incontinence urinaire et de dysfonction sexuelle étaient plus nombreux après une PR que dans les autres groupes (p < 0,001). La différence était la plus importante après 6 mois, puis se réduisait ensuite. Les troubles intestinaux, la nycturie et les symptômes mictionnels étaient plus fréquents après une RT (p < 0,001). La différence était aussi la plus importante après 6 mois. La qualité de vie était la même dans les 3 groupes de traitement.

Les résultats de l’étude ProtecT peuvent donc être utilisés comme arguments tant pour ceux prônant le traitement actif que pour ceux défendant la surveillance active. Les défenseurs de la SA argumenteront de l’absence de différence quant à la survie entre la SA et le traitement actif et l’impact moins important de la SA sur les fonctions urinaire, sexuelle et intestinale. En revanche, les défenseurs d’un traitement actif (RT ou PR) relèveront une plus importante progression de la maladie dans le groupe SA. Ce dernier argument aura plus de poids chez les patients présentant un cancer de la prostate localisé avec un risque intermédiaire. Cette étude ne permet de conclure quant à la supériorité de la RT ou de la PR, car le suivi est trop court et le nombre d’effets indésirables trop faible dans les 2 groupes. Minerva a déjà commenté une étude d’observation qui montre que la différence entre la RT et la PR quant à l’efficacité s’estompe avec le temps (8,9).

 

Conclusion

Cette étude randomisée contrôlée menée chez des patients présentant un cancer de la prostate localisé et ayant un risque faible à intermédiaire montre, après 10 ans, qu’il n’y a pas de différence entre la surveillance active, la prostatectomie radicale et la radiothérapie quant à la mortalité spécifique par cancer de la prostate et à la mortalité globale. L’impact négatif sur les fonctions urinaire, sexuelle et intestinale était plus faible avec la surveillance active, et ce de manière statistiquement significative.

 

Références 

  1. Mambourg F, Jonckheer P, Piérart J, Van Brabandt H. Recommandations nationales de bonne pratique pour la prise en charge du cancer localisé de la prostate : première partie. Good Clinical Practice (GCP). Bruxelles: Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE). 2012. KCE Reports 194B. D/2012/10.273/100.
  2. Hamdy FC, Donovan JL, Lane JA, et al. 10-year outcomes after monitoring, surgery, or radiotherapy for localized prostate cancer. N Eng J Med 2016;375:1415-24. DOI: 10.1056/NEJMoa1606220
  3. Donovan JL, Hamdy FC, Lane JA, et al; ProtecT Study Group. Patient-reported outcomes after monitoring, surgery, or radiotherapy for prostate cancer. N Engl J Med 2016;375:1425-37. DOI: 10.1056/NEJMoa1606221
  4. Stattin P, Holmberg E, Johansson JE, et al; National Prostate Cancer Register (NPCR) of Sweden. Outcomes in localized prostate cancer in the National Prostate Cancer Register of Sweden follow-up study. J Natl Cancer Inst 2010;102:950-8. DOI: 10.1093/jnci/djq154
  5. Chevalier P. Traitement conservateur versus traitement immédiat du cancer de la prostate. Minerva bref 28/01/2011.
  6. Wilt TJ, Brawer MK, Jones KM, et al; Prostate Cancer Intervention versus Observation Trial (PIVOT) Study Group. Radical prostatectomy versus observation for localized prostate cancer. N Engl J Med 2012;367:203-13. DOI: 10.1056/NEJMoa1113162
  7. Claessens F, Joniau S, Laurent M, Van Poppel H. Prostatectomie radicale ou temporisation en cas de cancer de la prostate localisé dépisté par dosage du PSA. Minerva bref 28/04/2013.
  8. Claessens F, Haustermans K, Laurent M, Van Poppel H. Cancer prostatique localisé : effets indésirables à long terme de la prostatectomie et de la radiothérapie externe. Minerva bref 28/06/2013.
  9. Resnick MJ, Koyama T, Fan KH et al. Long-term functional outcomes after treatment for localized prostate cancer. N Engl J Med 2013;368:436-45. DOI: 10.1056/NEJMoa1209978

 

 


Auteurs

Moris L.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :

Van den Broeck T.
Dienst Urologie, UZ Leuven; Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven
COI :

Claessens F.
Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven
COI :

Joniau S.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :

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