Analyse
Ajouter du liraglutide au traitement insulinique en cas de diabète de type 1 ?
Minerva a déjà commenté l’effet du liraglutide ajouté à un traitement insulinique chez les patients atteints de diabète de type 2. Une étude randomisée contrôlée montrait que l’HbA1c diminuait alors de manière statistiquement significative sans augmentation du risque d’hypoglycémie (1,2). On a aussi constaté une réduction de la dose d’insuline utilisée et une diminution du poids. Ces résultats favorables ne pouvaient toutefois pas encore se traduire en un gain cliniquement pertinent en termes de critères d’évaluation forts (3,4). En outre, des études sont encore nécessaires pour déterminer si cette association est sans danger sur le long terme.
La plupart des patients atteints de diabète de type 1 n’atteignent pas l’objectif d’une HbA1c de 7% (5) à cause des hypoglycémies et d’une prise de poids dues au traitement insulinique (6). Une étude menée aux États-Unis montre que près de la moitié des patients atteints de diabète de type 1 sont obèses (7). Les effets favorables du liraglutide (1-4) pourraient donc également être très bénéfiques en cas de diabète de type 1.
Une étude randomisée contrôlée par placebo, menée en double aveugle, à 4 bras, d’une durée de 26 semaines (8), a examiné l’effet de l’ajout de liraglutide par voie sous-cutanée aux doses de 1,8 mg (n = 205), 1,2 mg (n = 209) et 0,6 mg (n = 211) par rapport à un placebo (n = 206), en plus d’un traitement insulinique ajusté individuellement, chez des patients atteints d’un diabète de type 1. Ces patients avaient un IMC > 20 kg/m², étaient traités depuis 3 mois avec une dose stable ou avec plusieurs injections d’insuline ou avec une administration d’insuline en continu, et leur HbA1c se situait entre 7% et 10%. Le seul critère d’exclusion était un traitement avec un autre agoniste des récepteurs du GLP-1 ou avec un inhibiteur de la DPP-4 ; l’applicabilité des résultats à la pratique quotidienne est ainsi accrue.
Après 26 semaines, la valeur moyenne de l’HbA1c, qui était de 8,1% en début d’étude, avait diminué de 0,35% (IC à 95% de -0,50 à -0,20) dans le groupe 1,8 mg de liraglutide, de 0,23% (IC à 95% de -0,38 à -0,08) dans le groupe 1,2 mg de liraglutide et de 0,24% (IC à 95% de -0,39 à -0,10) dans le groupe 0,6 mg de liraglutide versus le groupe placebo (où l’on a observé une augmentation de l’HbA1c de 0,01%). Ce n’est que dans le groupe 1,8 mg de liraglutide que l’on a observé une augmentation statistiquement significative du pourcentage de patients atteignant la valeur cible d’HbA1c < 7,0% (5) (OR 2,12 avec IC à 95% de 1,11 à 4,06). Après 26 semaines, on a également observé une perte de poids statistiquement significative de 5,1 kg, de 4,0 kg et de 2,5 kg avec respectivement 1,8 mg, 1,2 mg et 0,6 mg de liraglutide versus placebo. Par ailleurs, les patients des groupes intervention utilisaient moins d’insuline prandiale, et ce de manière statistiquement significative. On ignore si cela a un rapport avec le fait que la diminution de l’HbA1c était la plus importante après 3 mois, l’HbA1c augmentant ensuite de nouveau à une valeur proche de la valeur initiale, et on ne sait pas non plus s’il y a un rapport avec le fait que l’incidence des hyperglycémies avec cétose (cétones > 1,5 mmol) était plus élevée dans le groupe 1,8 mg de liraglutide que dans le groupe placebo (0,5 vs 0,1 événement par patient par an ; p = 0,01)). On constate par contre une incidence élevée des hypoglycémies symptomatiques dans le groupe recevant 1,2 mg de liraglutide (21,3 événements par patient par an versus 16,6 dans le groupe placebo (p = 0,03)), observation pour laquelle il est difficile de trouver une explication.
Les résultats de l’étude Adjunct Two analysée ici correspondent parfaitement à ceux de l’étude Adjunct One. Cette étude clinique randomisée avait la même conception, mis à part le fait que les doses d’insuline avaient initialement été diminuées pour être ensuite augmentées au besoin, et que la durée de l’étude était de 52 semaines au lieu de 26 (9).
Conclusion
Cette étude en double aveugle, contrôlée versus placebo montre que l’ajout de liraglutide au traitement insulinique chez des patients atteints de diabète de type 1 entraîne une diminution statistiquement significative de l’HbA1c, une perte de poids et une baisse de l’utilisation d’insuline prandiale. Des études sont encore nécessaires pour déterminer la pertinence clinique de cette diminution de l’HbA1c ainsi que la signification clinique de l’incidence plus élevée de l’hypoglycémie avec 1,2 mg de liraglutide et de l’hyperglycémie avec 1,8 mg de liraglutide.
Pour la pratique
Cette étude en double aveugle, contrôlée versus placebo confirme le résultat d'études antérieures. L’ajout de liraglutide au traitement insulinique chez les patients atteints de diabète de type 1 peut mener à un meilleur contrôle de l'HbA1c (1,2), à la réduction des doses d’insuline et à la perte de poids (3,4). La pertinence clinique de l’effet sur l’HbA1c doit encore être investigué car la diminution s’observait principalement au cours des premiers mois qui suivent l’instauration du liraglutide. Malgré l’absence d’augmentation significative du nombre d’effets indésirables graves ou menaçant le pronostic vital, l’augmentation de l’incidence des hypoglycémies et des hyperglycémies avec cétose pourrait limiter la mise en œuvre de cette association dans la pratique quotidienne. Les arguments sont donc insuffisants pour adapter les recommandations actuelles du traitement du diabète de type 1 (5).
Dénomination du médicament
- Liraglutide = Victoza
- Goderis G. Faut-il ajouter du liraglutide en cas de glycémie non contrôlée par plusieurs injections d’insuline par jour ? Minerva bref 17/10/2016.
- Lind M, Hirsch IB, Tuomilehto J, et al. Liraglutide in people treated for type 2 diabetes with multiple daily insulin injections: randomised clinical trial (MDI Liraglutide trial). BMJ 2015;351:h5364. DOI: 10.1136/bmj.h5364
- Vanhaeverbeek M. Le liraglutide est-il sans risque au plan cardiovasculaire dans le traitement du diabète de type 2, ou a-t-il même un effet cardioprotecteur ? Minerva bref 15/02/2017.
- Marso SP, Daniels GH, Brown-Frandsen K, et al. Liraglutide and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:311-22. DOI: 10.1056/NEJMoa1603827
- Traitement au moyen d'insuline du diabète de type 1. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 28/02/2014. Dernière revue : 28/02/2014.
- Miller KM, Foster NC, Beck RW, et al; T1D Exchange Clinic Network. Current state of type 1 diabetes treatment in the U.S.: updated data from the T1D exchange clinic registry. Diabetes Care 2015;38:971-8. DOI: 10.2337/dc15-0078
- Bae JP, Lage MJ, Mo D, et al. Obesity and glycemic control in patients with diabetes mellitus: Analysis of physician electronic health records in the US from 2009–2011. J Diabetes Complications 2016;30:212-20. DOI: 10.1016/j.jdiacomp.2015.11.016
- Ahren B, Hirsch IB, Pieber TR, et al; ADJUNCT TWO Investigators. Efficacy and safety of liraglutide added to capped insulin treatment in subjects with type 1 diabetes: the ADJUNCT TWO randomized trial. Diabetes Care 2016;39:1693-701. DOI: 10.2337/dc16-0690
- Mathieu C, Zinman B, Hemmingsson JU, et al; ADJUNCT ONE Investigators. Efficacy and safety of liraglutide added to insulin treatment in type 1 diabetes: The ADJUNCT ONE treat-to-target randomized trial. Diabetes Care 2016;39:1702-10. DOI: 10.2337/dc16-0691
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