Analyse


Faut-il ajouter du liraglutide en cas de glycémie non contrôlée par plusieurs injections d’insuline par jour ?


17 10 2016

Professions de santé

Analyse de
Lind M, Hirsch IB, Tuomilehto J, et al. Liraglutide in people treated for type 2 diabetes with multiple daily insulin injections: randomised clinical trial (MDI Liraglutide trial). BMJ 2015;351:h5364. DOI: 10.1136/bmj.h5364


Conclusion
Cette RCT placebo-contrôlée montre que, chez des patients dont la régulation de la glycémie est insuffisante avec des injections quotidiennes multiples d’insuline, l’ajout de liraglutide améliore l’HbA1c de manière statistiquement significative sans accroître le risque d’hypoglycémie. Une diminution de la dose d’insuline et une perte de poids ont également été constatées. Une recherche plus approfondie est nécessaire pour savoir dans quelle mesure ce résultat se traduira en un avantage cliniquement pertinent basé sur des critères de jugement forts et si cette association sera sans danger à long terme également.


 

Plusieurs études ont déjà montré que l’ajout d’incrétinomimétiques (analogues du GLP-1) aux antidiabétiques oraux favorise la régulation de la glycémie des patients atteints de diabète de type 2. Ainsi, nous avons déjà commenté une étude clinique randomisée, placebo-contrôlée, en double aveugle, multicentrique (49 hôpitaux ou centres de soins de première ligne), internationale, publiée en 2007 (1,2) qui avait montré que l’administration sous-cutanée quotidienne de 2 doses d’exénatide chez des patients atteints de diabète de type 2 non contrôlé sous traitement par thiazolidinedione (avec ou sans metformine) était plus efficace qu’un placebo en termes de diminution de l’HbA1c et de perte de poids. Une autre étude clinique randomisée menée en ouvert publiée en 2012 (3), ayant également fait l’objet d’une discussion dans Minerva (4), avait comparé l’exénatide et le glimépiride chez des patients atteints d’un diabète de type 2 associé à une surcharge pondérale et à une HbA1c égale à environ 7,5% sous metformine à la dose maximale en monothérapie. Elle avait montré que le contrôle glycémique était mieux maintenu avec l’exénatide qu’avec le glimépiride. L’exénatide provoquait également moins d’hypoglycémies (non graves), et entrainait une perte de poids, ce qui n’avait pas été le cas avec le glimépiride. Cependant, les patients qui prenaient l’exénatide avaient été plus nombreux à arrêter le traitement en raison d’effets indésirables gastro-intestinaux. Ces études (1-4) ne nous avaient pas permis de tirer de conclusion à propos de l’effet de l’exénatide et de ses effets indésirables sur le long terme.

Une RCT publiée en 2015 (5), menée en double aveugle, placebo-contrôlée, a examiné l’effet du liraglutide (analogue du GLP-1) chez des patients atteints du diabète de type 2 et chez qui plusieurs injections d’insuline par jour ne suffisaient pas pour réguler la glycémie. 124 patients ont été inclus ; l’âge moyen était de 64 ans et la durée moyenne du diabète de type 2 était de 17 ans. L’HbA1c se situait entre 7,5% et 11,5% (moyenne de 8,97%) malgré un traitement avec une insuline basale à action prolongée et au moins 2 injections d’insuline prandiale à action rapide. Le BMI (alias IMC) était en moyenne de 33,5 kg/m². Le groupe intervention a reçu pendant 24 semaines une injection sous-cutanée de liraglutide de 0,6 mg (n = 4), de 1,2 mg (n = 3) ou de 1,8 mg (n = 57). Versus placebo, une réduction statistiquement significative de l’HbA1c de -1,13% (avec IC à 95% de -1,45 à -0,81%) a été observée. A première vue, le résultat pourrait sembler cliniquement pertinent, mais on ne sait pas encore si ce gain va également se traduire en un avantage clinique à long terme, tant en ce qui concerne les mortalités globale et spécifique que les complications micro et macrovasculaires. Une étude antérieure a néanmoins déjà pu montrer un effet persistant à long terme (2 ans) du liraglutide sur la diminution de l’HbA1c (6) sans donner aucun résultat relatif aux critères de jugement forts. Les patients ont également pu diminuer la dose quotidienne totale d’insuline de 18,1 unités dans le groupe intervention versus 2,3 unités dans le groupe placebo (différence de -15,8 unités avec IC à 95% de -23,1 à -8,5 unités ; p < 0,001).  Dans le groupe liraglutide, une perte de poids statistiquement significative de -3,8 kg (avec IC à 95% de -4,9 à -2,8 kg) a également été observée. Il n’y a pas eu de différence statistiquement significative quant à la survenue d’hypoglycémies, symptomatiques ou asymptomatiques, ni de différence quant aux effets indésirables graves. Mais les symptômes gastro-intestinaux ont été plus fréquents dans le groupe intervention que dans le groupe placebo (47% versus 13%). Il s’agissait surtout de nausées en début de traitement. Tout comme avec les études antérieures (1,3,6), la durée de cette étude-ci était toutefois trop courte pour permettre de détecter des effets indésirables graves à long terme (tels que des effets indésirables cardiovasculaires et la pancréatite aiguë).

Lorsque la valeur cible de l’HbA1c n’est pas atteinte avec l’association d’une injection d’insuline basale et d’antidiabétiques oraux, Domus Medica recommande d’intensifier le traitement en ajoutant une insuline prandiale (à action rapide ou ultra-rapide) ou un analogue du GLP-1 (7). Le choix pour l’association d’insuline prandiale et d’insuline basale ou pour l’association de l’analogue du GLP-1 et de l’insuline basale dépend du profil du patient. On aura ainsi intérêt à utiliser un analogue du GLP-1 chez les patients obèses ou chez les patients chez qui l’hypoglycémie représente un danger particulier. La présente étude montre, à court terme, qu’en cas de contrôle insuffisant de l’HbA1c, un analogue du GLP-1 peut être ajouté à l’association d’insuline prandiale et d’insuline basale. Toutefois, on ne connaît pas l’effet et la sécurité d’emploi à long terme. De plus, en Belgique, en 2016, l’INAMI ne rembourse pas cette association.

 

Conclusion

Cette RCT placebo-contrôlée montre que, chez des patients dont la régulation de la glycémie est insuffisante avec des injections quotidiennes multiples d’insuline, l’ajout de liraglutide améliore l’HbA1c de manière statistiquement significative sans accroître le risque d’hypoglycémie. Une diminution de la dose d’insuline et une perte de poids ont également été constatées. Une recherche plus approfondie est nécessaire pour savoir dans quelle mesure ce résultat se traduira en un avantage cliniquement pertinent basé sur des critères de jugement forts et si cette association sera sans danger à long terme également.

 

 

Noms des produits

  • Exénatide = Bydureon®, Byetta®
  • Glimépiride = Amarylle®
  • Liraglutide = Victoza®
  • Thiazolidinedione (glitazone) : rosiglitazone (a été retirée du marché belge) ; pioglitazone (Actos® )

 

Références 

  1. Zinman B, Hoogwerf BJ, Duran Garcia S, et al. The effect of adding exenatide to a thiazolidinedione in suboptimally controlled type 2 diabetes: a randomized trial. Ann Intern Med 2007;146:477-85. doi:10.7326/0003-4819-146-7-200704030-00003
  2. Ruige J. Exénatide en ajout à un antidiabétique oral ? MinervaF 2008;7(3):38-9.
  3. Gallwitz B, Guzman J, Dotta F, et al. Exenatide twice daily versus glimepiride for prevention of glycaemic deterioration in patients with type 2 diabetes with metformin failure (EUREXA): an open-label, randomised controlled trial. Lancet 2012;379:2270-8. DOI: 10.1016/S0140-6736(12)60479-6
  4. Benhalima K. Diabète de type 2 : pour quel traitement opter après échec de la metformine ? MinervaF 2013;12(4):45-6.
  5. Lind M, Hirsch IB, Tuomilehto J, et al. Liraglutide in people treated for type 2 diabetes with multiple daily insulin injections: randomised clinical trial (MDI Liraglutide trial). BMJ 2015;351:h5364. DOI: 10.1136/bmj.h5364
  6. Garber A, Henry RR, Ratner R, et al. Liraglutide, a once-daily human glucagon-like peptide 1 analogue, provides sustained improvements in glycaemic control and weight for 2 years as monotherapy compared with glimepiride in patients with type 2 diabetes. Diabetes Obes Metab 2011;13:348-56. doi: 10.1111/j.1463-1326.2010.01356.x
  7. Koeck P, Bastiaens H, Benhalima K, et al. Diabetes mellitus type 2. Richtlijn Domus Medica, gevalideerd door CEBAM, mei 2015.

 


Auteurs

Goderis G.
Academisch Centrum voor Huisartsgeneeskunde, KU Leuven
COI :

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