Analyse


Confirmation : pas d’intérêt d’un antibiotique pour une diverticulite aiguë non compliquée


15 02 2018

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Daniels L, Ünlü Ç, de Korte N, et al; Dutch Diverticular Disease (3D) Collaborative Study Group. Randomized clinical trial of observational versus antibiotic treatment for a first episode of CT-proven uncomplicated acute diverticulitis. Br J Surg 2017;104:52-61. DOI: 10.1002/bjs.10309


Conclusion
Cette RCT de bonne qualité méthodologique montre qu’un traitement d’observation n’est pas inférieur à une antibiothérapie chez des sujets présentant un premier épisode de diverticulite aiguë gauche non compliquée.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Sur base de la littérature publiée jusqu’en 2015, un GPC étatsunien recommande de ne recourir à un antibiotique en cas de diverticulite aiguë non compliquée que de manière sélective. Les antibiotiques devraient être utilisés en cas d’immunosuppression, de comorbidité importante, de syndrome inflammatoire important, de sepsis. Les résultats de la RCT analysée ici ne modifient pas cette recommandation.



Nous avons analysé dans la revue Minerva (1) la première RCT importante (2) concernant l’intérêt d’une antibiothérapie en cas de diverticulite non compliquée. Cette RCT, de puissance insuffisante, ne montrait pas de bénéfice de l’antibiotique versus placebo pour ce qui est des complications à court et moyen termes ni des récidives dans l’année, chez des patients hospitalisés.

Les résultats de cette RCT avaient ensuite été comparés dans une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (sans méta-analyse) avec ceux de 2 petites RCTs plus anciennes (3). Cette synthèse ne montrait aucune différence entre différents schémas antibiotiques (autres médicaments, durées d’administration IV plus ou moins longues) ni entre antibiotique et absence d’antibiotique. Lors de l’analyse de cette synthèse, nous avions conclu (4), comme ses auteurs, à la nécessité d’attendre les résultats des études en cours.

 

Les résultats de l’étude DIABOLO (Diverticulitis : AntiBiotics Or cLose Observation) viennent d’être publiés en 2017 (5). Les sujets suivants ont été inclus dans 22 hôpitaux aux Pays-Bas (n = 528) : premier épisode de diverticulite gauche, non compliquée, aiguë, confirmée dans les 24 heures par CT scan. Cette étude avait choisi comme marge de non-infériorité une différence de maximum 5 jours pour le critère primaire, à savoir le délai de guérison (sortie d’hôpital, régime normal, moins de 38°C, EVA pour la douleur < 4/10 (sans analgésique), reprise des activités). Un suivi a été assuré sur 12 mois ou davantage.

Le délai médian de guérison est de 14 jours (IQR 6-35) sous traitement d’observation et de 12 jours (IQR de 7 à 30) sous antibiotique (p = 0,151) (association amoxicilline-acide clavulanique IV pendant au moins 48 heures puis orale pour une durée totale de 10 jours ; ciprofloxacine + métronidazole en cas d’allergie à l’amoxicilline). Il n’y a également pas de différence significative entre les deux groupes pour les critères de jugement secondaires de l’étude (taux de réadmissions, taux de complications de la diverticulite, récurrence) ni pour les effets indésirables.

 

Conclusion

Cette RCT de bonne qualité méthodologique montre qu’un traitement d’observation n’est pas inférieur à une antibiothérapie chez des sujets présentant un premier épisode de diverticulite aiguë gauche non compliquée.

 

Pour la pratique

Sur base de la littérature publiée jusqu’en 2015, un GPC étatsunien (6) recommande de ne recourir à un antibiotique en cas de diverticulite aiguë non compliquée que de manière sélective. Les antibiotiques devraient être utilisés en cas d’immunosuppression, de comorbidité importante, de syndrome inflammatoire important, de sepsis (7). Les résultats de la RCT analysée ici ne modifient pas cette recommandation.

 

 

 

Références  

  1. Chevalier P. Pas d’antibiotique en cas de diverticulite non compliquée ? MinervaF 2012:11(5):54-5
  2. Chabok A, Påhlman L, Hjern F, et al; AVOD Study Group. Randomized clinical trial of antibiotics in acute uncomplicated diverticulitis. Br J Surg 2012;99:532-9. DOI: 10.1002/bjs.8688
  3. Shabanzadeh DM, Wille-Jørgensen P. Antibiotics for uncomplicated diverticulitis. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD009092.pub2
  4. La rédaction Minerva. Diverticulite non compliquée : antibiotique ou non ? Minerva bref 15/09/2013.
  5. Daniels L, Ünlü Ç, de Korte N, et al; Dutch Diverticular Disease (3D) Collaborative Study Group. Randomized clinical trial of observational versus antibiotic treatment for a first episode of CT-proven uncomplicated acute diverticulitis. Br J Surg 2017;104:52-61. DOI: 10.1002/bjs.10309
  6. Stollman N, Smalley W, Hirano, I. AGA Institute Clinical Guidelines Committee. Guideline on the management of acute diverticulitis. Gastroenterology 2015;149:1944-9. DOI: 10.1053/j.gastro.2015.10.003
  7. Peery AF, Stollman N. Antibiotics for acute uncomplicated diverticulitis: time for a paradigm change? Gastroenterology 2015;149:1650-1. DOI: 10.1053/j.gastro.2015.10.022

 

 




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Commentaires

Johan Buffels 14/03/2018 14:11

Est-ce cette étude en simple aveugle et non contrôlée par placebo permet de tirer de telles conclusions fortes ?

Réaction de la rédaction
Les auteurs ont choisi un modèle pragmatique pour leur RCT. Le design de la recherche s'intégrait bien à la pratique médicale. On pouvait ainsi immédiatement renvoyer des urgences de l’hôpital un pourcentage important de patients qui faisaient partie du groupe d'observation s'ils répondaient à certains critères. Avec le modèle contrôlé par placebo, on aurait dû inclure tout le monde pour un suivre traitement IV. Quels sont les autres pièges potentiels du modèle pragmatique? Des erreurs lors de la randomisation ont été évitées en l’organisant de manière centralisée, par centre et selon le stade de la diverticulite au CTscan. On s’était assuré que l’aveugle était respecté pour les évaluateurs avant l'intervention. On avait aussi vérifié qu’il n'y avait pas de biais de sélection, un problème fréquent dans les études de cas sur des antibiotiques. L'orthodoxie scientifique peut empêcher d’acquérir de nouvelles connaissances qui sont nécessaires. Les chercheurs ont choisi d’aligner étroitement la recherche à la pratique existante et de quand-même laisser cette pratique s'écarter des lignes directrices actuelles en ne prescrivant pas d’antibiotiques à un groupe de patients. Quand le groupe sans d'antibiotique réagit aussi bien que le groupe avec antibiotique, on peut certainement s’interroger sur les recommandations existantes, et d’autant plus que cette observation confirme des observations précédentes qui vont dans le même sens. - Marc Lemiengre