Analyse


Effet d’un programme d’exercices en prévention secondaire après une chute chez des personnes âgées vivant à domicile et présentant un risque accru de chutes


17 03 2020

Professions de santé

Ergothérapeute, Kinésithérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Liu-Ambrose T, Davis JC, Best JR, et al. Effect of a home-based exercise program on subsequent falls among community-dwelling high-risk older adults after a fall: a randomized clinical trial. JAMA 2019;321:2092-100. DOI: 10.1001/jama.2019.5795. Erratum in: JAMA 2019;322:174.


Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée, menée en ouvert, avec un possible risque de biais de détection, montre que, chez les patients présentant un risque accru de chutes, le programme d’exercices à domicile Otago, consistant en exercices d’entraînement de la force et en exercices d’équilibre, complété par des promenades et débuté après un traitement par un gériatre dans un centre de prévention des chutes, réduit le nombre de chutes de manière statistiquement significative.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le guide de pratique clinique Ebpracticenet « Prévention des chutes chez les personnes âgées vivant à domicile » préconise une intervention multifactorielle. Un volet de cette intervention multifactorielle peut être un programme d’exercices. L’étude randomisée contrôlée, menée en ouvert dont il a été question plus haut montre que le programme Otago, consistant en exercices d’entraînement de la force et en exercices d’équilibre, complété de promenades, et dans le cadre d’une approche multidisciplinaire, réduit le nombre de chutes chez les personnes âgées présentant un risque accru de chutes, et il pourrait être justifié de le mettre en place dans la pratique clinique.



Au cours des dix dernières années, Minerva a traité à plusieurs reprises de l’efficacité des interventions pour la prévention des chutes chez les personnes âgées habitant à domicile (1-10). Ainsi, nous appuyant sur une synthèse méthodique, nous avons conclu que tant les interventions multifactorielles que les programmes d’exercices avaient un effet préventif chez les personnes âgées présentant un risque accru de chutes. Les faits probants paraissaient plus constants avec les programmes d’exercices.

Une récente étude randomisée contrôlée (11) a examiné l’effet du programme d’exercices Otago chez 344 personnes de plus de 70 ans habitant à domicile (âge moyen 81,6 ans (ET 6,1 ans), 67% de sexe féminin) qui, après une première chute (non liée à une syncope) au cours des 12 mois précédents, avaient été adressées par leur médecin généraliste à un centre de prévention des chutes dans un hôpital universitaire. Les autres critères d’inclusion étaient un risque accru de chutes, un score > 15 secondes au test « Timed up and go » (TUG), un score > 24 au test de Folstein (MMSE) et une espérance de vie > 12 mois. Les personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative, de démence, ayant des antécédents d’AVC, présentant une hypersensibilité du sinus carotidien ou qui n’étaient pas capable de marcher 3 mètres n’ont pas été incluses.

Outre la prise en charge habituelle assurée par le centre de prévention des chutes (évaluation du risque de chutes, réconciliation médicamenteuse et révision si nécessaire, conseils en matière de mode de vie et éventuellement orientation vers d’autres travailleurs de la santé (ophtalmologue, ergothérapeute…), les participants du groupe intervention (n = 172) pouvaient suivre le programme d’exercices Otago. Celui-ci se présente comme un programme d’exercices individuels à domicile comportant 5 exercices d’entraînement de la force et 11 exercices d’équilibre. Un kinésithérapeute a visité les patients à plusieurs reprises à leur domicile pour leur apprendre les exercices du programme. Il était demandé aux patients d’effectuer les exercices par eux-mêmes trois fois par semaine et de faire une promenade de 30 minutes au moins deux fois par semaine. Après 12 mois, l’observance moyenne était de 63% pour les exercices d’équilibre et les exercices d’entraînement de la force et de 127% pour les promenades. Ce dernier chiffre laisse entendre que certains patients ont effectué des promenades à raison de plus de deux fois 30 minutes par semaine et n’est donc pas une bonne estimation de l’observance individuelle. Le groupe contrôle (n = 172) a simplement bénéficié de la prise en charge habituelle assurée dans le centre de prévention des chutes, et l’observance n’a pas été évaluée. La randomisation a été effectuée avec préservation du secret d’attribution (concealment of allocation), et le risque de biais de sélection est donc faible. Comme le nombre de chutes paraît être différent chez les hommes et chez les femmes (12), la population de l’étude a été stratifiée en fonction du sexe. Une stratification avait aussi été prévue en fonction du gériatre, mais cela ne se justifiait guère car 70% des patients étaient suivis par un même gériatre. L’analyse a été effectuée en intention de traiter. Le taux de sorties d’étude était inférieur à 15% et était comparable dans les deux groupes, ce qui fait que le biais de migration est faible. 

Après un suivi moyen de 338 jours (ET 81 jours), le nombre de chutes signalées (consignées sur un calendrier mensuel), critère de jugement primaire, était de 236 dans le groupe intervention contre 366 dans le groupe contrôle. Selon les estimations, cela correspond respectivement à 1,4 (avec IC à 95% de 0,1 à 2,0) et à 2,1 (avec IC à 95% de 0,1 à 3,2) chutes par personne par an, soit une différence absolue dans l’incidence des chutes de 0,74 (avec IC à 95% de 0,04 à 1,78 ; p = 0,006) et un ratio de taux d'incidence (Incidence Rate Ratio, IRR) de 0,64 (avec IC à 95% de 0,46 à 0,90 ; p = 0,009) en faveur du groupe intervention. Aucune différence statistiquement significative dans les critères secondaires n’a été observée, tels que la variation du risque de chute, de l’équilibre général et de la mobilité. Malgré une diminution statistiquement significative du nombre de chutes dans le groupe intervention, une analyse post hoc n’a pas montré de différence statistiquement significative dans le nombre de fractures dues à une chute. Aucun effet indésirable n’a été signalé. 

Durant l’étude, les patients savaient évidemment de quel groupe ils faisaient partie, tout comme les kinésithérapeutes. Tous les mois, un assistant de recherche non en aveugle était responsable de rassembler les calendriers mensuels des chutes. L’assistant de recherche vérifiait aussi directement auprès des personnes âgées dans quelle mesure la chute consignée remplissait les critères de chute (se retrouver involontairement au sol ou à un niveau inférieur, chute non provoquée par une poussée violente, par une perte de conscience ou par une paralysie soudaine due à un accident vasculaire cérébral ou une crise d’épilepsie). Un biais de détection ne peut donc être exclu.

 

Conclusion

Cette étude randomisée contrôlée, menée en ouvert, avec un possible risque de biais de détection, montre que, chez les patients présentant un risque accru de chutes, le programme d’exercices à domicile Otago, consistant en exercices d’entraînement de la force et en exercices d’équilibre, complété par des promenades et débuté après un traitement par un gériatre dans un centre de prévention des chutes, réduit le nombre de chutes de manière statistiquement significative.

 

Pour la pratique

Le guide de pratique clinique Ebpracticenet « Prévention des chutes chez les personnes âgées vivant à domicile » (13) préconise une intervention multifactorielle. Un volet de cette intervention multifactorielle peut être un programme d’exercices. L’étude randomisée contrôlée, menée en ouvert dont il a été question plus haut montre que le programme Otago, consistant en exercices d’entraînement de la force et en exercices d’équilibre, complété de promenades, et dans le cadre d’une approche multidisciplinaire, réduit le nombre de chutes chez les personnes âgées présentant un risque accru de chutes, et il pourrait être justifié de le mettre en place dans la pratique clinique.

 

Références 

  1. Chevalier P. Prévention des chutes au domicile pour les personnes âgées. MinervaF 2010;9(6):66-7.
  2. Gillespie LD, Robertson MC, Gillespie WJ, et al. Interventions for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 2. DOI: 10.1002/14651858.CD007146.pub2
  3. Chevalier P. Prévention des chutes chez les personnes âgées : efficacité et adhérence à des programmes d’exercices au domicile. MinervaF 2013;12(9):108-9.
  4. Simek EM, McPhate L, Haines TP. Adherence to and efficacy of home exercise programs to prevent falls: a systematic review and meta-analysis of the impact of exercise program characteristics. Prev Med 2012;55:262-75. DOI: 10.1016/j.ypmed.2012.07.007
  5. Chevalier P. Evaluation multifactorielle et intervention ciblée pour la prévention des chutes. MinervaF 2008;7(4):62-3.
  6. Gates S, Lamb SE, Fisher JD, et al. Multifactorial assessment and targeted intervention for preventing falls and injuries among older people in community and emergency care settings: systematic review and meta-analysis. BMJ 2008;336:130-3. DOI: 10.1136/bmj.39412.525243.BE
  7. Chevalier P. Verres correcteurs et prévention des chutes : multifocaux ou non ? Minerva bref 22/10/2010.
  8. Haran MJ, Cameron ID, Ivers RQ, et al. Effect on falls of providing single lens distance vision glasses to multifocal glasses wearers: VISIBLE randomised controlled trial. BMJ 2010;340:c2265. DOI: 10.1136/bmj.c2265
  9. Meurrens J, Vlaeyen E, Gielen E, Milisen K. Efficacité d’une intervention multifactorielle, d’un programme d’exercices et d’un supplément en vitamine D comme stratégie de prévention des chutes chez les personnes âgées habitant à domicile ? Minerva bref 15/03/2019.
  10. Guirguis-Blake JM, Michael YL, Perdue LA, et al. Interventions to prevent falls in older adults: updated evidence report and systematic review for the US Preventive Services Task Force. JAMA 2018;319:1705-16. DOI: 10.1001/jama.2017.21962
  11. Liu-Ambrose T, Davis JC, Best JR, et al. Effect of a home-based exercise program on subsequent falls among community-dwelling high-risk older adults after a fall: a randomized clinical trial. JAMA 2019;321:2092-100. DOI: 10.1001/jama.2019.5795. Erratum in: JAMA 2019;322:174.
  12. Duckham RL, Procter-Gray E, Hannan MT, et al. Sex differences in circumstances and consequences of outdoor and indoor falls in older adults in the MOBILIZE Boston cohort study. BMC Geriatr 2013;13:133. DOI: 10.1186/1471-2318-13-133
  13. Milisen K, Leysens G, Vanaken D, et al. La prévention des chutes chez les personnes âgées résidant à domicile. Guide de pratique clinique flamand. www.valpreventie.be et www.ebmpracticenet.be 2017.

 


Auteurs

De Coninck L.
ergotherapeut-gerontoloog, Departement bewegings- en revalidatiewetenschappen, KU Leuven; SQaQEL (Scientific questions and Quality evidence linked)
COI :

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