Analyse


Programme de traitement comportemental automatisé en ligne pour maintenir la perte de poids chez les adultes en surpoids et obèses ?


23 10 2025

Professions de santé

Diététicien, Médecin généraliste, Psychologue
Analyse de
Thomas JG, Panza E, Goldstein CM, et al. Pragmatic implementation of online obesity treatment and maintenance interventions in primary care. JAMA Intern Med 2024;184:502-9. DOI : 10.1001/jamainternmed.2023.8438


Question clinique
Après la phase de traitement d’un programme de traitement comportemental automatisé en ligne visant la perte de poids chez les adultes en surpoids et obèses, quelle est la différence à 12 mois en termes de maintien du poids perdu entre les interventions en ligne intensives et les newsletters en ligne ?


Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée pragmatique démontre qu’après neuf mois, une intervention en ligne de maintien du poids perdu plus intensive avec des cours en ligne, une autosurveillance et des retours d’information, par comparaison à des newsletters seules, est plus susceptible de maintenir la perte de poids obtenue à partir d’un programme de traitement comportemental automatisé en ligne d’une durée de trois mois chez les adultes en surpoids et obèses. Il faut tenir compte d’un taux élevé d’abandons de l’étude et aussi du fait qu’un biais dans les mesures du poids au cours du suivi ne peut être exclu.


Contexte

En 2024, la prévalence de l’obésité, définie comme un BMI de 30,0 kg/m2 ou plus, était de 17% chez les adultes en Belgique (1). Une discussion publiée par Minerva en 2021 soulignait déjà le rôle essentiel du médecin généraliste dans le suivi à long terme des personnes obèses (2,3). Dans une étude qualitative examinant une intervention comportementale en ligne axée sur le mode de vie, un niveau élevé de satisfaction des patients a été constaté avec un coaching de style de vie personnalisé, des outils d’autosurveillance et des fonctions d’apprentissage structurées. Les participants ont souligné l’importance de la commodité et de la flexibilité lors de l’utilisation d’un outil de conseil en ligne (4). Une autre étude qualitative portant sur les points de vue des patients et des prestataires de soins sur les programmes de traitement en ligne a conclu en 2022 que la combinaison d’un programme en ligne avec le soutien d’un médecin généraliste devrait être largement envisagée dans les soins de première ligne pour augmenter le succès des interventions (5). 

 

 

Résumé 

 

Population étudiée 

  • entre 2018 et 2020, des personnes en surpoids et obèses issues d’un réseau de soins de première ligne (la Rhode Island Primary Care Physicians Corporation, composée de 60 cabinets de médecine générale avec un total de 100 médecins généralistes) ont été orientées par une infirmière coordinatrice de soins vers une plateforme électronique contenant des informations sur un programme en ligne visant la perte de poids
  • critères d’inclusion : âge de 18 à 75 ans, BMI ≥ 25 kg/m², accès à un appareil connecté à Internet
  • critères d’exclusion : participation à un autre programme de perte de poids, prise de médicaments pour perdre du poids, régime alimentaire liquide, femmes enceintes, accouchement depuis moins de 6 mois ou grossesse prévue dans les 12 prochains mois, allaitement, problème de santé rendant l’activité physique non supervisée dangereuse, incapacité de marcher deux pâtés de maisons sans s’arrêter 
  • finalement, inclusion de 654 personnes ; chez les 540 personnes avec données pondérales, l’âge moyen était de 52,8 ans (ET 13,4), et 71,1% étaient de sexe féminin ; le BMI moyen était de 36,0 kg/m2 (ET 7,1), et les participants ont enregistré leur poids dans le dossier médical informatisé (DMI) en moyenne 4,8 (ET 2 à 6) fois. 

 

Protocole de l’étude 

Étude randomisée contrôlée pragmatique (6)

  • tous les participants ont participé à une intervention comportementale en ligne entièrement automatisée pour la perte de poids pendant 3 mois, qui comprenait douze vidéo pédagogiques interactives hebdomadaires sur des stratégies de changement de comportement basées sur des preuves pour la perte de poids (fixation d’objectifs, résolution de problèmes) ainsi que l’autosurveillance quotidienne du poids, le nombre de minutes d’activité physique modérée à intense et l’apport énergétique, avec un retour d’information hebdomadaire automatisé et personnalisé ; les objectifs étaient une perte de poids de 0,5 à 1 kg par semaine, un apport énergétique de 1200 à 1500 kcal ou 1500 à 1800 kcal par jour en fonction du poids initial, et plus de 150 minutes d’activité physique modérée à intense par semaine
  • les participants ont ensuite été randomisés entre trois interventions de maintien du poids perdu :
    • groupe témoin : a reçu une newsletter mensuelle en ligne pendant neuf mois avec des cours d’éducation et la répétition des compétences en rapport avec le poids santé, la nutrition et l’exercice physique 
    • groupe de maintien du poids perdu : a reçu mensuellement des cours en ligne pendant neuf mois avec renforcement des objectifs initiaux et focalisation sur les stratégies comportementales pour maintenir la perte de poids (comme gérer l’ennui et lier ses objectifs personnels à ses valeurs), ainsi que sur les stratégies d’autorégulation pour prévenir la prise de poids et développer davantage une activité physique modérée à intense, et une autosurveillance avec retour d’information automatisé pendant une semaine 
    • groupe de rappel de maintien du poids perdu : après une séance d’introduction, les participants ont suivi deux séances de maintien du poids perdu à 7 et 10 mois, chaque fois au moyen de quatre cours hebdomadaires présentant le même contenu que pour le groupe précédent, également avec autosurveillance et retour d’information automatisé et avec en plus un objectif de perte de poids de 2,27 kg 
  • suivi : recueil des mesures de poids 1 mois avant l’inclusion et jusqu’à 24 mois après l’inclusion à partir du DMI des participants.

 

Mesure des résultats

  • principal critère de jugement : variation du poids à 12 mois par rapport au début de l’étude
  • critères de jugement secondaires : variation du poids à 24 mois par rapport au début de l’étude, participation au programme
  • analyses en intention de traiter (avec données disponibles) et analyses par protocolee (au moins un cours regardé, ou données
  • d’autosurveillance fournies au moins une fois au cours des 9 mois d’interventions de maintien du poids perdu).

 

Résultats

  • après la période de traitement initiale de trois mois, la perte de poids moyenne était de -3,60 kg (avec IC à 95% de -4,32 à -2,88 kg) selon l’analyse en intention de traiter (n = 540) et de -6,19 (IC à 95% de -7,25 à -5,13 kg) selon l’analyse par protocole (n = 253)
  • à 12 mois, une prise de poids plus importante a été observée dans le groupe témoin que dans les autres groupes de maintien du poids perdu, et ce de manière statistiquement significative (1,28 kg avec un IC à 95% de 0,85 à 1,71 ; p = 0,004) ; il n’y avait pas de différence statistiquement significative dans la prise de poids entre le groupe de maintien du poids perdu à raison d’une séance par mois (0,37 kg avec un IC à 95% de -0,06 à 0,81) et le groupe de rappel de maintien du poids perdu (0,45 kg avec un IC à 95% de 0,27 à 0,87) ; les mêmes constatations ont été faites lors des mesures à 24 mois ainsi que dans l’analyse par protocole à 12 et 24 mois ; l’âge, le sexe et l’appartenance à une minorité raciale ou ethnique n’étaient pas associés à une prise de poids plus ou moins importante
  • il n’y avait aucune différence entre les groupes quant au nombre moyen de cours regardés ou de jours d’autosurveillance dans l’analyse par protocole ; les participants qui ont regardé 4 cours ou plus (n = 90) avaient pris moins de poids à 12 mois que ceux qui étaient moins engagés (0,46 kg avec un IC à 95% de -0,15 à 1,06 contre 1,51 kg avec un IC à 95% de 1,01 à 2,00 ; p = 0,004) ; de plus, les participants qui ont fait leur autosurveillance pendant 30 jours ou plus (n = 134) avaient moins pris de poids que ceux qui étaient moins engagés (0,96 kg avec un IC à 95% de 0,18 à 1,20 contre 1,68 kg avec un IC à 95% de 1,11 à 2,26 ; p = 0,005).

 

Conclusion des auteurs

Les résultats de cette étude clinique randomisée indiquent que la mise en œuvre pragmatique d’un traitement comportemental automatisé en ligne d’une durée de 12 mois pour l’obésité, comprenant une phase active de maintien du poids perdu d’une durée de 9 mois, conduit à une perte de poids cliniquement significative sur une période de 2 ans chez les patients en surpoids ou obèses en soins de première ligne. Ces résultats soulignent l’importance des interventions continues de maintien du poids perdu pour prévenir la reprise de poids.

 

Financement de l’étude

The Miriam Hospital (un hôpital privé à but non lucratif dans l’État américain de Rhode Island) avec une subvention du National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases (NIDDK).

 

Conflits d’intérêt des auteurs

Quatre auteurs ont reçu des subventions de recherche du National Institutes of Health (NIH), du NIDDK, de la Brown University, de la Rhode Island Foundation au moment de la réalisation de l’étude ; deux auteurs ont reçu une compensation personnelle de Medifast Inc, de LummeHealth Inc et de Noom Inc en dehors du travail soumis ; aucun autre conflit d’intérêt n’a été signalé.

 

 

Discussion 

 

Évaluation de la méthodologie

Pour l’élaboration du rapport concernant cette étude randomisée contrôlée, les chercheurs ont respecté les Standards fusionnés dans la rédaction d’essais thérapeutiques (Consolidated Standards of Reporting Trials, CONSORT) (7), ce qui permet une évaluation précise de la validité interne des résultats. Les auteurs ont effectué un calcul de taille d’échantillon a priori pour détecter une différence moyenne de 2 kg (ET 5 kg) entre les trois interventions de maintien du poids perdu. Le nombre prédéterminé de 600 participants a été randomisé. En fin de compte, les données pondérales n’étaient disponibles que pour 540 participants, ce qui pourrait entraîner une puissance insuffisante pour détecter les différences de changement de poids après 9 mois d’intervention. Les participants ont été randomisés de manière automatisée selon un rapport de 1/1/1 en blocs de 3 au départ et n’ont été informés de leur attribution qu’au début de l’intervention de maintien du poids perdu. Les trois bras d’étude étaient comparables en termes de sexe, d’âge, d’origine ethnique et de BMI. Le traitement de maintien du poids perdu dans les différents groupes est clairement décrit et suffisamment défini. 
Les prestataires de soins et les chercheurs n’étaient pas en aveugle. Cela peut avoir entraîné un biais. Les participants ont enregistré leur poids dans le dossier médical informatisé. Les pesées pouvaient donc avoir lieu à des moments différents et dans des circonstances différentes (par exemple avec des vêtements différents) sans standardisation ni intervalles prédéterminés. De plus, comme les participants savaient qu’ils participaient à une étude sur la perte de poids, leurs réponses étaient donc peut-être socialement souhaitables. Une mesure plus objective du poids aurait pu réduire le risque de biais de conformité sociale.

 

Évaluation des résultats

Les deux programmes de maintien du poids perdu les plus intensifs (tant celui de 9 mois que celui de 2 mois) ont entraîné une prise de poids moins importante, et ce de manière statistiquement significative, après la perte de poids initiale au cours de la phase de traitement, par comparaison avec un groupe témoin recevant des newsletters. Les résultats des analyses en intention de traiter et des analyses par protocole ont été rapportés, et une tendance similaire de prise de poids après une perte de poids initialement plus importante a été observée dans l’analyse par protocole. Ce dernier résultat est probablement dû au fait que 14% des participants à l’analyse en intention de traiter n’avaient même pas participé au programme initial de perte de poids d’une durée de trois mois. Dans les interventions de maintien du poids perdu, le taux d’abandons s’élevait à 39%, mais était réparti de manière uniforme entre les trois groupes, de sorte que la randomisation n’a pas été compromise. Les programmes de perte de poids et de maintien du poids perdu ainsi que les programmes en ligne sont, dans les deux cas, associés à un faible taux d’inscriptions et à des taux d’abandons élevés (8). Le taux d’abandons de l’étude est donc conforme à la réalité clinique. Cependant, le fait que des tendances comparables aient été observées dans les analyses en intention de traiter et dans les analyses par protocole renforce la fiabilité des résultats. 
Les faibles différences en termes de modification du poids entre les traitements plus intensifs de maintien du poids perdu suggèrent que la fréquence à laquelle les séances sont proposées n’a peut-être pas d’influence sur le résultat. Cependant, le fait de proposer une certaine forme d’intervention continue, même sans contact humain, a entraîné une perte de poids plus importante que dans un groupe témoin qui n’a reçu qu’une newsletter. Bien que la perte de poids absolue en kg soit limitée, les auteurs affirment qu’après deux ans, le groupe témoin a repris 84% du poids qu’il avait perdu, contre 24% et 29% dans les autres groupes. Compte tenu de l’investissement limité en temps et en argent requis du professionnel de la santé et de la personne obèse, ces interventions peuvent s’avérer rentables. Il faut toutefois toujours être prudent lorsqu’on propose des interventions qui ne sont pas suffisamment efficaces, car cela peut également réduire la motivation pour les traitements ultérieurs ou donner le sentiment que « rien n’est efficace ».
Le fait que les participants étaient principalement des Blancs limite la possibilité de généraliser à des contextes divers. De plus, l’article ne fournit pas d’informations sur d’autres comorbidités, comme les risques cardiovasculaires ou d’autres problèmes. Les personnes en surpoids finalement incluses présentent un large éventail, leur BMI allant de 25 à 45, et le poids initial n’est pas inclus dans les analyses. Cela ne nous permet pas de déterminer pour quelles personnes ces interventions sont efficaces ou non. 

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Le guide de pratique clinique élaboré par le WOREL sur la prise en charge multimodale de l’obésité chez l’adulte stipule que les interventions comportementales, telles que l’autosurveillance, ont un effet limité mais durable sur le maintien de la perte de poids. L’utilisation d’outils numériques est également recommandée pour promouvoir et soutenir une activité physique adéquate et une alimentation saine (9). Le guide de pratique clinique Moving Minds (UC Leuven Limburg), intitulé « Conseils en matière de nutrition et de mode de vie pour les adultes en surpoids ou obèses », recommande également une stratégie thérapeutique combinant l’éducation des patients et le soutien à l’autocontrôle (10). 

 

 

Conclusion de Minerva

Cette étude randomisée contrôlée pragmatique démontre qu’après neuf mois, une intervention en ligne de maintien du poids perdu plus intensive avec des cours en ligne, une autosurveillance et des retours d’information, par comparaison à des newsletters seules, est plus susceptible de maintenir la perte de poids obtenue à partir d’un programme de traitement comportemental automatisé en ligne d’une durée de trois mois chez les adultes en surpoids et obèses. Il faut tenir compte d’un taux élevé d’abandons de l’étude et aussi du fait qu’un biais dans les mesures du poids au cours du suivi ne peut être exclu.

 

 


Références 

  1. HIS - Enquête de santé. Sciensano, 2024.URL: https://www.sciensano.be/fr/projets/enquete-de-sante
  2. Joly L. Quelles sont les attitudes et habitudes de traitement adoptées par les médecins généralistes envers les patients souffrant d’obésité ? Minerva Analyse 15/09/2021
  3. Schwenke M, Luppa M, Pabst A, et al. Attitudes and treatment practice of general practitioners towards patients with obesity in primary care. BMC Fam Pract 2020;21:169. DOI: 10.1186/s12875-020-01239-1
  4. Lyden JR, Zickmund SL, Bhargava TD, et al. Implementing health information technology in a patient-centered manner: patient experiences with an online evidence-based lifestyle intervention. J Healthc Qual 2013;35:47-57
  5. Rozenblum R, De La Cruz BA, Nolido NV, et al. Primary care patients’ and providers’ perspectives about an online weight management program integrated with population health management: post-intervention qualitative results from the PROPS study. PEC Innovation 2022;1:100057. DOI: 10.1016/j.pecinn.2022.100057
  6. Thomas JG, Panza E, Goldstein CM, et al. Pragmatic implementation of online obesity treatment and maintenance interventions in primary care. JAMA Intern Med 2024;184:502-9. DOI: 10.1001/jamainternmed.2023.8438
  7. Baer HJ, Rozenblum R, De La Cruz BA, et al. Effect of an online weight management program integrated with population health management on weight change. JAMA 2020;324:1737. DOI: 10.1001/jama.2020.18977
  8. McCoy CE. Understanding the intention-to-treat principle in randomized controlled trials. Western J Emerg Med 2017;18:1075-8. DOI: 10.5811/westjem.2017.8.35985
  9. De Coninck L, Vanhoof E, Van Cauwenbergh S, T. et al. Guide de pratique clinique sur la prise en charge multimodale de l'obésité chez l'adulte. WOREL, mise à jour 2024. 
  10. Conseils en matière de nutrition et de mode de vie pour les adultes en surpoids ou obèses. UC Leuven Limburg (UCLL). Moving Minds 2021. Via Ebpracticenet: https://ebpnet.be/fr/ebsources/6049

 

 

Cet article a vu le jour lors de la journée des écrivains de Minerva en septembre de cette année. Sous la tutelle de membres expérimentés du comité de rédaction, de nouveaux auteurs, médecins et paramédicaux, ont travaillé à l'interprétation d'un article sélectionné par Minerva. Comme toujours ce texte a été révisé par les pairs de la rédaction.

 




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