Revue d'Evidence-Based Medicine
En cas de rhinite allergique, est-il préférable d’administrer un traitement pharmacologique par voie intranasale ou orale ?
Minerva 2025 Volume 24 Numéro 8 Page 174 - 177
Professions de santé
Infirmier, Médecin généraliste, PharmacienContexte
La rhinite allergique est une affection répandue qui a un impact important sur la qualité de vie et sur la productivité (1). En cas de rhinite allergique modérée à sévère, le guide de pratique clinique de 2020 « Rhinite allergique et son impact sur l’asthme » (Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma, ARIA) donne la préférence aux traitements par voie intranasale en raison d’une plus grande rapidité d’action et d’une meilleure efficacité par rapport aux traitements par voie orale (2). Le niveau de preuve sous-jacent est toutefois classé comme étant faible à très faible (2). Une précédente synthèse méthodique se limitait à une comparaison entre les corticoïdes par voie intranasale et les antihistaminiques par voie orale (3). Dans Minerva, la discussion traitant de cette synthèse méthodique a conclu que les corticoïdes par voie intranasale étaient plus efficaces et peut-être aussi plus sûrs que les antihistaminiques par voie orale (4). Dans le cadre de la révision des guides de pratique clinique ARIA, une nouvelle synthèse méthodique a été réalisée pour comparer différents traitements administrés par voie intranasale et par voie orale (5).
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse.
Sources consultées
- MEDLINE, Embase, Web of Science, le registre central Cochrane des essais contrôlés (Cochrane Central Register of Controlled Trials) ; jusque septembre 2023
- clinicaltrials.gov, banques de données pour les études cliniques de GSK et AstraZeneca
- pas de restriction quant à la langue de publication, ni de restrictions en fonction du statut de publication ou de l’année de publication.
Études sélectionnées
- critères d’inclusion : études randomisées contrôlées (RCTs), en groupes parallèles, comparant l’effet des médicaments administrés par voie intranasale (corticoïdes, antihistaminiques ou une combinaison fixe des deux) et des médicaments administrés par voie orale (antihistaminiques ou antagonistes des récepteurs des leucotriènes) sur le plan des symptômes nasaux et oculaires et de la qualité de vie chez des personnes ayant 12 ans ou plus et souffrant de rhinite allergique saisonnière ou chronique après un suivi de respectivement au moins 2 et 4 semaines
- finalement, inclusion de 35 RCTs ; 9 études comparaient des antihistaminiques par voie intranasale et des antihistaminiques par voie orale ; 24 études comparaient des corticoïdes par voie intranasale et des antihistaminiques par voie orale, et 3 études comparaient des corticoïdes par voie intranasale et des antagonistes des récepteurs des leucotriènes par voie orale.
Population étudiée
- patients atteints de rhinite allergique saisonnière (N = 33) ou chronique (N = 2) ; 49 à 736 participants par étude ; âge moyen entre 25,4 et 40,4 ans ; 35,3 à 65,7% de femmes.
Mesure des résultats
- difference moyenne (DM) entre les deux groupes quant à la variation, par rapport à l’inclusion, du score total des symptômes nasaux (Total Nasal Symptom Score, TNSS), du score total des symptômes oculaires (Total Ocular Symptom Score, TOSS) et du score au questionnaire de qualité de vie spécifique de la rhino-conjonctivite (Rhinoconjunctivitis Quality of Life Questionnaire, RQLQ)
- risque relatif pour les effets indésirables, et arrêt du traitement en raison d’effets indésirables
- modèle à effets aléatoires.
Résultats
- amélioration plus importante du TNSS avec les antihistaminiques par voie intranasale (azélastine) qu’avec les antihistaminiques par voie orale (cétirizine ou desloratidine), avec les corticoïdes par voie intranasale (fluticasone) qu’avec les antagonistes des récepteurs des leucotriènes (montélukast), et avec les corticoïdes par voie intranasale qu’avec les antihistaminiques par voie orale (voir le tableau)
- amélioration plus importante du TNSS avec les corticoïdes par voie intranasale (fluticasone) qu’avec les antihistaminiques par voie orale (voir le tableau)
- amélioration plus importante de la qualité de vie spécifique de la rhino-conjonctivite avec les antihistaminiques par voie intranasale (azélastine) qu’avec les antihistaminiques par voie orale (cétirizine), et avec les corticoïdes par voie intranasale qu’avec les antihistaminiques par voie orale (voir le tableau)
- pas de différence entre les traitements par voie intranasale et les traitements par voie orale quant au nombre de patients ayant développé au moins un effet indésirable, mais bien probabilité plus élevée de développer au moins un effet indésirable avec les antihistaminiques par voie intranasale qu’avec les antihistaminiques par voie orale (voir le tableau)
- pas de différence entre les traitements par voie intranasale et les traitements par voie orale quant au nombre de patients ayant arrêté le traitement en raison d’effets indésirables (voir le tableau).
Tableau. Différence moyenne (DM) entre les traitements par voie intranasale et par voie orale quant à la variation, par rapport à l’inclusion, du TNSS, du TOSS et du RQLQ, et différence (RR) entre les traitements par voie intranasale et par voie orale quant aux effets indésirables et à l’arrêt du traitement en raison d’effets indésirables ; avec le nombre d’études (N), le nombre de participants (n), l’hétérogénéité statistique (I²) et la certitude des données probantes (GRADE).
|
DM ou RR (IC à 95%) |
N/n |
I² |
GRADE |
Score total des symptômes nasaux (TNSS) (DM) |
|
|
||
Antihistaminiques par voie intranasale versus orale |
-0,47 (de -0,81 à -0,14) |
3/878 |
0% |
Élevé |
Corticoïdes par voie intranasale versus antagonistes des récepteurs des leucotriènes |
-1,05 (de -1,33 à -0,77) |
2/1441 |
0% |
Élevé |
Corticoïdes par voie intranasale versus antihistaminiques par voie orale |
-0,86 (de -1,20 à -0,51) |
5/4423 |
70% |
Faible |
Score total des symptômes oculaires (TOSS) (DM) |
||||
Corticoïdes par voie intranasale versus antihistaminiques par voie orale |
-0,36 (de -0,56 à -0,17) |
5/2051 |
0% |
Élevé |
Questionnaire de qualité de vie spécifique de la rhino-conjonctivite (RQLQ) (MD) |
||||
Antihistaminiques par voie intranasale versus orale |
-0,31 (de -0,56 à -0,06) |
2/661 |
0% |
Faible |
Corticoïdes par voie intranasale versus antihistaminiques par voie orale |
-0,88 (de -1,15 à -0,61) |
2/361 |
0% |
Élevé |
Nombre de patients avec au moins un effet indésirable (RR) |
||||
Traitements par voie intranasale versus orale |
RR 1,02 (0,94 à 1,09) |
22/6520 |
0% |
Modéré |
Antihistaminiques par voie intranasale versus orale |
RR 2,10 (1,04 à 4,26) |
2/? |
0% |
Faible |
Nombre de patients arrêtant le traitement en raison d’effets indésirables (RR) |
||||
Traitements par voie intranasale versus orale |
RR 1,00 (0,72 à 1,38) |
30/8792 |
0% |
Modéré |
Conclusion des auteurs
Les études randomisées contrôlées suggèrent que les traitements administrés par voie intranasale sont plus efficaces que les traitements oraux pour améliorer les symptômes et la qualité de vie des patients atteints de rhinite allergique saisonnière.
Financement de l’étude
Cette étude a été menée dans le cadre de la révision des guides de pratique clinique ARIA 2024 ; un auteur a reçu des fonds portugais et européens pour la recherche.
Conflits d’intérêt des auteurs
Plusieurs auteurs déclarent des liens financiers avec des entreprises pharmaceutiques (entre autres ALK, Sanofi, GSK, AstraZeneca). Les autres auteurs ne mentionnent pas de conflits d’intérêt pertinents.
Discussion
Évaluation de la méthodologie
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse a fait l’objet d’un rapport selon les directives PRISMA et a été préalablement enregistrée dans PROSPERO (CRD42023495296), ce qui renforce la transparence et la reproductibilité. La stratégie de recherche globale intègre la consultation de quatre grandes bases de données et de trois registres d’essais, sans restriction quant à la langue de publication et au statut de publication. Cela réduit peut-être le risque de biais de publication bien que la probabilité d’un risque de publication n’ait pas été évaluée de manière statistique. La sélection des études a été effectuée de manière indépendante par deux évaluateurs, tout comme l’extraction des données et l’évaluation du risque de biais, ce qui augmente la fiabilité méthodologique. Selon l’outil Cochrane évaluant le risque de biais (Risk of Bias, RoB), les études ayant un faible risque de biais étaient en minorité. Pour la plupart des études, le risque de biais n’était pas clair avant la randomisation et l’assignation en aveugle, car ces éléments étaient sous-déclarés dans les études incluses. Les rapports sélectifs représentaient le domaine le plus associé à un risque élevé de biais. Par contre, la mise en aveugle des participants et du personnel de l’étude, ainsi que des évaluateurs des résultats, était associée à un faible risque de biais dans plus de la moitié des études. Les chercheurs ont effectué des analyses de sensibilité en excluant les études présentant un risque élevé de biais, mais les différences qui en ont découlé dans les résultats sommés étaient minimes.
Les auteurs ont utilisé la méthodologie GRADE pour évaluer la certitude des preuves. Celle-ci était élevée pour la plupart des comparaisons. Dans une seule comparaison, une importante hétérogénéité statistique ou une incohérence significative des résultats a été constatée. En outre, il y avait aussi une importante hétérogénéité clinique dans la mesure des résultats. Ainsi, cinq études ont basé le TNSS sur trois ou cinq symptômes au lieu de quatre, et deux études ont basé le TOSS sur deux ou quatre symptômes au lieu de trois. De ce fait, un grand nombre d’études n’ont pas été incluses dans la méta-analyse. En l’absence de mesures de dispersion, des écarts-types ont été imputés sur la base des valeurs de p, ce qui peut avoir affecté la précision des tailles d’effet. Toutefois, les analyses de sensibilité excluant les études avec les écarts-types imputés n’ont pas donné de résultats différents.
Évaluation des résultats
En raison d’un nombre insuffisant d’études, la méta-analyse se limite aux personnes atteintes de rhinite allergique saisonnière. C’est la raison pour laquelle on ne sait pas dans quelle mesure les résultats peuvent être extrapolés aux patients souffrant de rhinite allergique chronique. Les traitements oraux utilisés à des fins de comparaison (antihistaminiques oraux et antagonistes des récepteurs des leucotriènes) reflètent la pratique habituelle, bien que les antagonistes des récepteurs des leucotriènes ne soient indiqués que dans le traitement de l’asthme. Cependant, ils peuvent également soulager la rhinite allergique saisonnière chez les patients asthmatiques (6).
Les principaux critères de jugement (TNSS, TOSS et RQLQ) sont des critères de jugement validés et centrés sur le patient pour la rhinite allergique avec une pertinence clinique. Cependant, aucune valeur seuil pour un changement cliniquement pertinent (différence minimale importante) n’a été définie, ce qui complique l’interprétation des résultats. Les chercheurs ont déterminé la probabilité d’un effet cliniquement pertinent pour chaque comparaison, mais on ne sait pas clairement sur quoi se base cette estimation.
Les traitements administrés par voie intranasale étaient globalement plus efficaces que les traitements oraux, sans augmentation claire des évènements indésirables (à l’exception des antihistaminiques par voie intranasale par rapport aux antihistaminiques oraux). La fréquence des évènements indésirables graves était très faible. Ces résultats confirment donc les résultats des précédentes synthèses méthodiques (3,4) et sont conformes aux guides de pratique clinique ARIA actuels (2).
Que disent les guides de pratique clinique ?
La Société néerlandaise des médecins généralistes (NHG) recommande un antihistaminique nasal ou oral pour les symptômes occasionnels de rhinite allergique (7). En cas de symptômes intermittents et légers, un spray nasal à base de corticoïdes ou un antihistaminique (par voie orale ou spray nasal) est recommandé (7). En cas de symptômes persistants et modérés à sévères, un spray nasal à base de corticoïdes est recommandé comme traitement de premier choix (7). Si ce traitement n’est pas suffisamment efficace, il convient de vérifier l’observance du traitement et de reconsidérer le diagnostic si nécessaire. Si nécessaire, on peut ensuite ajouter un antihistaminique (oral ou nasal), augmenter la dose du spray nasal de corticoïdes, ou envisager un agent différent de la même classe de médicaments ou un antihistaminique sous une autre forme galénique (7).
Conclusion de Minerva
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse montre que les traitements administrés par voie intranasale (corticoïdes ou antihistaminiques) sont plus efficaces que les antihistaminiques oraux ou les antagonistes des récepteurs des leucotriènes pour réduire les symptômes et améliorer la qualité de vie des patients souffrant de rhinite allergique saisonnière. Cette synthèse méthodique avec méta-analyse est de bonne qualité méthodologique, mais se base sur des études originales qui présentent souvent un risque de biais élevé ou indéterminé, une uniformité limitée dans la mesure des résultats et une représentation limitée de la rhinite chronique. De plus, la pertinence clinique de la valeur ajoutée des traitements administrés par voie intranasale n’est pas claire.
- Vandenplas O, Vinnikov D, Blanc PD, et al. Impact of rhinitis on work productivity: a systematic review. J Allergy Clin Immunol Pract 2018;6:1274-1286.e9. DOI: 10.1016/j.jaip.2017.09.002
- Bousquet J, Schünemann HJ, Togias A. Next-generation allergic rhinitis and its impact on asthma (ARIA) guidelines for allergic rhinitis based on GRADE and real-world evidence. J Allergy Clin Immunol 2020;145:70-80.e3. DOI: 10.1016/j.jaci.2019.06.049
- Weiner JM, Abramson MJ, Puy RM. Intranasal corticosteroids versus oral H1 receptor antagonists in allergic rhinitis: systematic review of randomised controlled trials. BMJ. 1998;317:1624-29. DOI: 10.1136/bmj.317.7173.1624
- De Sutter, A. Zijn intranasale corticosteroïden beter dan antihistaminica bij allergische rhinitis? Minerva 2000;29(1):65-7. (Analyse uniquement en Néerlandais.)
- Torres MI, Gil-Mata S, Bognanni A, et al. Intranasal versus oral treatments for allergic rhinitis: a systematic review with meta-analysis. J Allergy Clin Immunol Pract 2024;12:3404-18. DOI: 10.1016/j.jaip.2024.09.001
- Antihistaminiques H1. Répertoire Commenté des Médicaments. CBIP septembre 2025.
- Aalberse J, Fokkens W, Lucassen P, et al. Allergische en niet-allergische rinitis. NHG Standaard M48. Gepubliceerd: 2018. Laatste aanpassing: 2024.
Auteurs
Blauwblomme M.
Dienst neus-, keel- en oorheelkunde, Universitair Ziekenhuis Gent
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
Code
J30
R97
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