Revue d'Evidence-Based Medicine



Diclofénac et/ou manipulations vertébrales pour les lombalgies aiguës



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 7 Page 104 - 105

Professions de santé


Analyse de
Hancock MJ, Maher CG, Latimer J, et al. Assessment of diclofenac or spinal manipulative therapy, or both, in addition to recommended first-line treatment for acute low back pain: a randomised controlled trial. Lancet 2007;370:1638-43.


Question clinique
Un traitement par diclofénac et/ou manipulations vertébrales permet-il une récupération plus rapide que les placebos correspondants, tous traitements associés à une intervention de première intention recommandée (avis d’hygiène de vie et paracétamol) en cas de lombalgies aiguës ?


Conclusion
Cette étude montre que l’ajout de diclofénac et/ou de manipulations vertébrales au traitement de première intention recommandé (avis d’hygiène de vie, réassurance quant au pronostic, paracétamol) n’apporte aucun bénéfice versus placebo pour raccourcir le délai de guérison de lombalgies aiguës.


 

Résumé

 

Contexte

Les recommandations internationales actuelles pour les lombalgies aiguës sont de donner l’avis de rester actif, d’éviter l’alitement, de rassurer le patient quant au pronostic et de prescrire du paracétamol en première intention. Les AINS et les manipulations vertébrales sont recommandés en seconde intention chez les patients avec une récupération plus lente. Des preuves d’un rétablissement plus rapide en cas d’ajout d’AINS et/ou de manipulations vertébrales au traitement de première intention n’étaient pas disponibles.

 

Population étudiée

  • recrutement (n = 320) auprès de 40 médecins généralistes de Sydney, Australie
  • inclusion de 239 personnes, dont 105 femmes, de 40,7 (ET 15,6) ans d’âge moyen, avec des lombalgies aiguës (douleurs entre la 12ème côte et le pli fessier, irradiées ou non dans le membre inférieur), depuis moins de 6 semaines (9,13 (ET 0,31) jours en moyenne), d’intensité modérée (moyenne de 6,5 (ET 5,4) sur une échelle de 0 à 10) et avec un handicap modéré (moyenne de 13,1 (ET 5,4) sur l’échelle de 24 points de Roland Morris)
  • critères d’exclusion : entre autres absence d’au moins 1 mois sans douleur avant le présent épisode, suspicion de pathologie spinale sévère, syndrome radiculaire, chirurgie vertébrale dans les 6 derniers mois.

Protocole d’étude

  • étude randomisée, contrôlée, en double aveugle
  • pour tous les patients : conseils du médecin suivant les recommandations et 1 g de paracétamol 4 x par jour
  • randomisation dans 4 groupes : diclofénac 50 mg bid + manipulations placebo (n=60), médicament placebo + manipulations vertébrales (n=59), diclofénac 50 mg bid + manipulations (n=60), double placebo (n=60)
  • médicament à prendre jusqu’à guérison, avec un maximum de 4 semaines
  • manipulations vertébrales : mobilisation et manipulations à haute énergie 2 à 3 x/semaine, 12 séances au maximum sur 4 semaines ; pour le groupe placebo, ultrasons pulsés sans manipulation
  • évaluation d’après le journalier du patient et par questionnaire initial et après 1, 2, 4 et 12 semaines.

Mesure des résultats

  • critère primaire : délai en nombre de jours pour la guérison définie comme soit le premier jour sans douleur (0 ou 1 sur l’échelle de score) soit le premier de 7 jours consécutifs avec un score de 0 à 1
  • critères secondaires : douleur (score de 0 à 10), capacités fonctionnelles (Roland Morris Disability Questionnaire), effet global subjectif
  • analyse en intention de traiter.

Résultats

  • sous diclofénac : délai de guérison de 13 jours (IC à 95% de 10 à 16) versus 16 jours (IC à 95% de 14 à 18) pour le placebo correspondant ; HR 1,09 (IC à 95% de 0,84 à 1,42)
  • sous manipulations : délai de guérison de 15 jours (IC à 95% de 13 à 18) versus 15 jours (IC à 95% de 12 à 19) pour le placebo correspondant ; HR 1,01 (IC à 95% de 0,77 à 1,31)
  • sous diclofénac et manipulations : délai non amélioré versus double placebo ; HR 1,10 (IC à 95% de 0,76 à 1,60)
  • critères secondaires : aucune efficacité statistiquement significative pour les différents traitements versus placebos.

Conclusion des auteurs

Les patients recevant les soins de première intention recommandés pour leurs lombalgies aiguës ne guérissent pas plus vite en cas d’ajout de diclofénac ou de manipulation vertébrale.

Financement

National Health and Medical Research Council d’Australie.

 

Conflits d’intérêt

Un des auteurs est membre d’un conseil d’avis de GlaxoSmithKline pour le paracétamol.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

La méthodologie de cette étude est globalement bien élaborée. Le double placebo instauré permet d’évaluer précisément l’efficacité des deux traitements. Il est difficile de savoir si les patients restaient réellement en insu pour les « manipulations factices » qui ne comportaient en fait pas de manipulation. Les techniques de manipulation utilisées sont multiples, reprises sur une liste, mais cette liste pouvait être modifiée en cours d’étude et le kinésithérapeute avait le choix de la technique et la possibilité de modifier celle-ci en cours de suivi d’un même patient. Il ne s’agit donc pas d’un traitement bien standardisé. L’étude se limite à une population recrutée par 40 médecins généralistes de Sydney ce qui en limite l’extrapolabilité.

 

Interprétation des résultats

Dans ce groupe de patients souffrant de lombalgies non spécifiques, ni le diclofénac, ni les manipulations vertébrales, ni leur association n’apporte de bénéfice statistiquement significatif pour le délai de guérison ou les critères secondaires. Il n’y a aucun groupe sans traitement dans cette étude. Une évaluation du décours spontané des lombalgies a montré que la plupart des épisodes de lombalgies non spécifiques sont autolimitants, les plaintes douloureuses s’estompant en moyenne après quelques jours ou semaines (1). Les diverses techniques étaient en forte majorité des mobilisations peu énergétiques (97% des patients) avec des manipulations à haute énergie complémentaires pour 5% des patients. D’autres résultats pourraient être observés avec une répartition différente des techniques utilisées. Nous ne disposons pas à ce jour de preuves franches d’une supériorité soit des mobilisations vertébrales soit de manipulations vertébrales (2).

 

Autres études

Une récente synthèse méthodique débouchant sur une méta-analyse a montré que les AINS sont plus efficaces qu’un placebo chez les patients lombalgiques sans sciatique. L’ampleur de l’effet est cependant faible et mal évaluée versus traitements non médicamenteux (3). Les AINS ne sont, dans cette indication, pas plus efficaces que les autres antalgiques (paracétamol, analgésiques narcotiques ou myorelaxants) (3,4). Une synthèse méthodique a montré une différence significative en faveur d’une thérapie manuelle dans les lombalgies (aiguës comme chroniques) versus thérapie manuelle factice, mais uniquement pour la douleur à court terme (< 6 semaines) (2). Aucune différence n’est observée pour les critères douleur et capacité fonctionnelle entre manipulations vertébrales, soins de première ligne, exercices ou école du dos dans les lombalgies aiguës (4).

 

Pour la pratique

Cette étude montre l’absence de bénéfice de l’ajout de certains traitements aux recommandations actuelles de traitement de première intention (avis d’hygiène de vie, réassurance, paracétamol). Le NHG-standaard Lombalgies non spécifiques souligne l’évolution spontanée favorable de cette affection ainsi que la recommandation de rester actif (5). Il propose le paracétamol en première intention, un AINS (dont le diclofénac) en deuxième. Il ne prend pas position par rapport aux manipulations vertébrales. Nous pouvons donc conclure à une place restreinte des AINS et des manipulations vertébrales en cas de lombalgies aiguës. Les aspects coûts-bénéfices doivent également être pris en considération, par exemple les risques entre autres gastro-intestinaux des AINS (6), le coût plus élevé de la thérapie manuelle versus soins de première ligne, certainement si le nombre de séances se multiplie (comme dans la présente étude) (7). L’hypothèse de résultats plus performants pour les AINS et/ou les manipulations vertébrales est proposée dans des formes plus spécifiques de lombalgies : AINS dans les spondyloarthropathies, les manipulations dans les dysfonctions facettaires. Des études de bonne qualité doivent encore cependant apporter des preuves d’un tel bénéfice.

 

Conclusion

Cette étude montre que l’ajout de diclofénac et/ou de manipulations vertébrales au traitement de première intention recommandé (avis d’hygiène de vie, réassurance quant au pronostic, paracétamol) n’apporte aucun bénéfice versus placebo pour raccourcir le délai de guérison de lombalgies aiguës.

 

 

Références

  1. Koes BW, van Tulder MW, Thomas S. Diagnosis and treatment of low backpain. BMJ 2006;332:1430-4.
  2. Assendelft WJ, Morton SC, Yu EI, et al. Spinal manipulative therapy for low back pain. A meta-analysis of effectiveness relative to other therapies. Ann Intern Med 2003;138:871-81.
  3. Chevalier P. AINS pour les lombalgies. MinervaF 2008;7(5):72-3.
  4. Koes BW, van Tulder MW. Low back pain (acute). Clin Evid 2006;4:1102-15.
  5. Chavannes AW, Mens JMA, Koes BW, et al. NHG-Standaard Aspecifieke lagerugpijn, eerste herziening. Huisarts Wet 2005;48:113-23.
  6. Richy F, Bruyere O, Ethgen O, et al. Time dependent risk of gastrointestinal complications induced by non-steroidal anti-inflammatory drug use: a consensus statement using a meta-analytic approach. Ann Rheum Dis 2004;63:759-66.
  7. Carey TS, Garrett J, Jackman A, et al. The outcomes and costs of care for acute low back pain among patients seen by primary care practitioners, chiropractors, and orthopedic surgeons. The North Carolina Back Pain Project. N Engl J Med 1995;333:913-7.

 

Diclofénac et/ou manipulations vertébrales pour les lombalgies aiguës

Auteurs

Van Wambeke P.
Fysische Geneeskunde en Revalidatie, KU Leuven
COI :

Glossaire

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