Revue d'Evidence-Based Medicine



Le café protège-t-il du diabète?



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 7 Page 102 - 104

Professions de santé


Analyse de
Tuomilehto J, Hu G, Bidel S et al. Coffee consumption and risk of type 2 diabetes mellitus among middleaged Finnish men and women. JAMA 2004;291:1213-9.


Question clinique
Existe-t-il un lien entre la consommation de café et l’incidence du diabète sucré de type 2?


Conclusion
Cette étude d’observation conclut qu’il existe une relation dose dépendante inverse entre la consommation de café et la survenue d’un diabète sucré de type 2. Une quantité minimale de cinq tasses (pour les femmes) ou de dix tasses (pour les hommes) de café par jour diminue le risque de diabète de type 2. La consommation de café peut par contre augmenter le risque cardiovasculaire.


 

Résumé

Contexte

Différentes études épidémiologiques ont recherché les effets positifs ou négatifs du café et de la caféine sur les maladies cardiovasculaires, sur les affections neurologiques, sur différents types de cancer, sur les lithiases vésicales et rénales et sur le diabète. Une étude de cohorte récente montre que les buveurs de grande quantité de café (plus de sept tasses par jour) ont moins de risque de développer un diabète 1.

Population étudiée

Cette étude combine les résultats de trois cohortes dans trois différentes régions de Finlande. Sont incluses, des personnes âgées de 35 à 64 ans qui ne présentent pas de diabète en début d’étude et dont toutes les données de suivi sont disponibles. Les personnes qui développent une maladie coronarienne ou un accident vasculaire cérébral (AVC) lors du suivi sont exclues. Finalement les données de 6 974 hommes et de 7 655 femmes présentant un âge moyen d’environ 47 ans et un indice de masse corporelle (IMC) d’environ 27, sont analysées.

Protocole d’étude

Lors du recrutement de chaque cohorte (en 1982, 1987 et 1992), les participants ont été invités à remplir, à leur domicile, un questionnaire sur leurs antécédents médicaux, sur des facteurs socio-économiques, sur l’exercice physique pratiqué (peu, modérément ou beaucoup), sur leurs habitudes tabagiques, sur leur consommation d’alcool, de café et de thé et sur leur niveau de scolarité. La consommation de café est répartie en cinq catégories: 0- 2, 3-4, 5-6, 7-9 et 10 tasses ou plus par jour.Le diagnostic de diabète sucré de type 2 est basé sur les critères de l’OMS de 1980.Le suivi s’est prolongé jusqu’en décembre 1998.

Mesures des résultats

Le modèle de risques proportionnels de Cox est utilisé pour établir le lien entre la consommation de café et le risque de diabète de type 2. Une correction est faite pour l’âge, l’année d’étude, l’indice de masse corporelle (IMC), la pression artérielle systolique, le niveau de scolarité, l’exercice physique, la consommation d’alcool, de thé et de tabac.

Résultats

Sur un suivi moyen de 12 années, un total de 381 cas de diabète de type 2 est découvert. Une diminution significative du risque de survenue d’un diabète est observée à partir de l’ingestion d’un minimum de cinq tasses de café par jour. Pour les hommes, cette diminution n’est significative que pour une ingestion d’un minimum de dix tasses par jour (voir tableau). En analyse en sous-groupes, aucune relation inverse significative n’est observée entre café et diabète chez les personnes de 35 à 49 ans, chez les fumeurs, chez les consommateurs d’alcool et chez les personnes ayant un IMC <25 et >30. Le risque de diabète de type 2 est deux fois plus important avec le café préparé avec un percolateur par rapport au café-filtre.

 

Tableau: Rapport de hasards (IC 95%) de développer un diabète en fonction du nombre de tasses de café consommées par jour, chiffres corrigés pour l’âge, l’année de l’étude, l’IMC, la pression artérielle systolique, le niveau de scolarité, l’exercice physique, la consom-mation d’alcool, de thé ou de tabac.

 

Nombre de tasses de café par jour

Valeur p

2

3 - 4

5 – 6

7 – 9

10

 

Hommes

1,00

0,73

0,70

0,67

0,45

0,12

   

(0,47 - 1,13)

(0,45 - 1,05)

(0,40 - 1,12)

(0,25 - 0,81)

 

Femmes

1,00

0,71

0,39

0,39

0,21

<0,001

   

(0,48 - 1,05)

(0,25 - 0,60)

(0,20 - 0,74)

(0,06 - 0,69)

 

Tous

1,00

0,76

0,54

0,55

0,39

<0,001

   

(0,57 - 1,01)

(0,40 - 0,73)

(0,37 - 0,81)

(0,24 - 0,64)

 

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’il existe une relation inverse entre la consommation de café et le risque de diabète de type 2. Les motifs de cette association restent imprécis.

Financement

L’Académie finlandaise et l’Institut National de Santé Publique finlandais.

Conflits d’intérêt

Les sponsors n’ont pas participé à cette étude.Les conflits d’intérêt des auteurs ne sont pas mentionnés.

 

Discussion

Faiblesses méthodologiques

L’étude recèle quelques points faibles. Les auteurs en mentionnent même quelques uns eux-mêmes. Un test de tolérance au glucose n’a pas été effectué en début d’étude. Aucune information donc concernant des diabètes asymptomatiques. Les participants doivent mentionner euxmêmes leur consommation de café. Nous avons également peu d’informations sur leurs habitudes alimentaires et sur la densité du café. Nous devons tenir compte d’un «recall biais» (qui peut se souvenir du nombre exact de tasses de café, à une près?). Les auteurs opèrent une correction pour l’IMC, la pression artérielle systolique et l’exercice physique, mais tous les facteurs de confusion potentiels ne sont pas quantitativement corrigibles (p.ex. les facteurs diététiques).

L’effet du café

Le café améliore les processus de changement d’activité, augmente la vitesse de réaction et stimule la mémoire à court terme (pour un groupe d’âge moyen) 2. Une tasse de café belge contient, en moyenne, 67 mg de caféine et le belge boit, en moyenne, 4,3 tasses par jour. Ces données correspondent à une dose quotidienne de 290 mg de caféine3. La question de l’effet à long terme de la consommation de café est donc pertinente. Selon cette étude finlandaise, le café protège contre la survenue du diabète lié à l’âge. Les auteurs confirment ainsi des constatations d’une étude néerlandaise similaire 1. D’autres observations confortent également l’influence favorable possible du café. Chez des bénévoles sains, 200 mg de caféine dans du café augmente la tolérance glucidique sans influencer la production d’insuline 4. Un groupe japonais montre une relation inverse entre la prévalence de l’hyperglycémie à jeun (≥110 mg/dl) et la consommation de café 5.

Les auteurs finlandais ne peuvent qu’avancer des hypothèses pour expliquer leurs résultats. Une inhibition de la glucose-6-phosphatase par l’acide chlorogénique présent dans le café (normal) pourrait jouer un rôle.Le café contient de petites quantités de magnésium (11 mg par 100 grammes de café), ce qui peut contribuer à une tolérance glucidique améliorée. La présence de phyto-estrogènes dans le café est un avantage possible pour la population féminine.

D’autres effets du café

L’association entre l’ingestion de café et l’oesophagite de reflux n’est certainement pas prouvée, même si nous conseillons habituellement d’arrêter de boire du café en cas de reflux 6. La consommation de quatre tasses de café par jour ou plus n’augmente pas le risque de développer une arthrite rhumatoïde 7. Il n’y a pas de relation de cause à effet entre la consommation de café et la survenue du cancer de l’ovaire, alors que le café diminue le risque de cancer hépatique 8,9. Les enzymes hépatiques semblent être influencées en sens inverse, donc certainement pas dans le sens d’une augmentation des transaminases 10. La mort subite chez des patients à risque est par contre liée à la consommation de café. Le risque relatif (RR) de décéder d’un infarctus du myocarde endéans l’heure de consommation de café est de 1,73 (IC à 95% de 1,13 à 2,65) chez des patients présentant une moyenne de 2,8 facteurs de risque de maladie cardiaque ischémique 11. Chez les hommes, une consommation intensive de café (plus de 800 ml par jour) augmente le risque d’infarctus du myocarde (fatal et non fatal) dans une observation rétrospective sur quatorze années (RR 1,06 à 1,94) 12.

 

Conclusions

Cette étude d’observation conclut qu’il existe une relation dose dépendante inverse entre la consommation de café et la survenue d’un diabète sucré de type 2. Une quantité minimale de cinq tasses (pour les femmes) ou de dix tasses (pour les hommes) de café par jour diminue le risque de diabète de type 2. La consommation de café peut par contre augmenter le risque cardiovasculaire.

 

Références

  1. van Dam RM, Feskens EJ. Coffee consumption and the risk of type 2 diabetes mellitus. Lancet 2002;360:1477-8.
  2. Voskamp AM.Wat kunnen we zelf eigenlijk vertellen over ons en koffie? Voeding Nu 2005;7:15-7.
  3. Jooken K, Kupers P, Lauryssen S, Sermeus G. De brandstof van de Belg? Test Gezondheid 2004;11:8-12.
  4. Pizziol A,Tikhonoff V, Paleari CD et al. Effects of caffeine on glucose tolerance: a placebo-controlled study. Eur J Clin Nutr 1998;52:846-9.
  5. Isogawa A,Noda M,Takahashi Y et al. Coffee consumption and risk of type 2 diabetes mellitus. Lancet 2003;361:703-4.
  6. Nilsson M, Johnsen R,Ye W et al. Lifestyle related factors in the aetiology of gastro-oesophageal reflux. Gut 2004;53:1730-5.
  7. Karlson EW,Mandl LA,Aweh GN,Grodstein F. Coffee consumption and risk of rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 2003;48:3055-60.
  8. Riman T, Dickman PW,Nilsson S et al. Some life-style factors and the risk of invasive epithelial ovarian cancer in Swedish women. Eur J Epidemiol 2004;19:1011-9.
  9. Shimazu T,Tsubono Y, Kuriyama S et al. Coffee consumption and the risk of primary liver cancer: pooled analysis of two prospective studies in Japan. Int J Cancer 2005;116: 150-4.
  10. Ruhl CE, Everhart JE. Coffee and caffeine consumption reduce the risk of elevated serum alanine aminotransferase activity in the United States. Gastroenterology 2005;128:24-32.
  11. Selb Semerl J,Selb K. Coffee and alcohol consumption as triggering factors for sudden cardiac death: case-crossover study. Croat Med J 2004;45:775-80.
  12. Happonen P, Voutilainen S, Salonen JT. Coffee drinking is dose-dependently related to the risk of acute coronary events in middle-aged men. J Nutr 2004;134:2381-6.
Le café protège-t-il du diabète?

Auteurs

Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires