Analyse
Le donépézil et la mémantine diminuent-ils le risque d’un placement en institution des patients atteints de la maladie d’Alzheimer
Minerva a déjà commenté plusieurs études traitant de l’efficacité des médicaments dans la maladie d’Alzheimer (1-10). Une étude indépendante (AD2000) publiée en 2004 (4) avait conclu que le bénéfice éventuel d’un traitement par donépézil sur le plan cognitif pour les patients légèrement ou modérément atteints de la maladie d’Alzheimer n’était pas cliniquement pertinent, n’entraînait pas d’amélioration des capacités fonctionnelles ou de la qualité de vie et ne réduisait pas le délai du placement en institution (3).
Plus récemment, Minerva a également commenté (9) les résultats de l’étude DOMINO publiée en 2012 (10) . Cette étude avait inclus 295 personnes qui ne résidaient pas en institution, toutes déjà traitées depuis au moins 3 mois par du donépézil et sous 10 mg par jour depuis 6 semaines minimum, et considérés comme « répondeurs » à ce médicament (effet favorable sur les capacités cognitives et sur les activités de la vie quotidienne), mais dont le score MMSE standardisé (Standardized Mini-Mental State Examination) s’était récemment détérioré. En début d’étude, leur score MMSE standardisé était en moyenne égal à 9 (ET 5 à 13, forme modérée à sévère de la maladie d’Alzheimer). Nous ne savions pas quel était le score au début du traitement par donépézil. 73% des patients inclus prenaient déjà du donépézil depuis 12 à 60 mois. En suivant un protocole en double aveugle conçu selon un plan factoriel 2x2, les auteurs avaient évalué 4 approches thérapeutiques : arrêt de tous les médicaments contre la maladie d’Alzheimer, poursuite de la prise du donépézil (10 mg/jour), remplacement du donépézil par la mémantine (20 mg/jour) et enfin ajout de la mémantine (20 mg/jour) au donépézil (10 mg/jour). Seule la poursuite de la prise de donépézil avait permis d’empêcher une détérioration statistiquement significative du score MMSE standardisé, sans que la pertinence clinique de ce résultat ne puisse être clairement établie. L’ajout de mémantine au donépézil ne semblait pas apporter de plus-value par rapport à la prise de donépézil en monothérapie (9,10).
Une analyse post hoc non prévue de l’étude DOMINO (DOMINO-AD) a été publiée en 2015 (11). Elle examinait spécifiquement l’impact des 4 stratégies médicamenteuses différentes sur le placement en institution après 4 ans de suivi. Les options thérapeutiques pouvaient, après un an, être librement choisies par le patient et le médecin, la randomisation n’étant dès lors plus respectée. Les données concernant les changements de traitement au cours de ces 4 années de suivi sont manquantes. Dans le groupe qui avait arrêté le donépézil (avec ou sans mémantine), un risque d’institutionnalisation nettement accru après la première année a été observé : HR de 2,09 (avec IC à 95% de 1,29 à 3,39), mais ce n’était plus le cas au cours des 3 années suivantes : HR de 0,89 (avec IC à 95% de 0,58 à 1,45). Par contre, l’ajout de mémantine (avec ou sans donépézil) n’a pas eu d’effet préventif sur le placement en institution, que ce soit au cours de la première année ou au cours des 3 années suivantes. La détérioration des capacités fonctionnelles pour les activités de la vie quotidienne était le plus étroitement associée au placement en institution. Cette étude ne permet pas de tirer de conclusion à propos de l’arrêt des inhibiteurs de la cholinestérase chez les patients atteints d’Alzheimer placés en institution.
Conclusion
Cette analyse post hoc d’une étude clinique randomisée montre qu’en cas de maladie d’Alzheimer à un stade modéré ou sévère, l’arrêt d’un traitement par donépézil (10 mg/jour) augmente le risque d’un placement en institution pendant un an. Cette augmentation de risque disparaît cependant au cours des trois années suivantes. Il vaut mieux en tenir compte lors de l’arrêt d’un traitement par donépézil. L’ajout de mémantine ou le passage à la mémantine n’a pas d’influence sur le risque d’un placement en institution.
Références
- Michiels B, Vermeire E. La mémantine ajoutée au donépézil dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. MinervaF 2004;3(9);147-9.
- Tariot P, Farlow M, Grossberg G, et al. Memantine treatment in patients with moderate to severe Alzheimer disease already receiving donepezil. JAMA 2004;291:317-24.
- Michiels B. Résultats à long terme du donépézil en cas d'Alzheimer. MinervaF 2005;4(7):112-4.
- Courtney C, Farrell D, Gray R; AD2000 Collaborative Group. Long-term donepezil treatment in 565 patients with Alzheimer’s disease (AD2000): randomised double-blind trial. Lancet 2004;363:2105-15.
- Michiels B. Traitement médicamenteux de la démence. MinervaF 2008;7(10):146-7.
- Raina P, Santaguida P, Ismaila A, et al. Effectiveness of cholinesterase inhibitors and memantine for treating dementia: evidence review for a clinical practice guideline. Ann Intern Med 2008;148:379-97.
- Michiels B. Mémantine + inhibiteur des cholinestérases pour la maladie d’Alzheimer ? MinervaF 2010;9(5):64.
- Lopez OL, Becker JT, Wahed AS, et al. Long-term effects of the concomitant use of memantine with cholinesterase inhibition in Alzheimer disease. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2009;80:600-7.
- Chevalier P. Maladie d’Alzheimer : donépézil + mémantine ? Minerva bref 28/09/2012.
- Howard R, McShane R, Lindesay J, et al. Donepezil and memantine for moderate-to-severe Alzheimer's disease. N Engl J Med 2012;366:893-903.
- Howard R, McShane R, Lindesay J, et al. Nursing home placement in the Donepezil and Memantine in Moderate to Severe Alzheimer's Disease (DOMINO-AD) trial: secondary and post-hoc analyses. Lancet Neurol 2015;14:1171-81.
Auteurs
Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
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