Analyse


Garder les ovaires en cas d’hystérectomie pour maladie bénigne ?


15 03 2018

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Mytton J, Evison F, Chilton PJ, Lilford RJ. Removal of all ovarian tissue versus conserving ovarian tissue at time of hysterectomy in premenopausal patients with benign disease: study using routine data and data linkage. BMJ 2017;356:j372. DOI: 10.1136/bmj.j372


Conclusion
Cette étude d’observation menée sur plus de 110000 femmes, qui avaient subi une hystérectomie pour maladie bénigne, montre de nouveau que les femmes, dont un ou les deux ovaires ont été laissés en cours d’intervention, ont significativement moins de chances de nécessiter une hospitalisation pour cardiopathie ischémique. Elles présentent également moins de risques de cancer et de mortalité par cardiopathie ischémique ou cancer, versus les femmes ayant subi une ovariectomie bilatérale.


Que disent les guides de pratique clinique ?
L’hyperplasie atypique complexe de l’endomètre, la prévention de myomes de grande taille à croissance rapide et symptomatiques, le prolapsus gynécologique sévère et l’endométriose grave sont des maladies bénignes qui peuvent être une indication d’hystérectomie, certainement lorsque la patiente n’envisage plus de grossesse. Cette étude d’observation à grande échelle montre que le nombre de cas de morbidité cardiovasculaire et de mortalité cardiovasculaire, ainsi que le nombre de cas de cancer et de mortalité liée au cancer est plus faible, et ce de manière statistiquement significative, lorsque, durant une hystérectomie pour maladie bénigne, on laisse en place un ovaire ou les deux.



Minerva a déjà commenté les résultats de deux études randomisées contrôlées (RCTs) qui montraient que, versus hystérectomie abdominale et hystérectomie vaginale, la durée de l’hystérectomie laparoscopique était plus longue et cette intervention entraînait plus de complications majeures. Il y a toutefois d’importants facteurs de confusion, à savoir la définition de « complications majeures » et l’expérience limitée d’une partie des chirurgiens concernant les techniques utilisées (1,2). Nous avons aussi attiré l’attention des médecins généralistes sur l’importance de parler de sexualité avant l’hystérectomie, tant avec la patiente qu’avec son partenaire. La sexualité semble être vécue différemment après une hystérectomie, et, dans la plupart des cas, le plaisir sexuel retourne progressivement au même niveau que celui ressenti avant l’intervention (3,4).

Jusqu’il y a peu, une ovariectomie bilatérale préventive était pratiquée au cours de l’hystérectomie pour maladie bénigne tant avant qu’après la ménopause en prévention d’un futur développement de cancer de l’ovaire (5). Cependant, plusieurs études d’observation ont montré que le risque de mortalité globale et de morbidité cardiovasculaire (6-11) ainsi que le risque de mortalité cardiovasculaire et de mortalité liée au cancer (6,7) diminuaient lorsque du tissu ovarien était conservé durant l’intervention. Il n’existe actuellement aucune étude randomisée contrôlée à ce sujet (6).

 

Une récente étude d’observation (12) a de nouveau examiné le risque de cardiopathie ischémique, de cancer et de mortalité chez les femmes qui ont subi une ovariectomie au cours de l’hystérectomie, versus des femmes chez qui un ovaire ou les deux ont été laissés. Les chercheurs ont croisé, de manière rétrospective, les données de la banque de données nationale sur les hospitalisations (Englisch Hospital Episode Statistics, HES) et le registre national des décès (Office for National Statistics, ONS). Ils ont sélectionné les femmes âgées de 35 à 45 ans ayant subi, entre 2004 et 2014, une hystérectomie pour maladie bénigne. Ils ont exclu les femmes atteintes de cancer des organes reproducteurs, de cancer du sein ou chez qui l’hystérectomie était réalisée dans le cadre d’une intervention en urgence. L’analyse a inclus 113679 femmes dont l’âge médian était de 41 (interquartile 39-43) à 42 (interquartile 40-44) ans. Dans deux tiers des cas, une hystérectomie abdominale a été pratiquée, et, dans un tiers des cas, une hystérectomie vaginale (seulement 10 à 14% des opérations ont été effectuées par voie laparoscopique). Durant l’intervention, les deux ovaires ont été retirés chez respectivement 40% (par voie abdominale) et 12% (par voie vaginale) des femmes. Les chercheurs ont effectué une analyse multivariée par modèle de hasards proportionnels de Cox, en corrigeant pour tenir compte de l’âge, du contexte social, du type d’intervention, du score de comorbidité de Charlson et du nombre d’hospitalisations avant l’hystérectomie.

Au terme d’un suivi moyen de 6,2 ans (ET de 2,84 ans), les patientes chez qui au moins un ovaire avait été laissé (n = 76581) avaient moins besoin d’être hospitalisées pour cardiopathie ischémique, versus les patientes ayant subi une ovariectomie bilatérale (n = 37098) (rapport de hasards (hazard ratio, HR) de 0,85 avec IC à 95% de 0,77 à 0,93 ; p < 0,001). Dans le groupe avec ovaire conservé, on a observé une diminution de la mortalité globale (HR de 0,64 avec IC à 95% de 0,55 à 0,73 ; p < 0,001), une diminution statistiquement significative de la probabilité de décès suite à un cancer (HR de 0,54 avec IC à 95% de 0,45 à 0,65 ; p < 0,001) ou à une cardiopathie ischémique (HR de 0,50 avec IC à 95% de 0,28 à 0,90 ; p = 0,02) ainsi qu’une diminution statistiquement significative du nombre de cas de cancer signalés (HR de 0,83 avec IC à 95% de 0,78 à 0,89 ; p < 0,001). Dans ce groupe, on a même observé une forte diminution du carcinome ovarien (HR de 0,21 avec IC à 95% de 0,09 à 0,50). A première vue, ce résultat semble étrange, mais peut s’expliquer par le fait que les chirurgiens, pendant l’hystérectomie, ont généralement retiré l’ovaire qui avait un aspect anormal. Cette hypothèse est étayée par les courbes de survie de Kaplan-Meier convergentes pour ce critère de jugement. Tous les résultats sont restés inchangés après appariement sur les scores de propension , mais l’effet a peut-être encore été influencé par d’autres facteurs de confusion inconnus. Les autres points faibles à mentionner sont un suivi limité à maximum 10 ans et le fait que la banque de données ne donnait pas d’informations sur l’utilisation du traitement hormonal substitutif ni sur la qualité de vie après l’ovariectomie. Toutefois, on n’a pas détecté de différence entre les deux groupes quant au nombre de suicides (tentatives de suicide et suicides réussis).

 

Conclusion

Cette étude d’observation menée sur plus de 110000 femmes, qui avaient subi une hystérectomie pour maladie bénigne, montre de nouveau que les femmes, dont un ou les deux ovaires ont été laissés en cours d’intervention, ont significativement moins de chances de nécessiter une hospitalisation pour cardiopathie ischémique. Elles présentent également moins de risques de cancer et de mortalité par cardiopathie ischémique ou cancer, versus les femmes ayant subi une ovariectomie bilatérale.

 

Pour la pratique

L’hyperplasie atypique complexe de l’endomètre (13), la prévention de myomes de grande taille à croissance rapide et symptomatiques (13), le prolapsus gynécologique sévère (14) et l’endométriose grave (15) sont des maladies bénignes qui peuvent être une indication d’hystérectomie, certainement lorsque la patiente n’envisage plus de grossesse. Cette étude d’observation à grande échelle montre que le nombre de cas de morbidité cardiovasculaire et de mortalité cardiovasculaire, ainsi que le nombre de cas de cancer et de mortalité liée au cancer est plus faible, et ce de manière statistiquement significative, lorsque, durant une hystérectomie pour maladie bénigne, on laisse en place un ovaire ou les deux.

 

 

Références 

  1. Weyers S. Hystérectomie laparoscopique versus abdominale et vaginale. MinervaF 2005;4(3):48-50.
  2. Garry R, Fountain J, Mason S, et al. The eVALuate study: two parallel randomised trials, one comparing laparoscopic with abdominal hysterectomy, the other comparing laparoscopic with vaginal hysterectomy. BMJ 2004;328:129-35. DOI: 10.1136/bmj.37984.623889.F6
  3. Philips H. Seksueel functioneren na hysterectomie. Minerva 2001;30(4):185-6.
  4. Rhodes JC, Kjerulff KH, Langenberg PW, Guzinski GM. Hysterectomy and sexual functioning. JAMA 1999;282:1934-41. DOI: 10.1001/jama.282.20.1934
  5. American College of Obstetricians and Gynecologists. ACOG Practice Bulletin 89. Elective and risk-reducing salpingo-oophorectomy. Obstet Gynecol 2008:111:231-41. DOI: 10.1097/01.AOG.0000291580.39618.cb
  6. Orozco LJ, Tristan M, Vreugdenhil MM, Salazar A. Hysterectomy versus hysterectomy plus oophorectomy for premenopausal women. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD005638.pub3
  7. Parker WH, Broder MS, Chang E, et al. Ovarian conservation at the time of hysterectomy and long-term health outcomes in the nurses’ health study. Obstet Gynecol 2009;113:1027-37. DOI: 10.1097/AOG.0b013e3181a11c64
  8. McCarthy AM, Menke A, Ouyang P, Visvanathan K. Bilateral oophorectomy, body mass index, and mortality in U.S. women aged 40 years and older. Cancer Prev Res (Phila) 2012;5:847-54. DOI: 10.1158/1940-6207.CAPR-11-0430
  9. Rivera CM, Grossardt BR, Rhodes DJ, et al. Increased cardiovascular mortality after early bilateral oophorectomy. Menopause 2009;16:15-23. DOI: 10.1097/gme.0b013e31818888f7
  10. Rivera CM, Grossardt BR, Rhodes DJ, Rocca WA. Increased mortality for neurological and mental diseases following early bilateral oophorectomy. Neuroepidemiology 2009;33:32-40. DOI: 10.1159/000211951
  11. Rocca WA, Grossardt BR, de Andrade M, et al. Survival patterns after oophorectomy in premenopausal women: a population-based cohort study. Lancet Oncol 2006;7:821-8. DOI: 10.1016/S1470-2045(06)70869-5
  12. Mytton J, Evison F, Chilton PJ, Lilford RJ. Removal of all ovarian tissue versus conserving ovarian tissue at time of hysterectomy in premenopausal patients with benign disease: study using routine data and data linkage. BMJ 2017;356:j372. DOI: 10.1136/bmj.j372
  13. Lésions et tumeurs gynécologiques bénignes. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 26/03/2014.
  14. Prolapsus gynécologiques. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 22/02/2011.
  15. Endométriose. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 15/04/2013. Dernière révision contextuelle: 29/02/2016.



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