Analyse
Ulcère de jambe veineux : guérison plus rapide avec une chirurgie endoveineuse précoce ?
Sur la base d’une étude randomisée, contrôlée, nous avons précédemment conclu dans Minerva que l’association d’une chirurgie veineuse superficielle et d’une compressothérapie, par comparaison avec la compressothérapie seule, n’améliorait pas la guérison de l’ulcère de jambe veineux actif, mais qu’elle réduisait cependant significativement le risque de récidive à 4 ans (1,2). Dans cette étude, le traitement chirurgical consistait en l’occlusion de la jonction saphéno-fémorale, le stripping de la veine saphène interne et une cure des varices au niveau de la jambe (2). Depuis, ces interventions « classiques » ont été remplacées, dans différents centres, par des interventions endoveineuses peu invasives, telles que la sclérothérapie échoguidée à la mousse, l’ablation thermique par laser ou radiofréquence (3). La question est de savoir si ces nouvelles techniques de traitement de l’ulcère de jambe veineux donnent de meilleurs résultats.
Le premier auteur de l’étude ESCHAR a publié en 2018, une nouvelle étude randomisée contrôlée multicentrique menée dans 20 centres au Royaume-Uni (4). 450 patients (âge moyen variant de 67 à 69 ans), avec un ulcère de jambe veineux depuis en moyenne 3 mois, ont suivi une compressothérapie et ont aussi subi une ablation endoveineuse du reflux veineux superficiel réalisée précocement dans les 2 semaines après la randomisation ou ont uniquement suivi la compressothérapie. La guérison de l’ulcère a été plus rapide dans le groupe avec chirurgie précoce que dans le groupe avec chirurgie différée (rapport de hasards (hazard ratio, HR) 1,42 avec IC à 95% de 1,16 à 1,73 ; p = 0,001). Le délai de guérison médian était respectivement de 56 jours (IC à 95% de 49 à 66 jours) et de 82 jours (IC à 95% de 69 à 92 jours). Un plus grand nombre de patients du groupe chirurgie précoce a vu l’ulcère guérir pendant le déroulement de l’étude (HR 1,38 avec IC à 95% de 1,13 à 1,68 ; p = 0,001). Par ailleurs, on a également observé un délai de récidive plus long dans le groupe chirurgie précoce que dans le groupe chirurgie différée (le délai médian sans ulcère était respectivement de 306 jours (interquartile 240 à 328 jours) versus 278 jours (interquartile 175 à 324 jours) ; p = 0,002).
Plus de 90% des participants du groupe intervention se sont effectivement fait opérer. Comme ce taux de participation est 10% plus élevé que dans l’étude précédente (2), il pourrait expliquer la différence, en termes de guérison, observée dans cette étude (4). Il s’agissait d’une étude pragmatique dans laquelle le médecin responsable du traitement pouvait décider lui-même quelle technique chirurgicale endoveineuse serait utilisée. Le plus souvent, on a appliqué la sclérothérapie à la mousse, qui donne plus souvent des complications que l’ablation thermique (3). On ne sait pas bien dans quelle mesure cela a influencé les résultats négativement. Parmi les 6500 patients qui ont passé la sélection, seulement 450 ont été randomisés. D’une part, environ la moitié n’a pas pu participer tout de suite parce que l’ulcère de jambe était présent depuis plus de 6 mois ou bien était déjà guéri. D’autre part, environ 500 patients, pour une raison indéterminée, n’ont pas eu la permission du médecin responsable du traitement de participer, et encore 430 autres patients ont eux-mêmes refusé de participer. Lors de l’interprétation des résultats, nous devons donc de nouveau tenir compte d’un possible biais de sélection.
Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée multicentrique montre qu’une ablation endoveineuse du reflux veineux superficiel précoce en association avec une compressothérapie conduit, de manière statistiquement significative, à une guérison plus rapide et à une probabilité de récidive plus faible de l’ulcère de jambe veineux que la compressothérapie seule.
Pour la pratique
Le GPC belge ne recommande pas la chirurgie veineuse pour traiter l’ulcère de jambe veineux (5). Les recommandations de l’association néerlandaise des médecins généralistes (NHG) préconisent, chez les patients mobiles présentant des (signes de) varices sans artériopathie, de parler de la possibilité d’un traitement invasif (6). Recommandations issues principalement sur les résultats de l’étude ESCHAR qui a montré que la probabilité de récidive d’un ulcère de jambe veineux diminuait lorsque l’on associait la compressothérapie et un traitement chirurgical classique de l’insuffisance veineuse. L’étude randomisée contrôlée dont il a été question ici, montre que la chirurgie endoveineuse, outre une diminution du nombre de récidives, entraîne aussi une guérison plus rapide de l’ulcère veineux.
- Poelman T. Ajout d’une chirurgie veineuse pour traiter les ulcères de jambe ? MinervaF 2008;7(3):40-1.
- Gohel MS, Barwell JR, Taylor M, et al. Long term results of compression therapy alone versus compression plus surgery in chronic venous ulceration (ESCHAR): randomised controlled trial. BMJ 2007;335:83-8. DOI: 10.1136/bmj.39216.542442.BE
- Brittenden J, Cotton SC, Elders A, et al. A randomized trial comparing treatments for varicose veins. N Engl J Med 2014;371:1218-27. DOI: 10.1056/NEJMoa1400781
- Gohel MS, Heatley F, Liu X, et al. A randomized trial of early endovenous ablation in venous ulceration. N Engl J Med 2018;378:2105-14. DOI: 10.1056/NEJMoa1801214
- Traitement conservateur et chirurgie plastique des ulcères de jambe. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 31/05/2013. Dernière révision contextuelle: 27/07/2017.
- Van Hof N, Balak FS, Apeldoorn L, et al. NHG-Standaard Ulcus cruris venosum (Tweede herziening). Huisarts Wet 2010:53:321-33.
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