Revue d'Evidence-Based Medicine



Appendicite aiguë : antibiothérapie ou chirurgie ?



Minerva 2012 Volume 11 Numéro 8 Page 93 - 94

Professions de santé


Analyse de
Varadhan KK, Neal KR, Lobo DN. Safety and efficacy of antibiotics compared with appendicectomy for treatment of uncomplicated acute appendicitis: meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ 2012;344:e2156.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité d’une antibiothérapie versus appendicectomie pour traiter une appendicite aiguë non compliquée chez des personnes adultes ?


Conclusion
Cette méta-analyse montre qu’une antibiothérapie (IV dans 3 études sur 4) permet d’éviter une appendicectomie à 1 an chez 63% des patients adultes présentant une appendicite aiguë non compliquée, avec taux moindre de complications selon les critères utilisés dans cette méta-analyse.


Texte publié sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

 

Contexte

Une appendicectomie précoce reste le traitement de référence en cas d’appendicite aiguë. Un traitement antibiotique est une alternative proposée en cas d’appendicite aiguë non compliquée. Plusieurs études, dont des RCTs, ont évalué l’efficacité et la sécurité de cette alternative. Nous en avons évoqués/commentés trois dans la revue Minerva (1). Une méta-analyse fait maintenant le point sur l’ensemble des RCTs publiées à ce jour dans de ce domaine.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyses

 

Sources consultées

  • MEDLINE, EMBASE, Cochrane Library et Cochrane Controlled Trials Register for randomised controlled trials (de janvier 1966 à décembre 2011)
  • recherche des articles liés à ceux identifiés
  • pas de restriction de langue.

 

Etudes sélectionnées

  • RCTs comparant antibiothérapie et appendicectomie en cas d’appendicite aiguë non compliquée
  • exclusion des études non randomisées, rétrospectives, séries de cas, sujets avec appendicite compliquée
  • inclusion de 4 RCTs ; exclusion d’une RCT retirée post publication et d’une autre sans randomisation prouvée
  • suivi moyen d’un an.

 

Population étudiée

  • 900 patients adultes présentant une suspicion d’appendicite aiguë non compliquée dont 470 reçoivent une antibiothérapie (céfuroxime + métronidazole ou tinidazole, ou amoxiclavulanate, en majorité initialement en I.V.) et 430 une appendicectomie
  • diagnostic sur base d’anamnèse et de signes cliniques, documenté par des tests biologiques d’inflammation, confirmé par ultrasons dans une étude, par CT scan dans la deuxième, par CT scan chez certains patients dans la troisième, par CT scan pour exclure une appendicite compliquée dans la quatrième
  • 3 études multicentriques, une unicentrique.

 

Mesure des résultats

  • critère primaire : complications telles que mentionnées dans les études originales, mais en les limitant aux complications pertinentes (infections de plaie (si appendicectomie (dans les 2 groupes), incidence d’appendicite perforée ou de péritonite), exprimées en rapport de risque
  • critères secondaires : durée de l’hospitalisation primaire, réadmissions, incidence de perforations, température corporelle, efficacité du traitement ; dans les études originales, l’efficacité du traitement = résolution de l’appendicite aiguë, antibiotique + chirurgie si nécessaire versus chirurgie immédiate ; dans cette synthèse, l’efficacité du traitement dans le groupe antibiotique = succès du traitement antibiotique seul, pas d’échec ou de récidive nécessitant une appendicectomie, pas de complications post traitement ou post chirurgie ; dans le groupe chirurgie = succès de l’appendicectomie et pas d’absence d’appendicite histologique, ni de complication post traitement ou post opératoire (réadmissions incluses)
  • analyse en intention de traiter et en modèle d’effets aléatoires si hétérogénéité, et aussi par protocole dans une étude avec permutations nombreuses entre les 2 bras (2).

 

Résultats

  • critère d’efficacité primaire, complications : RR 0,69 (IC à 95% de 0,54 à 0,89 ; p=0,004 ; I²=0%) en faveur de l’antibiothérapie ; pas de différence selon l’antibiotique utilisé
  • critères secondaires :
    • durée d’hospitalisation primaire : pas de différence significative pour la sommation (p=0,20 ; I²=48%) ; durée moins courte sous antibiotiques dans 1 étude (2)
    • efficacité du traitement :
      • critère des études originales : 100% de résolution dans les 2 groupes
      • critère de cette synthèse : 78% de succès pour le traitement antibiotique initial, 63% à un an ; pour la chirurgie, 93% 
    • pas de différence significative pour les complications d’appendicite (12% sous antibiotique, 20% sous chirurgie ; RR 0,58 (0,18 à 1,90) ; I²=74%, p=0,37)
    • réadmissions : 20% des patients (= 68/345) du groupe antibiotiques ; 3 traités avec succès par antibiotique, 65 appendicectomisés (4 avec appendice normal)
    • douleur et fièvre : données contradictoires.
     

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que les antibiotiques sont efficaces et sûrs en traitement de première intention chez des patients présentant une appendicite aiguë non compliquée. Un traitement antibiotique initial mérite d’être pris en considération comme première option thérapeutique en cas d’appendicite débutante non compliquée.

 

Financement de l’étude 

Un des auteurs a reçu des fonds de recherche de la Nottingham Digestive Diseases Centre NIHR Biomedical Research Unit qui n’est intervenue à aucun stade de l’étude.

 

Conflits d’intérêt des auteurs 

Aucun n’est déclaré.

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs ont rigoureusement évalué la qualité méthodologique des études sur les critères de méthode de randomisation, de secret d’attribution, d’insu, de description des sorties d’étude et d’arrêts de traitement, d’analyse en intention de traiter, de durée de suivi. Les auteurs montrent une faible qualité des études, devenant modérée pour certains critères en excluant l’étude avec cross-over (2). Aucune des études incluses n’est en aveugle, et une analyse des résultats en insu n’est pas mentionnée. Les auteurs ont recherché l’hétérogénéité statistique avec les tests Chi² et I² ; sauf pour le critère complications, ils montrent un risque élevé de non concordance des résultats. Ils ont effectué une analyse de sensibilité selon le type d’antibiotique utilisé et réalisé un funnel plot pour le critère complications mentionné dans les études ; ils évoquent la possibilité d’un biais de publication mais ceci est peu valide au vu du nombre très limité d’études analysées.

Avec toutes ces limites, l’intérêt d’une méta-analyse ne peut donc être que très faible.

 

Interprétation des résultats

Cette méta-analyse montre donc un succès de 63% à un an pour une antibiothérapie initiale d’une appendicite non compliquée avec 20% de récidive dans l’année. Pour les patients non initialement opérés, les études n’ont pas identifié de risque plus élevé de développer une appendicite compliquée. Les auteurs signalent eux-mêmes plusieurs limites de leur recherche. Un diagnostic d’appendicite sur CT scan systématique n’est fait que dans la dernière étude en date (Vons (3)). Aucune imagerie n’est exigée dans l’étude de Styrud (4), qui excluait aussi les femmes. Dans la petite étude d’Eriksson (5) (n=40), c’est une échographie qui est pratiquée et dans l’étude de Hansson (2), une échographie ou un CT scan est parfois réalisé. La certitude d’appendicite non compliquée est donc loin d’être prouvée dans ces 3 études sur 4.

L’échographie (sensibilité et spécificité d’environ 80%) et plus encore le scanner (sensibilité et spécificité d’environ 90%) peuvent fortement contribuer au diagnostic (6). L’irradiation notable liée au scanner (8 à 10 mSv) peut être réduite (à 2 mSv) sans diminuer sa précision diagnostique (7).

L’antibiothérapie est d’abord intraveineuse dans toutes les études, durant 24 à 48 heures (sauf dans l’étude de Vons : administration IV uniquement si nausées/vomissements), puis orale durant 8 à 10 jours. Une sortie d’hôpital semble plus rapidement autorisée post chirurgie. L’administration d’antibiotiques en postopératoire en cas d’appendicite compliquée peut avoir influencé les résultats du groupe appendicectomie. Dans l’étude de Vons (3), une dose d’amoxiclavulanate (2 g) est systématiquement administrée par voie IV lors de l’induction de l’anesthésie générale.

Cette méta-analyse permet-elle d’isoler des groupes de patients a priori meilleurs répondeurs ou au contraire moins bons répondeurs à un traitement antibiotique ?
Dans l’étude de Vons (3) avec CT scan systématique, 30 à 40% des patients présentant un stercolithe appendiculaire ont une appendicite compliquée. La présence d’un stercolithe en cas d’appendicite pourrait donc représenter une contre-indication à un traitement antibiotique plutôt que chirurgical. Un stercolithe sera toujours identifié au CT scan ; il peut cependant être masqué par un produit de contraste administré par voie orale. L’échographie est moins fiable, l’appendice pouvant ne pas être visualisé entièrement ou partiellement.

 

Autres études

Nous avons discuté dans Minerva (1) une des études (2) reprise dans cette méta-analyse et en avons commenté aussi 2 autres (4,5). La seule nouvelle étude ajoutée est celle de Vons. Plusieurs synthèses de la littérature ont été précédemment réalisées ; elles sont commentées par Varadhan. Pour la Cochrane Collaboration, Wilms (8) a réalisé une synthèse méthodique avec méta-analyse de 5 études : il n’a pas repris la publication de Hansson qu’il juge de pauvre qualité, mais par contre inclus l’étude de Malik (9) qui a été retirée par la revue et l’étude de Turhan (10) que Varadhan a exclu pour absence de description d’une randomisation. Wilms conclut à une absence de conclusion possible pour leur critère primaire de guérison dans les 2 semaines sans complication majeure (incluant une récidive) dans l’année, parce que la limite de l’intervalle de confiance dépasse la borne de non infériorité de 20% qu’ils avaient fixée. Ils mentionnent aussi une qualité des études faible à modérée… tout en signalant que 4 études sur 6 ne décrivent pas de méthode de randomisation ! Les différences entre cette méta-analyse de Wilms et celle de Varadhan analysée ici sont nombreuses : choix des études, complications jugées majeures ou mineures selon les auteurs, mais surtout inclusion des récidives dans les complications du groupe antibiotique. Ce sont particulièrement les résultats de l’étude de Vons, étude avec la plus grande certitude diagnostique (CT scan systématique) qui provoquent l’absence de non infériorité dans la synthèse de Wilms : 37% d’appendicectomies au total (dans les 30 premiers jours + dans les 11 mois suivants). Vons concluait aussi  à l’absence de non infériorité (borne de 10%) du traitement antibiotique versus chirurgie pour leur critère primaire, survenue d’une péritonite, dans les 30 jours du traitement initial, sur CT scan (+ appendicite compliquée dans le groupe antibiotique) : différence de 5,8% avec IC à 95% de 0,3 à 12,1. Notons aussi que 18% des patients opérés présentaient une péritonite lors de l’intervention malgré un CT scan ne l’ayant pas identifié.

 

Conclusion de Minerva

Cette méta-analyse montre qu’une antibiothérapie (IV dans 3 études sur 4) permet d’éviter une appendicectomie à 1 an chez 63% des patients adultes présentant une appendicite aiguë non compliquée, avec taux moindre de complications selon les critères utilisés dans cette méta-analyse.

 

Pour la pratique

En cas d’appendicite aiguë, une appendicectomie est universellement recommandée comme un traitement de premier choix. Une antibiothérapie, généralement initialement intraveineuse, a été évaluée comme alternative dans différentes études chez des patients avec appendicite aiguë non compliquée, plus ou moins bien documentée selon les études. Plusieurs méta-analyses de ces études ont été réalisées, dont celle qui est analysée ici, avec des résultats discordants selon les études incluses et les critères de jugement utilisés pour comparer antibiothérapie et appendicectomie immédiate. Les résultats de la RCT la plus récente avec diagnostic le mieux documenté (CT scan systématique) invitent à mieux évaluer encore cette option avant de pouvoir la recommander.   

 

  

 

Références

  1. Chevalier P. Appendicite aiguë : antibiotiques plutôt que chirurgie ? MinervaF 2010;9(2):18-9.
  2. Hansson J, Körner U, Khorram-Manesh A, et al. Randomized clinical trial of antibiotic therapy versus appendicectomy as primary treatment of acute appendicitis in unselected patients. Br J Surg 2009;96:473-81.
  3. Vons C, Barry C, Maitre S, et al. Amoxicillin plus clavulanic acid versus appendicectomy for treatment of acute uncomplicated appendicitis: an open-label, non-inferiority, randomised controlled trial. Lancet 2011;377:1573-9.
  4. Styrud J, Eriksson S, Nilsson I, et al. Appendectomy versus antibiotic treatment in acute appendicitis. A prospective multicenter randomized controlled trial. World J Surg 2006;30:1033-7.
  5. Eriksson S, Granström L. Randomized controlled trial of appendicectomy versus antibiotic therapy for acute appendicitis. Br J Surg 1995;82:166-9.
  6. Imagerie des appendicites ; mettre en balance les performances diagnostiques et les risques propres à chaque technique. Rev Prescr 2011;31:757-60.
  7. Kim K, Kim YH, Kim SY, et al. Low-dose abdominal CT for evaluating suspected appendicitis. N Engl J Med 2012;366:1596-605.
  8. Wilms IM, de Hoog DE, de Visser DC, Janzing HM. Appendectomy versus antibiotic treatment for acute appendicitis. Cochrane Database Syst Rev 2011, Issue 11.
  9. Malik AA, Bari SU. Conservative management of acute appendicitis. J Gastrointest Surg 2009;13:966-70.
  10. Turhan AN, Kapan S, Kütükçü E, et al. Comparison of operative and non operative management of acute appendicitis. Turkish Journal of Trauma & Emergency Surgery 2009;15:459-62.
Appendicite aiguë : antibiothérapie ou chirurgie ?



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