Analyse
Vitamine D : force musculaire, mobilité et chutes chez la femme âgée
28 06 2011
Professions de santé
Nous avons abordé plusieurs fois dans Minerva, des publications évaluant l’intérêt de l’administration de vitamine D chez les personnes âgées. En 2009, une synthèse de la Cochrane Collaboration (1), concluait à l’absence de preuve de l’intérêt d’administrer des suppléments de vitamine D en termes de prévention des chutes (2) mais à la possibilité d’en administrer aux personnes avec des taux bas de vitamine D.
Le récent guide de pratique anglo-américain pour la prévention des chutes chez la personne âgée (3) se base en fait sur les mêmes sources plus anciennes (recherche dans la littérature jusqu’en 2008). Il recommande d’administrer des suppléments de vitamine D (au moins 800 UI/j) chez les personnes avec un déficit pour cette vitamine (Niveau de Preuve A) et de prendre en considération l’administration d’au moins 800 UI/j chez des personnes avec suspicion de déficit en vitamine D ou à risque de chute (Niveau B).
Dans Minerva, nous avons analysé les résultats de publications plus récentes, plus favorables pour l’administration de vitamine D aux personnes âgées. Une méta-analyse de Bischoff-Ferrari (4) montre l’intérêt de l’administration d’une dose suffisante de vitamine D (700 à 1 000 UI/j) pour prévenir les chutes chez les personnes âgées, sans intérêt d’une dose moindre. Une autre méta-analyse des mêmes auteurs (5) montrait l’intérêt d’une dose quotidienne de vitamine D > 400 UI pour la prévention des fractures non vertébrales sur base de l’analyse des résultats de 12 études. La méta-analyse DIPART sur données individuelles (6), montrait l’intérêt de l’administration de calcium et de vitamine D (10 µg (400 UI) de D2 ou D3) quotidiennement chez des personnes âgées, en prévention des fractures, particulièrement de la fracture de hanche (7).
Une RCT récemment publiée (8) inclut 302 femmes de 70 à 90 ans, avec un taux de 25-OH-vitamine D < 24 ng/ml et ayant chuté au moins une fois dans les 12 mois précédents. Elles reçoivent soit 1 000 UI de vitamine D2 soit un placebo avec 1 gr de calcium dans les 2 cas. Après 12 mois de traitement, aucune différence n’est observée pour l’ensemble de la population mais bien pour le tertile avec force musculaire plus faible et Time Up and Go Test (TUAG, facteur prédictif validé de risque de chutes) de durée plus longue. Les auteurs s’interrogent sur le rôle éventuel d’une trop faible dose de vitamine D administrée. Rappelons que dans l’étude DIPART, une dose quotidienne de 10 µg de vitamine D est prouvée efficace mais non une dose de 20 µg (7). La RCT récente de Sanders (9), dans laquelle 2 256 femmes âgées d’au moins 70 ans, non institutionnalisées, reçoivent une dose annuelle de 500 000 UI de colécalciférol (D3) en 1 administration, montre versus placebo une augmentation du risque de chutes et une augmentation (à la limite de la signification statistique) du risque de fracture. Dans le sous-groupe de patientes chez lesquelles le 25-OH-colécalciférol avait été dosé, il était initialement de 49 nmol/L. Sous traitement, il atteignait 120 nmol/L à 1 mois. Une dose trop forte de vitamine D peut donc avoir un effet délétère en termes de risque de chutes et de fractures.
Conclusion
Cette étude montre dans une population de femmes âgées de 70 à 90 ans ayant précédemment chuté et avec faiblesse musculaire et moins bonne mobilité initiale, chez lesquelles le taux de 25-OH-vitamine D est < 24 ng/ml, que l’administration quotidienne de 1 000 UI de vitamine D2 avec 1 gr de calcium améliore leur force musculaire et leur mobilité. Elle confirme l’absence de preuve de l’intérêt d’une administration systématique de vitamine D à toute personne âgée.
Références
- Gillespie LD, Robertson MC, Gillespie WJ, et al. Interventions for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 2.
- Chevalier P. Prévention des chutes au domicile pour les personnes âgées. MinervaF 2010;9(6):66-7.
- AGS/BGS Clinical Practice Guideline: Prevention of Falls in Older Persons, October 2010.
- Bischoff-Ferrari HA, Dawson-Hughes B, Staehelin HB, et al. Fall prevention with supplemental and active forms of vitamin D: a meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ 2009;339:b3692.
- Bischoff-Ferrari HA, Willett WC, Wong JB, et al. Prevention of nonvertebral fractures with oral vitamin D and dose dependency:a meta-analysis of randomized controlled trials. Arch Intern Med 2009;23:551-61.
- The DIPART (vitamin D Individual Patient Analysis of Randomized Trials) Group. Patient level pooled analysis of 68 500 patients from seven major vitamin D fracture trials in US and Europe. BMJ 2010;340:b5463.
- Chevalier P. Prévention des fractures : vitamine D avec ou sans calcium ? MinervaF 2010;9(8):92-3.
- Zhu K, Austin N, Devine A, et al. A randomized controlled trial of the effects of vitamin D on muscle strength and mobility in older women with vitamin D insufficiency. J Am Geriatr Soc 2010;58:2063-8.
- Sanders KM, Stuart AL, Williamson EJ, et al. Annual high-dose oral vitamin D and falls and fractures in older women: a randomized controlled trial. JAMA 2010;12;303:1815-22.
25-OH-vitamine D : 25-100 nmol/L = 10-40 ng/ml
Time Up and Go Test
Se lever d’un siège, marcher sur 3 mètres, faire demi-tour, se rasseoir, test minuté. Un score de £ 20 secondes est associé avec un statut d'indépendance locomotrice, un score ³ 30 secondes dénotant un état de dépendance.
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