Revue d'Evidence-Based Medicine
Quel schéma insulinique initier pour un diabète de type 2 ?
Contexte
Malgré un traitement progressivement plus intensif par antidiabétiques oraux (ADO, souvent en association), la plupart des patients atteints d’un diabète de type 2 devront tôt ou tard recourir à une insulinothérapie, le plus souvent en ajout aux ADO. En 2008, Minerva vous a commenté les résultats intermédiaires (après un an) de la première étude à grande échelle qui comparait différents schémas insuliniques avec des analogues (1). Les résultats à trois ans viennent de paraître.
Résumé
Population étudiée
- 708 sujets, âgés en moyenne de 61,7 ans (rapport à la moyenne de l’ensemble des observations. Dans une distribution normale, 95% de toutes les valeurs sont comprises entre + 1,96 écart-type (à droite) et - 1,96 écart-type (à gauche) de la moyenne, 90% des valeurs se trouvent entre + 1,65 écart-type et - 1,65 écart-type et 99% des valeurs entre + 2,58 écart-type (à droite) et - 2,58 écart-type (à gauche) de la moyenne. Un grand écart-type signifie que la dispersion autour de la moyenne est grande. Un petit écart-type implique que la dispersion autour de la moyenne est petite.">ET ± 9,8), souffrant d’un diabète de type 2 depuis en moyenne 9 ans, sans insulinothérapie ; IMC moyen de 29,8 ± 4,6 kg/m² ; 92,2% de race blanche ; 64,1% d’hommes
- HbA1c initiale entre 7 et 10% (moyenne de 8,5%) malgré un traitement par metformine et sulfamidé hypoglycémiant à la dose maximale tolérée
- critères d’exclusion : fonction rénale déficiente, hépatopathie, complications diabétiques sévères, cardiopathie significative, hypoglycémies problématiques, hypertension artérielle non contrôlée.
Protocole d’étude
- étude randomisée, en ouvert
- 3 groupes de traitement : insuline aspart biphasique 2x/j (n=235) ; insuline aspart prandiale 3x/j (n=239) ; insuline basale détémir 1x/j (ou 2x/j si nécessaire) (n=234)
- arrêt du sulfamidé hypoglycémiant et ajout d’un deuxième type d’insuline en cas d’HbA1c >10%, >8,0% à 2 reprises durant la première année ou >6,5% durant les années suivantes : insuline prandiale à midi dans le groupe insuline biphasique, insuline basale vespérale dans le groupe insuline prandiale et insuline prandiale 3x/jour dans le groupe insuline basale.
Mesure des résultats
- critère primaire : HbA1c après 3 ans de traitement
- critères secondaires : entre autres, nombre de patients avec une HbA1c ≤ 6,5%, incidence d’hypoglycémies sévères par patient, gain de poids, qualité de vie.
Résultats
- HbA1c après 3 ans : aucune différence entre les 3 groupes : HbA1c 7,1% pour le groupe insuline biphasique, 6,8% sous insuline prandiale et 6,9% sous insuline basale
- nombre de patients avec une HbA1c ≤6,5% : significativement moins sous insuline biphasique (31,9%) que prandiale (44,8%) et que basale (43,2%)
- incidence médiane d’hypoglycémies sévères/patient/an : 1,7 sous insuline basale, 3,0 sous biphasique, 5,7 sous prandiale ; p<0,001 pour les différences
- prise de poids moyenne : +6,4 kg sous insuline prandiale, +5,7 kg sous biphasique, +3,6 kg sous basale
- effets indésirables sévères : significativement plus sous insuline biphasique
- effets indésirables non sévères : pas de différence significative
- mortalité : pas de différence pour la mortalité globale mais bien pour la cardiovasculaire : 4 décès sous insuline biphasique, 9 sous prandiale et 1 sous basale (p=0,002)
- qualité de vie : pas de modification significative après 3 ans.
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que, en ajout à un traitement antidiabétique oral, un schéma insulinique basal ou prandial améliore mieux le contrôle glycémique des patients qu’un schéma biphasique. Dans le groupe ajout d’insuline basale, l’incidence d’hypoglycémies est moindre ainsi que la prise de poids.
Financement
Novo Nordisk et Diabetes U.K.
Conflits d’intérêt
L rédacteur principal et 2 des 6 coauteurs déclarent avoir reçu des honoraires de diverses firmes à différents titres.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
Dans notre discussion de la première publication de cette recherche (1), nous mentionnons que le protocole d’une telle étude d’intervention ne pouvait être qu’en ouvert : différents schémas insuliniques, différents algorithmes pour l’adaptation des schémas selon l’HbA1c et des doses suivant les glycémies mesurées par les patients. Le choix de l’HbA1c comme critère de jugement primaire n’entraîne probablement pas d’influence d’un protocole ouvert sur les résultats. Le choix des seuls analogues insuliniques (d’une même firme) n’est pas motivé par les auteurs. L’insuline NPH reste un premier choix pour une insulinothérapie chez un diabétique de type 2. Nous devons cependant nous attendre à ce que ni l’industrie pharmaceutique ni d’autres instances ne financent désormais des études comparant insulines humaines et analogues d’insuline.
Mise en perspective des résultats
Dans cette population d’étude de patients avec un diabète de type 2 insuffisamment contrôlé (HbA1c initiale de 8,5% en moyenne), le recours à un type d’insuline permettait, à un an, de faire diminuer significativement l’HbA1c de 0,8 à 1,4%. Seule une minorité (8 à 24%) de patients atteignait une HbA1c ≤6,5% (1). Durant les deux années suivantes, de 68 à 82% des patients ont reçu un deuxième type d’insuline en complément, ce qui a progressivement réduit les différences de résultats entre les schémas initiaux insuline basale et insuline prandiale, ce qui rend l’interprétation des résultats à 3 ans plus délicate. Il n’y a pas de différence pour les trois schémas en termes d’HbA1c à 3 ans. La diminution du taux d’HbA1c est cependant encore meilleure versus valeurs initiales (1,2 à 1,4%) qu’à un an, mais, malgré ce résultat, plus de la moitié des patients n’atteint pas la valeur cible de ≤6,5%, ce qui illustre la difficulté d’atteindre une telle cible. Moins de patients atteignent cette cible sous schéma biphasique que sous schéma prandial ou basal. Aucune différence significative n’est cependant observée au point de vue mortalité globale (par manque de puissance ?). Les récentes études ACCORD et VADT montrent que chez des patients plus âgés, avec un diabète de plus longue évolution et compliqué, la poursuite de taux bas d’HbA1c (comme dans cette étude-ci) accroît la mortalité (2).
Les différences entre les trois schémas insuliniques initiaux sont surtout nettes pour la survenue d’hypoglycémies et le gain de poids. Versus groupe insuline basale, l’incidence d’hypoglycémies est presque doublée sous insuline biphasique et plus que triplée sous insuline prandiale. La prise de poids est nettement moindre sous insuline basale. Sur base de ces différences, les auteurs concluent que le fait de commencer par un schéma basal, avec passage à une association à des injections prandiales, doit être un premier choix. Ajoutons-y que les doses d’insuline quotidiennes sont significativement moindres dans le groupe insuline biphasique que dans les autres groupes ; une meilleure titration aurait théoriquement pu améliorer l’HbA1c dans ce groupe. Une dose supérieure d’insuline peut cependant augmenter le risque d’hypoglycémies et encore la prise de poids. Une méta-analyse récente (3) évalue différents schémas insuliniques initiaux chez des patients avec un diabète de type 2 ; peu d’études y sont incluses, avec un nombre limité de patients, dont celle analysée ici. De meilleurs résultats sont obtenus en termes d’HbA1c avec les schémas prandiaux et biphasiques que basaux, avec des doses d’insuline supérieures dans les deux premiers groupes. L’incidence d’hypoglycémies n’est pas différente. La prise de poids est cependant plus importante sous schéma prandial que sous schéma basal.
Pour la pratique
Le choix d’un schéma insulinique particulier dépend du risque d’effets indésirables qui y est lié. Un schéma insulinique basal s’accompagne moins d’hypoglycémies sévères et de prise de poids. Cette étude-ci est réalisée avec des analogues insuliniques. Elle étaie cependant les guides de pratique actuels qui recommandent (4) de commencer une insulinothérapie en cas de contrôle insuffisant d’un diabète de type 2. Sur base principalement d’opinions d’experts, c’est une faible dose (10 UI) d’insuline NPH au coucher qui est recommandée, en ajout aux antidiabétiques oraux (5,6). La prise en charge des facteurs de risque vasculaire reste primordiale chez de tels patients.
Conclusion
Cette étude montre que l’ajout d’analogues d’insuline à la metformine et à un sulfamidé hypoglycémiant en cas de contrôle insuffisant d’un diabète de type 2 permet de diminuer significativement le taux d’HbA1c, mais ceci sans différence entre les schémas utilisés. Un schéma insulinique basal provoque moins d’hypoglycémies et de prise de poids.
Références
- Van Crombrugge P. Quel schéma insulinique initial pour un diabète de type 2 ? MinervaF 2008;7(6):88-9.
- Chevalier P, Jandrain B. Bénéfice cardiovasculaire d’un contrôle glycémique strict ? MinervaF 2009;8(7):94-5.
- Lasserson DS, Glasziou P, Perera R, et al. Optimal insulin regimens in type 2 diabetes mellitus: systematic review and meta-analyses. Diabetologia 2009;52:1990-2000.
- Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Recommandation de Bonne Pratique : Diabète de type 2; SSMG.
- Rutten GE, De Grauw WJ, Nijpels G, et al. NHG-Standaard Diabetes mellitus type 2. Huisarts Wet 2006;49:137-52.
- Nathan DM, Buse JB, Davidson MB, et al; American Diabetes Association; European Association for Study of Diabetes. Medical management of hyperglycemia in type 2 diabetes: a consensus algorithm for the initiation and adjustment of therapy: a consensus statement of the American Diabetes Association and the European Association for the Study of Diabetes. Diabetes Care 2009;32:193-203.
Noms de marque
- insuline aspart biphasique : Novo Mix® 30, 50 et 70
- insuline aspart (prandiale) : Novorapid®
- insuline détémir (basale) : Levemir®
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