Analyse
Les probiotiques ont-ils un rôle dans la prévention de l’eczéma ?
Minerva a déjà publié une analyse d’une synthèse méthodique avec méta-analyse publiée en 2015 (1) montrant que les probiotiques avaient peut-être un effet dans la prévention de l’eczéma chez les nourrissons lorsqu’ils étaient donnés en complément à la mère durant la grossesse et/ou la lactation et/ou aux jeunes nourrissons. Le niveau de preuve était cependant faible parce que les études étaient hétérogènes et que le risque de biais était le plus souvent élevé. Nous avions donc décidé que cette stratégie ne pouvait pas être encouragée à grande échelle (2).
Une étude menée en double aveugle, randomisée, placebo-contrôlée (3) comptant 454 femmes enceintes volontaires sélectionnées a comparé l’ajout d’un probiotique spécifique (Lactobacillus salivarius, Lactobacillus paracasei, Bifidobacterium animalis subspecies lactis, Bifidobacterium bifidum ; dans un total de 1010 micro-organismes) à partir de 36 semaines de grossesse, suivi par l’administration à leurs nourrissons jusqu’à l’âge de 6 mois (n = 220) versus la prise de gélules de placebo (n = 234). L’efficacité sur le développement de l’eczéma a été étudiée jusqu’à l’âge de 2 ans (critère de jugement primaire). L’eczéma était défini comme une éruption cutanée prurigineuse siégeant au niveau du visage, du crâne, des faces d’extension (chez les nourrissons) ou de flexion (chez les enfants) des membres, persistant au moins 4 semaines et avec au moins une exacerbation sur 24 mois. Le diagnostic a été posé par un professionnel de la santé ou par un investigateur au centre d’étude. Pour le suivi, les parents ou les soignants ont répondu à un questionnaire lors de visites à domicile, de visites au centre d’étude ou par téléphone. L’étude examinait aussi l’efficacité sur quelques critères de jugement secondaires comme les résultats des tests cutanés, le développement d’un eczéma atopique (eczéma avec un ou plusieurs tests cutanés positifs), d’un eczéma de quelque durée que ce soit, diagnostiqué par un professionnel de la santé ou non, la gravité de l’eczéma, un traitement par corticostéroïdes topiques, des symptômes d’asthme et de rhinite allergique, une hypersensibilité alimentaire.
La fréquence cumulée de l’eczéma n’était pas différente entre le groupe probiotiques et le groupe placebo (34,1% versus 32,4%) : OR de 1,07 (avec IC à 95% de 0,72 à 1,6 et p = 0,71), contrairement à d’autres études où il avait bien été constaté une diminution modérée de la fréquence de l’eczéma (1,2). Ces différences sont peut-être dues à la composition des probiotiques, aux critères de diagnostic de l’eczéma ou au type de suivi. La manière dont le suivi de l’eczéma a été effectuée, à savoir au moyen d’un questionnaire des parents, peut avoir grandement influencé les résultats. Les critères pour poser le diagnostic n’établissaient pas non plus de distinction entre les différentes formes d’eczéma (eczéma atopique versus eczéma séborrhéique ou eczéma de contact). Dans cette étude, l’eczéma atopique était défini comme un eczéma où les tests cutanés étaient positifs. Nous savons cependant que chez 20% des patients atteints d’eczéma atopique, les tests cutanés ne sont pas positifs et que les IgE ne sont pas augmentées (4). L’eczéma atopique était moins fréquent dans le groupe probiotiques (5,3%) que dans le groupe placebo (12,1%) : OR de 0,40 (avec IC à 95% de 0,18 de 0,91). Dans le groupe probiotiques, il y avait aussi moins de tests cutanés positifs : OR de 0,52 (avec IC à 95% de 0,28 à 0,98). L’hypersensibilité alimentaire, principalement au lait de vache et aux œufs de poule, était plus faible à 6 mois. La réduction du risque d’atopie a déjà été montrée dans de précédentes études (5,6). Quant aux autres critères de jugement secondaires, il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes.
Conclusion
Cette étude n’a pas pu montrer que l’ajout de probiotiques à des femmes enceintes à partir de 36 semaines de grossesse, puis aux nourrissons jusqu’à l’âge de 6 mois avait une influence sur le développement de l’eczéma jusqu’à l’âge de 2 ans. Cette intervention pourrait avoir un effet préventif sur le développement d’une hypersensibilité alimentaire et sur l’eczéma atopique.
- Cuello-Garcia CA, Brozek JL, Fiocchi A, et al. Probiotics for the prevention of allergy: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. J Allergy Clin Immunol 2015;136:952-61. DOI: 10.1016/j.jaci.2015.04.031
- Van Winckel M. Des probiotiques pour la prévention des allergies ? Minerva bref 15/03/2016.
- Allen SJ, Jordan S, Storey M, et al. Probiotics in the prevention of eczema: a randomised controlled trial. Arch Dis Child 2014;99:1014-9. DOI: 10.1136/archdischild-2013-305799
- Tokura Y. Extrinsic and intrinsic types of atopic dermatitis. J Dermatol Sci 2010;58:1-7. DOI: 10.1016/j.jdermsci.2010.02.008
- Van Winckel M. Hebben probiotica een plaats in de preventie van atopie? Minerva 2002;31(1):48-9.
- Kalliomäki M, Salminen S, Arvillommi H, et al. Probiotics in primary prevention of atopic disease: a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2001;357:1076-9. DOI: 10.1016/S0140-6736(00)04259-8
- Elazab N, Mendy A, Gasana J, et al. Probiotic administration in early life, atopy, and asthma: a meta-analysis of clinical trials. Pediatrics 2013;132:e666-76. DOI: 10.1542/peds.2013-0246
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