Analyse


Les adultes souhaitent-ils parler de leur fin de vie avec le médecin généraliste ?


02 07 2018

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
De Vleminck A, Batteauw D, Demeyere T, Pype P. Do non-terminally ill adults want to discuss the end of life with their family physician? An explorative mixed-method study on patients’ preferences and family physicians in Belgium. Fam Pract 2017. DOI: 10.1093/fampra/cmx125


Conclusion
Cette étude d’observation, pour partie transversale et pour partie qualitative, montre que les patients souhaitent parler de leur fin de vie avec leur médecin généraliste, mais que les patients et les médecins généralistes citent souvent des thèmes différents comme pouvant être pertinents pour débuter un entretien sur la fin de vie.


Que disent les guides de pratique clinique ?
La planification anticipée des soins est un processus continu et dynamique de réflexion et de dialogue entre le patient, ses proches et le ou les prestataires de soins de santé, au cours duquel les objectifs de soins futurs peuvent être finalement discutés et planifiés. L’objectif de ce processus est d’expliciter les valeurs et les préférences du patient concernant sa prise en charge future. Un élément possible d’une planification anticipée des soins est de remplir des déclarations anticipées (par ex. demande d’euthanasie, don d’organes, demande que l’on s’abstienne de certains traitements, etc.). Une planification anticipée des soins peut cependant être beaucoup plus large. Elle peut enregistrer par exemple ce que le patient considère comme une qualité de vie trop faible, les domaines de vie pour lesquels il souhaite une assistance (par ex. limites physiques, situation sociale (conjoint, enfants…), questions philosophiques, etc.). Idéalement, la planification anticipée des soins devrait être même discutée avant que l’on ne devienne gravement malade, de préférence avec le médecin généraliste, et cela peut finalement être consigné par écrit dans le dossier du patient. L’étude d’observation mentionnée ci-dessus montre que les patients sont désireux de parler de leur fin de vie avec leur médecin généraliste. Il faut cependant avoir à l’esprit que parfois, le patient et le médecin généraliste n’accordent pas la même importance aux thèmes concernant la fin de vie, ce qui risque de différer l’entretien sur la planification anticipée des soins.



De nombreuses études portant sur l’utilité de la planification anticipée des soins (Advance Care Planning, ACP) ont déjà été menées chez des patients gravement malades ayant une courte espérance de vie (1-5). Une récente étude d’observation belge (6) a examiné de quelle manière les adultes en bonne santé ou ayant des antécédents médicaux stables réfléchissaient à leur fin de vie et s’ils souhaitaient en parler avec leur médecin généraliste. Cette étude a aussi examiné dans quelle mesure les patients et les médecins généralistes indiquaient les mêmes thèmes comme pouvant servir d’amorce à un entretien sur la fin de vie.

 

Pour la première question de l’étude, les auteurs ont conduit une étude transversale dans deux pratiques de groupe de médecine générale (avec respectivement 5 et 4 médecins généralistes) qui prodiguaient des soins à 9000 patients en milieu rural en Flandre. A la fin de la consultation, les médecins généralistes ont demandé à leurs patients âgés d’au moins 50 ans et qui n’étaient pas atteints d’une maladie en phase terminale ou d’un trouble cognitif, de remplir un questionnaire sur la fin de vie. 286 questionnaires ont finalement pu être analysés. Près de 70% des patients avaient déjà réfléchi à la fin de vie. De plus, près de 2 patients sur 3 étaient prêts à en parler avec le médecin généraliste, tandis que près de 1 sur 5 indiquait néanmoins éprouver de la résistance à cet égard. Plus de 3 patients sur 4 apprécieraient que le médecin généraliste entame une discussion à ce sujet. Bien que 2 patients sur 3 trouvaient précieux que leurs décisions concernant la fin de vie soient mises par écrit ou soient connues de leur médecin généraliste, seulement 1 sur 5 avait déjà pris des décisions concrètes pour sa fin de vie. Une analyse multivariée a montré qu’un plus grand nombre de personnes ayant un niveau de formation élevé avaient réfléchi à leur fin de vie (rapport de cotes (RC) 4,16 avec IC à 95% de 1,52 à 11,38) et souhaitaient aussi en discuter avec leur médecin généraliste (RC 2,97 avec IC à 95% de 1,22 à 7,25).

 

Pour la deuxième question de l’étude, les investigateurs ont sélectionné cinq médecins généralistes (quatre hommes et une femme) et cinq patients (deux hommes et trois femmes) pour un entretien semi-structuré. L’âge des patients variait de 54 à 72 ans. Trois patients souffraient d’une maladie chronique, mais considéraient leur état comme stable au moment de l’entretien. Les médecins généralistes avaient de 37 à 65 ans et travaillaient seuls ou en pratique de groupe. On ne sait pas dans quelle mesure c’est un échantillon représentatif ni si la saturation a été atteinte au cours des entretiens (7). Durant l’analyse, deux investigateurs indépendants ont pu effectuer le recoupage des informations tirées des entretiens en quatre thèmes communs concernant la fin de vie : dépendance, détérioration physique et mentale, mourir seul, mise en ordre des papiers. A partir des idées des patients et de l’expérience pratique des médecins généralistes, on a observé une différence quant aux thèmes qui étaient indiqués comme appropriés et pertinents pour discuter de la planification anticipée des soins. Ainsi, tous les patients s’inquiétaient de la dépendance en fin de vie, mais un seul médecin généraliste a indiqué que ce thème était important à partir de sa pratique. La peur de la démence, de la douleur et de la souffrance et le souhait de ne pas débuter de traitement allongeant la vie inutilement en cas de détérioration physique et mentale ont été mentionnés par la plupart des patients et des médecins généralistes. Deux patients étaient très inquiets à l’idée de devoir mourir « seul », et cela chaque fois sous l’influence du souvenir du décès d’une personne de leur entourage. Ce thème n’a toutefois pas été abordé durant les entretiens avec les médecins généralistes. D'un autre côté, ils ont indiqué que « tous les papiers en ordre » était l'un des thèmes les plus fréquemment discutés dans la pratique en ce qui concerne l'euthanasie chez les personnes âgées de 50 à 70 ans. Cependant, un seul patient interrogé a rédigé une déclaration anticipée négative et une demande d’euthanasie avec l’aide de son médecin généraliste.

 

Conclusion

Cette étude d’observation, pour partie transversale et pour partie qualitative, montre que les patients souhaitent parler de leur fin de vie avec leur médecin généraliste, mais que les patients et les médecins généralistes citent souvent des thèmes différents comme pouvant être pertinents pour débuter un entretien sur la fin de vie.

 

Pour la pratique

La planification anticipée des soins est un processus continu et dynamique de réflexion et de dialogue entre le patient, ses proches et le ou les prestataires de soins de santé, au cours duquel les objectifs de soins futurs peuvent être finalement discutés et planifiés (8). L’objectif de ce processus est d’expliciter les valeurs et les préférences du patient concernant sa prise en charge future (8). Un élément possible d’une planification anticipée des soins est de remplir des déclarations anticipées (par ex. demande d’euthanasie, don d’organes, demande que l’on s’abstienne de certains traitements, etc.). Une planification anticipée des soins peut cependant être beaucoup plus large. Elle peut enregistrer par exemple ce que le patient considère comme une qualité de vie trop faible, les domaines de vie pour lesquels il souhaite une assistance (par ex. limites physiques, situation sociale (conjoint, enfants…), questions philosophiques, etc.) (8). Idéalement, la planification anticipée des soins devrait être même discutée avant que l’on ne devienne gravement malade, de préférence avec le médecin généraliste, et cela peut finalement être consigné par écrit dans le dossier du patient (8). L’étude d’observation mentionnée ci-dessus montre que les patients sont désireux de parler de leur fin de vie avec leur médecin généraliste. Il faut cependant avoir à l’esprit que parfois, le patient et le médecin généraliste n’accordent pas la même importance aux thèmes concernant la fin de vie, ce qui risque de différer l’entretien sur la planification anticipée des soins.

 

 

Références 

  1. Pype P. L’intégration précoce des soins palliatifs chez les patients atteints de cancer serait-elle quand même efficace ? Minerva bref 15/05/2018.
  2. Temel JS, Greer JA, El-Jawahri A, et al. Effects of early integrated palliative care in patients with lung and GI cancer: a randomized clinical trial. J Clin Oncol 2017;35:834-41. DOI: 10.1200/JCO.2016.70.5046
  3. Chevalier P. Discuter et fixer des objectifs thérapeutiques pour prendre en charge des personnes fort âgées souffrant de démence avancée MinervaF 2017;16(9):222-5.
  4. Hanson LC, Zimmerman S, Song MK, et al. Effect of the goals of care intervention for advanced dementia: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2017;177:24-31. DOI: 10.1001/jamainternmed.2016.7031
  5. Van Mechelen W, Piers R, Van den Eynde J, De Lepeleire J. Richtlijn Vroegtijdige Zorgplanning voor mensen met dementie. Vilvoorde, Federatie Palliatieve Zorg Vlaanderen. Richtlijnen Palliatieve Zorg. 28 mei 2016.
  6. De Vleminck A, Batteauw D, Demeyere T, Pype P. Do non-terminally ill adults want to discuss the end of life with their family physician? An explorative mixed-method study on patients’ preferences and family physicians in Belgium. Fam Pract 2017. DOI: 10.1093/fampra/cmx125
  7. Poelman T. À quels critères une étude qualitative doit-elle répondre ? MinervaF 2015;14(2):24.
  8. Van den Broeck K, Schmitz O, Aujoulat I, et al. Appropriate care at the end of life. Health Services Research (HSR) Brussels: Belgian Health Care Knowledge Centre (KCE). 2017. KCE Reports 296. D/2017/10.273/90.

 




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