Analyse


Statines et risque de présenter un diabète


01 02 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Crandall JP, Mather K, Rajpathak SN, et al. Statin use and risk of developing diabetes: results from the Diabetes Prevention Program. BMJ Open Diabetes Res Care 2017;5:e000438. DOI: 10.1136/bmjdrc-2017-000438


Conclusion
Cette analyse post-hoc d’une RCT montre une augmentation du risque de survenue d’un diabète chez des sujets à risque de présenter un diabète (surpoids, glycémie à jeun élevée, intolérance au glucose) et prenant une statine, augmentation proportionnelle à la durée du traitement. Les critères justifiant de prescrire une statine ne sont pas précisés dans cette publication (ni dans le protocole de l’étude originale).


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le risque de présenter un diabète lors d’un traitement par statine est maintenant bien reconnu dans les GPC. Ce risque ne peut cependant pas s’opposer au bénéfice potentiel d’un tel traitement quand il est bien indiqué ni au bénéfice d’un tel traitement en cas de diabète avec risque cardiovasculaire par ailleurs accru. Rappelons que chez les patients sans antécédent d’événement cardiovasculaire, l’administration au long cours d’une statine ne diminue la mortalité vasculaire ou totale de manière statistiquement significative que pour les patients à risque cardiovasculaire élevé, sans qu’existe cependant de valeur de risque seuil validée et universellement acceptée. Il est également important de dépister (et prendre en charge) un diabète chez les sujets traités par statine, plus particulièrement, comme nous le montre la publication analysée ici, chez les sujets plus à risque de présenter un diabète (risque accru de 30% versus non prise).



Nous avons précédemment mentionné dans la revue Minerva (1,2), le risque d’apparition d’un diabète sous traitement par statine. Cette observation a été confirmée dans plusieurs méta-analyses de RCTs et dans une dizaine d’études de cohorte (3). Ce risque semble plus important en fonction de la puissance de la statine (4) et être d’autant plus grand que l’objectif de LDL-cholestérol à atteindre était bas dans l’étude (5).

Si ce risque semble faible (de l’ordre de 1 cas supplémentaire de diabète pour environ 255 patients exposés pendant 4 ans à une statine au cours des principales études comparatives en double aveugle ayant évalué des statines en termes de critères cliniques (3)), il faut souligner que cette apparition d’un diabète n’était jamais un critère de jugement primaire d’une étude et qu’il n’était jamais systématiquement recherché, ce qui peut avoir limité la sensibilité de l’évaluation de l’incidence de cet effet indésirable.

 

Analyse post-hoc d’une RCT

Crandall et al. (6) publient en 2017 une analyse post-hoc d’une RCT, Diabetes Prevention Program. Cette RCT évaluait de manière comparative 3 interventions visant à prévenir ou reporter l’apparition d’un diabète dans une cohorte étatsunienne de 3224 sujets âgés d’au moins 25 ans, à haut risque de présenter un diabète (IMC ≥ 24 kg/m2, glycémie à jeun entre 95 et 125 mg/dl et intolérance au glucose (glycémie de 140 à 199 mg/dl 2 heures après une charge de 75 g de glucose)). Les traitements étaient, outre une information sur une alimentation saine et les activités physiques : intervention intensive sur l’hygiène de vie, metformine ou placebo. Dans leur publication précitée, Crandall et al. ont, entre autres, analysé la survenue d’un diabète après l’initiation d’un traitement par statine en cours d’étude sur un suivi de 10 ans. Les pourcentages de sujets répondant à cette condition (prise d’une statine avant l’apparition d’un diabète) étaient de 33 à 37% selon le groupe (différences non significatives entre les groupes). Pour l’ensemble de la cohorte, le HR associé à la prise d’une statine (versus non prise) est de 1,36 avec IC à 95% de 1,17 à 1,59, sans différence significative entre les 3 interventions. Pour ce qui est de la relation entre l’apparition d’un diabète et la durée d’exposition à une statine (prise en compte uniquement des sujets initiant une statine en cours d’étude), une durée plus longue est significativement associée à un risque plus grand dans le groupe intervention intensive sur l’hygiène de vie, sans différence significative avec les résultats pour les autres groupes. Les analyses de cette cohorte ne montrent pas de différence selon la puissance de la statine (mais la dose n’est pas connue) ni suivant la modification du taux de LDL-cholestérol. La progression vers un diabète semble plus précoce dans le groupe placebo.

Les limites principales de cette analyse sont son caractère post-hoc, le fait que ce soit le patient lui-même qui rapporte lors des visites de contrôle la prise ou non d’une statine, la non mention de la dose de statine (simvastatine et atorvastatine principalement utilisées) et l’absence de critères communs à tous les patients de l’étude pour une prescription ou non d’une statine (choix laissé au médecin traitant).

 

Anti PCSK9 aussi ?

Pour une classe plus récente d’hypolipidémiants dont nous avons parlé dans la revue Minerva (7,8), les inhibiteurs de la PCSK9, une synthèse récente (9) de 20 RCTs (68123 sujets) montre un risque lié d’augmentation de la glycémie à jeun (différence moyenne standardisée (DMS) de 0,14 avec IC à 95% de 0,12 à 0,16) et de l’HbA1c (DMS de 0,08 avec IC à 95% de 0,06 à 0,10) versus placebo. L’incidence de diabète n’est cependant pas significativement augmentée (RR à 1,04 avec IC à 95% de 0,96 à 1,13 ; I2 = 0%, p = 0,427) mais ceci reste à être évalué à plus long terme (suivi médian de 78 semaines dans les études). Une étude exploratoire réalisée par les auteurs montre une association entre un risque accru de survenue d’un diabète et la puissance et la durée du traitement par anti-PCSK9, dans cette population sans évaluation précisée du risque de développer un diabète.

 

Conclusion

Cette analyse post-hoc d’une RCT montre une augmentation du risque de survenue d’un diabète chez des sujets à risque de présenter un diabète (surpoids, glycémie à jeun élevée, intolérance au glucose) et prenant une statine, augmentation proportionnelle à la durée du traitement. Les critères justifiant de prescrire une statine ne sont pas précisés dans cette publication (ni dans le protocole de l’étude originale).

 

Pour la pratique

Le risque de présenter un diabète lors d’un traitement par statine est maintenant bien reconnu dans les GPC. Ce risque ne peut cependant pas s’opposer au bénéfice potentiel d’un tel traitement quand il est bien indiqué (10) ni au bénéfice d’un tel traitement en cas de diabète avec risque cardiovasculaire par ailleurs accru (11,12).

Rappelons que chez les patients sans antécédent d’événement cardiovasculaire, l’administration au long cours d’une statine ne diminue la mortalité vasculaire ou totale de manière statistiquement significative que pour les patients à risque cardiovasculaire élevé, sans qu’existe cependant de valeur de risque seuil validée et universellement acceptée (13).

Il est également important de dépister (et prendre en charge) un diabète chez les sujets traités par statine (13), plus particulièrement, comme nous le montre la publication analysée ici, chez les sujets plus à risque de présenter un diabète (risque accru de 30% versus non prise).

 

 

Références 

  1. La Rédaction Minerva. Les effets indésirables des statines : préférer la simvastatine et la pravastatine. Minerva bref 15/06/2014.
  2. Naci H, Brugts J, Ades T. Comparative tolerability and harms of individual statins: a study-level network meta-analysis of 246 955 participants from 135 randomized controlled trials. Circ Cardiovasc Qual Outcomes 2013;6:390-9. DOI: 10.1161/CIRCOUTCOMES.111.000071
  3. Rédaction Prescrire. Statines : augmentation de risque de diabète de type 2. Rev Prescrire 2016;36:671-2.
  4. Preiss D, Seshasai SR, Welsh P, et al. Risk of incident diabetes with intensive-dose compared with moderate-dose statin therapy: a meta-analysis. JAMA 2011;305:2556-64. DOI: 10.1001/jama.2011.860
  5. Cai R, Yuan Y, Zhou Y, et al. Lower intensified target LDL-c level of statin therapy results in a higher risk of incident diabetes: a meta-analysis. PLoS One 2014;9:e104922. DOI: 10.1371/journal.pone.0104922
  6. Crandall JP, Mather K, Rajpathak SN, et al. Statin use and risk of developing diabetes: results from the Diabetes Prevention Program. BMJ Open Diabetes Res Care 2017;5:e000438. DOI: 10.1136/bmjdrc-2017-000438
  7. Chevalier P. Intérêt de l’ajout de l’évolocumab (anti PCSK9) à une statine pour diminuer les évènements cardiovasculaires ? MinervaF 2017;16(9):231-5.
  8. Sabatine MS, Giugliano RP, Keech AC, et al; FOURIER Steering Committee and Investigators. Evolocumab and clinical outcomes in patients with cardiovascular disease. N Engl J Med 2017;376:1713-22. DOI: 10.1056/NEJMoa1615664
  9. de Carvalho LS, Campos AM, Sposito AC. Proprotein Convertase Subtilisin/Kexin type 9 (PCSK9) inhibitors and incident type 2 diabetes mellitus: a systematic review and meta-analysis with over 96,000 patient-years. Diabetes Care 2018;41:364-7. DOI: 10.2337/dc17-1464
  10. Catapano AL, Graham I, De Backer G, et al. 2016 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias. Eur Heart J 2016;37:2999-3058.DOI: 10.1093/eurheartj/ehw272
  11. Chevalier P. Statines et diabète : du neuf ? Minerva 2008;7(4):58-9.
  12. Cholesterol Treatment Trialists’ (CTT) Collaborators. Efficacy of cholesterol-lowering therapy in 18 686 people with diabetes in 14 randomised trials of statins: a meta-analysis. Lancet 2008;371:117-25. DOI: 10.1016/S0140-6736(08)60104-X
  13. INAMI. L’usage rationnel des médicaments en cas d’insuffisance rénale. Réunion de consensus du 27/11/2014. Conclusions - Rapport du jury – Texte long.

 

 




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