Analyse
Que penser des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 pour traiter les symptômes des voies urinaires inférieures chez l’homme présentant une hyperplasie bénigne de la prostate ?
Minerva a déjà publié plusieurs contributions sur l’utilisation de différents médicaments pour traiter les symptômes des voies urinaires inférieures en cas d’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP). Une synthèse méthodique avec méta-analyse a montré que la silodosine, par comparaison avec un placebo, mais pas par rapport à d’autres alpha1-bloquants, améliorait les symptômes cliniques de l’hypertrophie bénigne de la prostate (1,2). Une analyse post-hoc de l’étude REDUCE nous a permis de tirer comme conclusion que, chez les hommes asymptomatiques présentant une hypertrophie bénigne de la prostate, le dutastéride (un inhibiteur de la 5α-réductase) entraînait une diminution significative de la progression clinique (3,4). L’association d’un alpha1-bloquant (doxazosine) et d’un inhibiteur de la 5 alpha-réductase (finastéride) était plus efficace pour diminuer la progression clinique ou réduire la probabilité de l’apparition de certaines complications de l’hypertrophie bénigne de la prostate que chacune de ces molécules en monothérapie (5,6). Nous appuyant sur une synthèse méthodique, nous avons conclu que le Serenoa repens n’était pas efficace pour traiter les symptômes des voies urinaires inférieures en cas d’hyperplasie bénigne de la prostate, mais on ne savait pas dans quelle mesure cela valait pour tous les extraits standardisés (7,8).
Malgré le fait que différentes études observationnelles et contrôlées ont pu montrer que les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 amélioraient les symptômes des voies urinaires inférieures, on ne connaît pas encore leur effet à court terme sur la progression de la maladie et sur la prévention des effets indésirables. Une synthèse méthodique Cochrane a été menée pour répondre à cette question (9). Quatre chercheurs, indépendamment les uns des autres, ont sélectionné seize études randomisées contrôlées dans huit bases de données électroniques, notamment CENTRAL, MEDLINE et Embase. En outre, ils ont consulté les références des études randomisées contrôlées et synthèses méthodiques trouvées, ils ont recherché des études non publiées et ont également effectué cette recherche dans quatre revues d’urologie et dans les abstracts de deux congrès. Pourtant, il s’est avéré par la suite que, pour bon nombre de critères de jugement, le funnel plot était asymétrique, ce qui laisse supposer un biais de publication. La durée des études était généralement courte, à savoir 6 semaines minimum à 12 semaines maximum, ce qui est beaucoup trop court pour l’évaluation des médicaments en cas d’affection chronique. Pour aucune des études on ne connaissait le risque de biais de sélection, de performance et/ou de détection. L’âge moyen des participants variait de 69,1 ans (ET 8,4 ans) à 62,02 ans (ET 8,8 ans). Lors de l’inclusion, ils présentaient des symptômes des voies urinaires inférieures modérés à graves depuis plus de six mois. Le score IPSS (International Prostate Symptoms Score) était en moyenne de 17,5 (ET 5,5). Neuf études ont examiné l’effet du tadalafil, une, celui du sildénafil, et une, celui du vardénafil. Toutes les études ont été commanditées par l’industrie pharmaceutique, qui, en outre, a eu une grande influence sur la conception et le déroulement des études, sur l’analyse des données, sur l’interprétation des résultats et sur la publication des articles.
Par comparaison avec un placebo, l’instauration des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 a entraîné une diminution cliniquement non pertinente (10) de l’IPSS (différence moyenne de -1,89 avec IC à 95% de -2,27 à -1,50 ; N = 11 ; n = 4293 ; GRADE faible) ainsi que de l’indice d’impact de l’hyperplasie bénigne de la prostate (Benign Prostate Hyperplasia Impact Index, BPHII) (différence moyenne de -0,52 avec IC à 95% de -0,71 à -0,33 ; N = 8 ; n = 3646 ; GRADE faible), mais on a toutefois observé une augmentation des effets indésirables (RR de 1,42 avec IC à 95% de 1,21 à 1,67 ; N = 11 ; n = 4386 ; GRADE faible), tels que céphalées, rougeurs, étourdissements, syncopes, douleurs musculaires, dyspepsie, douleurs abdominales et diarrhée. Il n’y avait pas de différences statistiquement significatives entre les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 et les alpha1-bloquants sur le plan de la variation de l’IPSS (N = 4 ; n = 933 ; GRADE modéré), du BPHII (N = 2 ; n =550 ; GRADE faible) et des effets indésirables (N = 4 ; n = 786 ; GRADE faible). Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 associés aux alpha1-bloquants ont entraîné une diminution cliniquement non pertinente de l’IPSS (différence moyenne de -2,56 avec IC à 95% de -3,92 à -1,19 ; N = 4 ; n = 193 ; GRADE faible), mais ils ont aussi causé un plus grand nombre d’effets indésirables (RR de 2,81 avec IC à 95% de 1,53 à 5,17 ; N = 4 ; n = 194 ; GRADE modéré) que les alpha1-bloquants seuls. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 associés aux inhibiteurs de la 5 alpha-réductase ont entraîné une diminution cliniquement non pertinente de l’IPSS (différence moyenne de -1,40 avec IC à 95% de -2,24 à -0,56 ; N = 1 ; n = 695 ; GRADE modéré) sans différence dans les effets indésirables. Les analyses de sous-groupes n’ont pas pu montrer de différence, qu’il y ait ou non présence de dysfonction érectile et quel que soit l’inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 utilisé. Pour le tadalafil, on a observé une augmentation dose-dépendante statistiquement significative de l’effet de l’IPPSS, avec un plafond à 20 mg (p = 0,008), ainsi que de l’incidence des effets indésirables (p = 0,02).
Conclusion
Cette synthèse méthodique, correctement menée du point de vue méthodologique, d’études randomisées contrôlées avec un risque de biais le plus souvent indéterminé dans différents domaines montre que les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, à court terme (maximum 12 semaines), atténuent les symptômes de l’hyperplasie bénigne de la prostate, d’une manière cliniquement non pertinente, par rapport à un placebo, mais pas par rapport aux alpha1-bloquants.
Pour la pratique
Duodecim étant moins instructif que la NHG, nous incluons les directives NHG. Chez les patients présentant une hypertrophie bénigne de la prostate et des symptômes des voies urinaires inférieures qui ne sont pas suffisamment aidés par des conseils non médicamenteux, on peut instaurer des alpha1-bloquants (de préférence la tamsulosine ou l’alfuzosine) (11). Si l’effet est insuffisant après six semaines et que la prostate est clairement augmentée de volume à la palpation ou à l’échographie, on peut envisager les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase (finastéride et dutastéride) (12) ou une association d’alpha1-bloquants et d’inhibiteurs de la 5-alpha-réductase (11). Contrairement aux directives de la NHG, les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 sont proposés comme option thérapeutique utile dans le guide de pratique clinique de Duodecim (12). La synthèse méthodique Cochrane dont il a été question plus haut remet sérieusement en question la place de ces médicaments pour le traitement des symptômes des voies urinaires inférieures en cas d’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP).
- Elshout PJ, Tailly T. Hypertrophie bénigne de la prostate : silodosine efficace sur les symptômes des voies urinaires basses ? Minerva bref 15/07/2018.
- Jung JH, Kim J, MacDonald R, et al. Silodosin for the treatment of lower urinary tract symptoms in men with benign prostatic hyperplasia. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD012615.pub2
- Leunckens I. HBP : progression ralentie sous dutastéride ? Minerva bref 15/12/2013.
- Toren P, Margel D, Kulkarni G, et al. Effect of dutasteride on clinical progression of benign prostatic hyperplasia in asymptomatic men with enlarged prostate: a post hoc analysis of the REDUCE study. BMJ 2013;346:f2109. DOI: 10.1136/bmj.f2109
- Chevalier P. Doxazosine et finastéride pour traiter l'hypertrophie bénigne de la prostate. MinervaF 2004;3(6):90-3.
- McConnell J, Roehrborn C, Bautista O, et al. The long term effect of doxazosin, finasteride, and combination therapy on the clinical progression of benign prostatic hyperplasia. N Engl J Med 2003;349:2387-98. DOI: 10.1056/NEJMoa030656
- Laekeman G. Hypertrophie bénigne de la prostate : le Serenoa repens est-il efficace ? MinervaF 2014;13(6):69-70.
- Tacklind J, MacDonald R, Rutks I, et al. Serenoa repens for benign prostatic hyperplasia. Cochrane Database Syst Rev. 2012, Issue 12. DOI: 10.1002/14651858.CD001423.pub3
- Pattanaik S, Mavuduru RS, Panda A, et al. Phosphodiesterase inhibitors for lower urinary tract symptoms consistent with benign prostatic hyperplasia. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD010060.pub2
- Barry MJ, Williford WO, Chang Y, et al. Benign prostatic hyperplasia specific health status measures in clinical research: how much change in the American Urological Association symptom index and the benign prostatic hyperplasia impact index is perceptible to patients? J Urol 1995;154:1770-4. DOI: 10.1016/s0022-5347(01)66780-6
- Blanker MH, Breed SA, van der Heide WK, et al. NHG-Standaard Mictieklachten bij mannen. Huisarts Wet 2013:56:114-22.
- Hyperplasie bénigne de la prostate. Ebpracticenet. Dernière mise à jour: 23/05/2017. Dernière révision contextuelle: 16/02/2018 (site consulté le 25/11/2019).
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