Analyse
Chez les patients atteints de diabète de type 2 qui présentent un risque cardiovasculaire accru, y a-t-il une différence entre le linagliptine et le glimépiride quant à l’incidence des événements cardiovasculaires ?
Des recommandations récentes préconisent, lors du choix d’un deuxième antidiabétique oral après l’instauration de la metformine chez des patients atteints de diabète de type 2, de tenir compte du profil de risque cardiovasculaire et, dans un premier temps, d’opter pour des médicaments ayant un effet avéré sur ce risque (1). Minerva a traité d’une méta-analyse qui montrait que, sur le plan cardiovasculaire, les inhibiteurs de la DPP-4 en monothérapie ne présentaient pas plus de danger que les autres antidiabétiques oraux. Cependant, il n’a pas pu être montré que les inhibiteurs de la DPP-4 auraient un effet protecteur contre les événements cardiovasculaires (2,3). Une synthèse méthodique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique, plus récente, qui a également fait l’objet d’une discussion dans Minerva, a montré que l’utilisation de gliflozines (inhibiteurs du SGLT-2) et d’analogues du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) (incrétinomimétiques) est associée à une diminution de la mortalité globale par comparaison avec l’utilisation de gliptines (inhibiteurs de la DPP-4) ou d’un placebo ou avec l’absence de traitement (4,5).
Une étude de non-infériorité randomisée, contrôlée, en double aveugle, multicentrique, a établi une comparaison entre la linagliptine à la dose de 5 mg et le glimépiride à la dose de 1 à 4 mg chez 6042 patients atteints de diabète de type 2 dont l’HbA1c se situait entre 6,5% et 8,5% et qui présentaient un risque accru de maladie cardiovasculaire (6). Le « risque cardiovasculaire accru » a été défini comme la preuve d’une maladie cardiovasculaire athéroscléreuse (cardiopathie ischémique, maladie cérébrovasculaire, artériopathie périphérique), des complications microvasculaires, au moins deux facteurs de risque cardiovasculaire ou un âge supérieur ou égal à 70 ans. La durée médiane du diabète de type 2 de la population étudiée était de 6,2 ans (écart interquartile de 3 à 11 ans). 83% des patients prenaient déjà de la metformine, et 29% une sulfonylurée. La prise de sulfamidés hypoglycémiants, comme celle de glinides et des inhibiteurs de l’alpha-glucosidase, devait être arrêtée avant l’inclusion dans l’étude. Les patients qui avaient déjà pris des inhibiteurs de la DPP-4, des analogues du GLP ou des glitazones étaient exclus, de même que les patients atteints d’insuffisance cardiaque de classe III à IV selon la classification de la NYHA. La randomisation a été effectuée par ordinateur ; la stratification a été réalisée en fonction du centre participant. Les caractéristiques de base ont été réparties de manière équilibrée entre les deux groupes de l’étude. Un double placebo a été utilisé pour la titration du glimépiride toutes les 4 semaines, de 1 mg à 4 mg, pendant les 16 premières semaines, avec comme valeur cible d’HbA1c ≤ 6,1 mmol/l (sauf si le risque d’hypoglycémie était trop élevé). Finalement, un participant sur deux recevait la dose de 4 mg de glimépiride après 16 semaines. L’évaluation de l’effet a été effectuée en aveugle. Le taux de sorties d’étude était seulement de 4%. 38% des participants ont arrêté les médicaments prématurément, sans différence entre les deux groupes de l’étude. L’analyse a été effectuée en intention de traiter.
Après un suivi médian de 6,3 ans (écart interquartile de 5,9 à 6,6 ans), il n’y a eu, pour le critère de jugement primaire composite, combinant la mortalité cardiovasculaire, l’infarctus myocardique non fatal et l’accident vasculaire cérébral (AVC) non fatal, aucune différence statistiquement significative entre le groupe linagliptine (2,1 événements par 100 personnes-années) et le groupe glimépiride (2,1 événements par 100 personnes-années), ce qui revient à un rapport de hasards de 0,98 (avec IC à 95% de 0,84 à 1,14 ; p < 0,001 pour la non-infériorité et p = 0,76 pour la supériorité). Avec le linagliptine, on a toutefois observé, par comparaison avec le glimépiride, moins d’événements d’hypoglycémie, et ce de manière statistiquement significative (2,3 par 100 personnes-années contre 11,1 ; HR de 0,23 avec IC à 95% de 0,21 à 0,26), et un effet plus favorable sur le poids corporel (en moyenne -1,54 kg (avec IC à 95% de -1,80 à -1,28 kg). On n’a pas pu montrer de différence entre les deux groupes quant à l’HbA1c.
Cette étude confirme la relative sécurité d’emploi des inhibiteurs de la DPP-4 sur le plan cardiovasculaire (5,7,8). « Relative », d’une part, parce que la protection cardiovasculaire par les inhibiteurs de la DPP-4 n’a pas encore été démontrée, contrairement aux agonistes du GLP-1 et aux inhibiteurs du SGLT-2 (4,5), et, d’autre part, parce que les sulfonylurées, tant dans les études randomisées contrôlées que dans les études observationnelles, ne sont pas les médicaments qui semblent présenter le moins de danger (9,10), et certainement lorsqu’on les compare à la metformine (11-13). En raison de l’incidence réduite des hypoglycémies et de la prise de poids, les inhibiteurs de la DPP-4, après instauration de la metformine et après ajout des agonistes du GLP-1 et des inhibiteurs du SGLT-2, seraient préférables aux sulfonylurées. Il est à noter qu’au moins la moitié des patients du groupe glimépiride prenaient la dose maximale de 4 mg. Le risque d’hypoglycémie et de prise de poids avec les sulfonylurées pourrait éventuellement être réduit en individualisant les valeurs cibles d’Hba1c et en ajustant les doses en fonction de la taille des repas et de l’activité physique. Les sulfonylurées ont également le grand avantage d’être de loin les agents les moins chers avec un effet bénéfique prouvé sur les complications microvasculaires (14).
Que disent les guides de pratique clinique ?
Le GPC de Domus Medica recommande d’ajouter un deuxième antidiabétique oral (sulfonylurée/glinide, inhibiteur de la DPP-4, glitazone ou inhibiteur du SGLT2) si, chez un patient atteint de diabète de type 2 sous metformine en monothérapie, les valeurs cibles individuelles ne sont pas atteintes après trois mois (GRADE 1C) (15). Dans la pratique, le choix d’un médicament doit tenir compte non seulement des données probantes disponibles concernant l’effet bénéfique, mais aussi du profil de sécurité et des effets indésirables ainsi que du profil du patient (comorbidité, considérations financières, surcharge pondérale ou obésité) (GRADE 1C) (15). Lorsque l’on considère la sécurité cardiovasculaire comme le critère le plus important dans le choix d’un médicament antidiabétique, les agonistes du GLP-1 et les inhibiteurs du SGLT-2 semblent être le traitement de premier choix après la metformine. L’étude discutée ici montre qu’actuellement, la sécurité cardiovasculaire ne peut pas être utilisée comme critère de sélection entre un inhibiteur de la DPP4 et une sulfonylurée.
Conclusion
Cette étude de non-infériorité randomisée, contrôlée, en double aveugle, multicentrique, correctement menée d’un point de vue méthodologique, montre que le traitement par linagliptine (un inhibiteur de la DPP4) à la dose habituelle n’est pas inférieur, en termes de sécurité cardiovasculaire, à une dose élevée de glimépiride (une sulfonylurée) chez les patients atteints de diabète de type 2 à un stade relativement précoce qui présentent un risque cardiovasculaire accru.
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Auteurs
Goderis G.
Academisch Centrum voor Huisartsgeneeskunde, KU Leuven
COI :
Glossaire
étude de non-inférioritéCode
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