Revue d'Evidence-Based Medicine



Pas de changement à apporter aux recommandations sur un traitement au long cours par macrolide pour l’asthme symptomatique malgré une thérapie inhalée de maintenance adéquate



Minerva 2022 Volume 21 Numéro 7 Page 163 - 166

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien

Analyse de
Undela K, Goldsmith L, Kew KM, Ferrara G. Macrolides versus placebo for chronic asthma. Cochrane Database Syst Rev 2021, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD002997.pub5


Question clinique
Quels sont les effets des macrolides par rapport au placebo pour le traitement de l'asthme symptomatique malgré une thérapie inhalée de maintenance adéquate ?


Conclusion
Cette revue systématique conclut que les preuves existantes dans l'asthme sévère suggèrent un effet des macrolides par rapport au placebo sur le taux d'exacerbations nécessitant une hospitalisation. Ils réduisent probablement les exacerbations sévères et peuvent réduire les symptômes. Cependant, elle ne permet pas d’exclure la possibilité d'autres avantages ou inconvénients car les preuves sont de très faible qualité en raison de l'hétérogénéité des patients et des interventions, de l'imprécision et des biais de notification. Les résultats ont été principalement tirés par un essai bien conçu et de bonne puissance. Les dernières conclusions de Minerva, publiée en 2018 sur base de cette dernière étude, ne doivent donc pas changer : « le clinicien devrait réserver ce type de traitement - après avoir épuisé les autres alternatives - aux patients asthmatiques symptomatiques - malgré l’utilisation de CSI + LABA et pour lesquels un essai par tiotropium n’a pas été concluant ».


Contexte

Sur base de la littérature alors disponible, en 2017, le jury de la conférence de consensus de l’INAMI sur l’usage rationnel des médicaments dans le traitement de fond de la BPCO et l’asthme de l’adulte n’a pas recommandé l’usage des macrolides sur le long terme dans le traitement de l’asthme (1). Vu que l’usage chronique des antibiotiques favorise le développement de la résistance des bactéries et que l’asthme est une pathologie très prévalente, il a recommandé d’adopter un usage restrictif de l’azithromycine chez les patients asthmatiques. En 2018, Minerva a analysé une étude randomisée, dite AMAZES, évaluant l’efficacité de l’azithromycine sur les exacerbations et la qualité de vie en cas d’asthme symptomatique (2,3). Dans cette étude d’une durée d’un an, l’addition d’azithromycine à raison de 500 mg 3x/semaine a réduit le nombre d’exacerbations des patients asthmatiques symptomatiques déjà traités par une thérapie inhalée de maintenance à base de corticostéroïdes et de bêta2-mimétiques à longue durée d’action. La collaboration Cochrane a réalisé une revue systématique sur cette indication potentielle des macrolides en se centrant sur les études randomisées (4).

 

Résumé

Revue systématique des essais cliniques randomisés

 

Sources consultées

  • Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL), MEDLINE (OvidSP), Embase (OvidSP), PsycINFO (OvidSP), CINAHL (EBSCO), AMED (EBSCO) (Allied and Complementary Medicine), recherche manuelle dans les actes des principales conférences des maladies respiratoires, Trials Register (Cochrane Airways Trials Register, US National Institutes of Health Ongoing Trials Register ClinicalTrials.gov, World Health Organization International Clinical Trials Registry Platform).

 

Etudes sélectionnées

  • essais contrôlés randomisés parallèles et croisés testant, comme traitement de l’asthme chronique, chez l’adulte et chez l’enfant, des macrolides, administrés pendant quatre semaines ou plus par rapport à un placebo.

 

Population étudiée

  • 25 essais éligibles comprenant 1973 patients au total, 4 concernaient des populations pédiatriques et les autres des adultes (âge moyen 21 à 61 ans).

 

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires :
    • exacerbations nécessitant une hospitalisation
    • exacerbations sévères (définies comme nécessitant une visite urgente au service des urgences ou un traitement de courte durée par corticostéroïdes systémiques, ou tous les deux)
    • symptômes de l'asthme, contrôle et scores de qualité de vie
    • besoins supplémentaires en médicaments pour l'asthme
    • fonction pulmonaire, y compris le débit expiratoire de pointe (DEP) du matin et du soir et le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS)
    • hyperréactivité bronchique non spécifique (histamine ou méthacholine).
    • dose de corticoïdes oraux la plus faible tolérée (chez les personnes nécessitant des corticoïdes oraux au départ)
  • critères de jugement secondaires :
    • nombre et type d'événements indésirables graves (y compris la mortalité)
    • nombre d'abandon d'études
    • nombre d'éosinophiles dans les échantillons de sang périphérique, les échantillons d'expectoration ou les deux
    • mesures des protéines cationiques éosinophiles (ECP) dans le sérum et les expectorations.

 

Résultats

  • tous les résultats sont rapportés par rapport au placebo
  • critères de jugement primaires :
    • exacerbations nécessitant une hospitalisation (2 études, 529 patients) : OR de 0,47 avec IC à 95% de 0,20 à 1,12, I² = 0% 
    • exacerbations sévères : (4 études, 640 patients) : RaR de 0,65 avec IC à 95% de 0,53 à 0,80 ; I² = 37% 
    • symptômes de l'asthme, contrôle et scores de qualité de vie :
      • symptômes (4 études, 156 patients) : différence moyenne standardisée (DMS) de -0,46 avec IC à 95% de -0,81 à -0,11 ; I² = 70% 
      • contrôle de l’asthme (5 études, 773 patients) : DMS de -0,17 avec IC à 95% de -0,31 à -0,03 ; I² = 35% 
      • qualité de vie (score AQLQ) (6 études, 802 patients) : différence moyenne (DM) de 0,24 avec IC à 95% de 0,12 à 0,35 ; I² = 55%
    • besoins supplémentaires en médicaments (4 études, 314 patients) : DM de -0,43 puffs par jour avec IC à 95% de -0,81 à -0,04 ; I² = 0% 
    • fonction pulmonaire :
      • DEP du matin (4 études 289 patients) : DM de 1,60 l/minute avec IC à 95% de -10,35 à 13,56 ; I² = 0%
      • DEP du soir (3 études, 212 patients) : DM de 1,00 l/minute avec IC à 95% de -13,65 à 15,65 ; I² = 0%
      • VEMS (10 études, 1046 patients) : DM de 0,04 l/minute avec IC à 95% de 0 à 0,008 ; I² = 66%
    • hyperréactivité bronchique non spécifique (9 études) : non méta-analysable
    • dose de corticoïdes oraux la plus faible tolérée (2 études) : non méta-analysable
  • critères de jugement secondaires
    • nombre et type d'événements indésirables graves (8 études, 854 patients : OR de Peto de 0,80 avec IC à 95% de 0,49 à 1,31 ; I² = 41% ; pas de décès rapporté
    • nombre d'abandon d'études (10 études, 984 patients): OR de 1,06 avec IC à 95% de 0,76 à 1,48 ; I² = 0%
    • nombre d'éosinophiles dans les échantillons : non méta-analysé en raison de l’hétérogénéité.
    • mesures des ECP (2 études, 62 patients)
      • sérum : DM de -12,07 avec IC à 95% de -14,90 à -9,24 ; I² = 0%
      • expectorations : DM de -1,3 avec IC à 95% de -1,69 à -1,01 ; I² = 0%.

 

Conclusion des auteurs

Les preuves existantes suggèrent un effet des macrolides par rapport au placebo sur le taux d'exacerbations nécessitant une hospitalisation. Les macrolides réduisent probablement les exacerbations sévères (nécessitant une visite urgente et/ou un traitement avec des stéroïdes systémiques) et peuvent réduire les symptômes. Cependant, on ne peut pas exclure la possibilité d'autres avantages ou inconvénients car les preuves sont de très faible qualité en raison de l'hétérogénéité entre les patients et les interventions, l'imprécision et les biais de notification. Les résultats ont été principalement tirés d’un essai randomisé bien conçu avec un bon effectif de malades, indiquant que l'azithromycine peut réduire le taux d'exacerbation et améliorer les scores des symptômes dans l'asthme sévère.

 

Conflits d’intérêt des auteurs

Un des auteurs rapporte des liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique.

 

Discussion

Considerations sur la méthodologie

La revue systématique a été faite selon les règles du manuel de la Collaboration Cochrane (Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Interventions). La recherche des études a été faite dans toutes les langues dont le chinois. Le niveau de preuve a été évalué par l’approche GRADE. Les risques de biais ont été déterminés pour 7 domaines : la génération de séquences aléatoires pour la randomisation, la dissimulation de l'attribution du traitement, le caractère aveugle des participants et du personnel, la mise en aveugle de l'évaluation des résultats, les données incomplètes sur les résultats, les rapports sélectifs sur les résultats, autres biais. Les auteurs ont noté une incertitude considérable dans la manière dont la plupart des études étaient décrites et dans quelle mesure elles rapportaient les données tant pour les domaines du biais de sélection, de la mise en aveugle de l'évaluation des résultats, du biais d'attrition, de la communication incomplète et sélective des résultats. Les auteurs ont noté également pour les méta-analyses souvent de l’hétérogénéité recherchée par le test I². Si la statistique était > 30%, ils ont réalisé des analyses de sensibilité en recourant à des modèles à effet aléatoire. Des méta-analyses n’ont été réalisées que si, tenant compte du nombre de patients et d’événements, elles étaient sensées valables. Si les résultats ne sont pas de bonne qualité en raison d’études de petite taille, d’objectifs très variables, de méthodologie de randomisation non uniforme (22 parallèles et 3 croisées), de différents macrolides testés et d’inclusion de types d’asthme différents, la méthodologie de la revue est excellente.

 

Évaluation des résultats 

La méta-analyse avec des données probantes de certitude modérée suggère, sans atteindre la signification statistique, que les macrolides offrent probablement une réduction modérée des exacerbations nécessitant des hospitalisations. Ce résultat est basé sur 2 études dont la seule de grande taille sur les 25, étude dite AMAZES, avait fait l’objet de l’analyse antérieure de Minerva (2,3). Notons que cette étude est à haut risque de biais d’attrition selon la revue Cochrane. Les macrolides réduisent également probablement les exacerbations nécessitant des visites aux urgences et/ou un traitement avec des stéroïdes systémiques (données probantes de certitude modérée), les symptômes (données probantes de très faible certitude), peuvent entraîner une légère amélioration de la qualité de vie (données probantes de très faible certitude), peuvent avoir un petit effet sur la réduction du besoin de médicaments de secours (données probantes de faible certitude) et peuvent augmenter le VEMS, mais à un niveau imperceptible par les patients (données probantes de faible certitude). Il n'y avait aucune preuve d'une différence dans les événements indésirables graves mais la notification d'effets indésirables spécifiques était trop incohérente d'une étude à l'autre pour une méta-analyse significative.

Ces résultats ne sont donc guère probants pour influencer notre pratique. Ils soulèvent toute la problématique des essais réalisés dans un domaine où la qualité doit être considérablement augmentée si on veut améliorer nos connaissances. Il faut noter que la revue ne peut apporter, faute de données, une réponse au risque d’induction de résistance aux antibiotiques par un usage large de macrolides dans une pathologie aussi fréquente.

 

Que disent les guides de pratique clinique?

La réunion de consensus de l’INAMI tenue en 2017 (1) ne recommande pas l’usage des macrolides sur le long terme. La British Thoracic Society recommande leur prescription sur base de l’étude AMAZES : le traitement par macrolides oraux peut être envisagé pour réduire la fréquence des exacerbations chez les adultes (50 à 70 ans), avec des symptômes persistants malgré une adhésion > 80 % aux stéroïdes inhalés à forte dose (> 800 μg/jour) et avec au moins une exacerbation nécessitant des stéroïdes oraux dans le l'année précédente. L'azithromycine doit être donnée pendant au moins 6 à 12 mois pour évaluer l’effet sur la réduction des exacerbations. La Société de Pneumologie de Langue Française dans la mise à jour de ses recommandations en 2021 n’aborde pas spécifiquement le sujet (5). La Global Initiative for Asthma (GINA) en 2022 propose des doses modérées d’azithromycine pour des asthmes sévères (6).

 

Conclusion de Minerva

Cette revue systématique conclut que les preuves existantes dans l'asthme sévère suggèrent un effet des macrolides par rapport au placebo sur le taux d'exacerbations nécessitant une hospitalisation. Ils réduisent probablement les exacerbations sévères et peuvent réduire les symptômes. Cependant, elle ne permet pas d’exclure la possibilité d'autres avantages ou inconvénients car les preuves sont de très faible qualité en raison de l'hétérogénéité des patients et des interventions, de l'imprécision et des biais de notification. Les résultats ont été principalement tirés par un essai bien conçu et de bonne puissance. Les dernières conclusions de Minerva, publiée en 2018 sur base de cette dernière étude, ne doivent donc pas changer : « le clinicien devrait réserver ce type de traitement - après avoir épuisé les autres alternatives - aux patients asthmatiques symptomatiques - malgré l’utilisation de CSI + LABA et pour lesquels un essai par tiotropium n’a pas été concluant ».

 

 

Références 

  1. INAMI. L’usage rationnel des médicaments dans le traitement de fond de la BPCO et l’asthme de l’adulte. Réunion de consensus du 11 mai 2017. Rapport du jury. Texte complet (version longue). Disponible sur: https://www.inami.fgov.be/SiteCollectionDocuments/consensus_texte_long_20170511.pdf
  2. Van Meerhaeghe A. Efficacité de l’azithromycine sur les exacerbations et la qualité de vie en cas d’asthme symptomatique malgré une thérapie inhalée de maintenance à base de corticostéroïdes et de bêta2-mimétiques à longue durée d’action (CSI+LABA) ? Minerva Analyse 15/11/2018.
  3. Gibson PG, Yang IA, Uham JW, et al. Effect of azithromycin on asthma exacerbations and quality of life in adults with persistent uncontrolled asthma (AMAZES): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2017;390:659-68. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)31281-3
  4. Undela K, Goldsmith L, Kew KM, Ferrara G. Macrolides versus placebo for chronic asthma. Cochrane Database Syst Rev 2021, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD002997.pub5
  5. Raherison-Semjen C, Guilleminault L, Billiart I, et al. Mise à jour des recommandations 2021 pour la prise en charge et le suivi des patients adultes asthmatiques sous l’égide de la Société française de pneumologie ((SPLF) et de la Société pédiatrique de pneumologie et d’allergologie (SP2A). Version longue. Rev Mal Respir 2021;38:1048-83.
  6. Reddel HK, FitzGerald JM, Bateman ED, et al. GINA 2019: a fundamental change in asthma management: treatment of asthma with short-acting bronchodilators alone is no longer recommended for adults and adolescents. Eur Respir J 2019;53:1901046. Disponible sur: http://erj.ersjournals.com/lookup/doi/10.1183/13993003.01046-2019

 




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