Revue d'Evidence-Based Medicine



Quelle est l’utilité des interventions non médicamenteuses pour les patients atteints d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite ?



Minerva 2025 Volume 24 Numéro 6 Page 134 - 139

Professions de santé

Diététicien, Kinésithérapeute, Médecin généraliste

Analyse de
Li Y, He W, Jiang J, et al. Non-pharmacological interventions in patients with heart failure with reduced ejection fraction: a systematic review and network meta-analysis. Arch Phys Med Rehabil 2024;105:963-74. DOI: 10.1016/j.apmr.2023.07.004


Question clinique
Quel est l’effet des interventions non médicamenteuses, par comparaison avec la prise en charge habituelle, sur la capacité à l’effort, sur la capacité fonctionnelle et sur la fraction d’éjection du ventricule gauche chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse en réseau montre que l’entraînement d’endurance et fractionné d’intensité élevée chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite apporte des améliorations significatives sur le plan du pic de VO2, du test de marche de six minutes et de la qualité de vie. L’entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée était l’intervention la plus efficace pour la FEVG et pour le test de marche de 6 minutes. L’analyse fait preuve d’une solide qualité sur le plan méthodologique, mais les études sous-jacentes présentent une importante hétérogénéité clinique en termes d’interventions et de populations. De ce fait, même si cette méta-analyse fournit des informations précieuses sur les interventions non médicamenteuses dans l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite, il convient d’être prudent lors de l’extrapolation à la pratique clinique générale. Même si les recommandations actuelles sont confirmées, d’autres études bien menées avec des rapports détaillés sont nécessaires pour étayer davantage la possibilité d’une application en clinique.


Contexte

Plusieurs interventions non médicamenteuses sont disponibles pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque : exercices aérobie et entraînement en force (1-11), thérapie de relaxation, entraînement des muscles respiratoires (12,13), exercices d’équilibre (14), éducation et conseils nutritionnels (14-16). Les résultats d’une synthèse méthodique Cochrane qui a fait l’objet d’une discussion dans Minerva ont montré que la revalidation cardiaque entraînait une amélioration clinique de la qualité de vie liée à la santé et une diminution du risque d’hospitalisation chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque (1,2). Une étude randomisée contrôlée (RCT), qui a également fait l’objet d’une discussion dans Minerva, n’a pas trouvé, chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée, de différence cliniquement pertinente entre, d’une part, l’entraînement fractionné intensif avec entraînement continu modéré et, d’autre part, l’activité physique habituelle (3,4). Une méta-analyse a montré que l’entraînement fractionné était plus efficace pour la fraction d’éjection du ventricule gauche et pour la pression télédiastolique du ventricule gauche (7). De plus, l’entraînement en force ajouté à l’entraînement d’endurance améliorerait encore la qualité de vie et la fonction musculaire (9,10). En outre, des effets positifs sur les symptômes de dépression ont été signalés avec différentes formes d’exercice (10,11). L’entraînement des muscles respiratoires semble également utile pour les patients dont la force des muscles respiratoires est diminuée ou qui souffrent d’une déficience ventilatoire (12,13). L’interprétation des résultats est cependant rendue difficile en raison de la grande variété des modalités d’entraînement, telles que la fréquence, l’intensité, le type et la durée (principes FITT) (17,18,19,20) et en raison de la diversité des résultats des mesures (9,17,21). En outre, le niveau de preuve est limité dans plusieurs études (5,6,12,17), ce qui montre l’importance de poursuivre la recherche (14).

 

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse en réseau.

 

Sources consultées

  • PubMed, Embase, le registre central Cochrane des essais contrôlés ; jusqu’au 22 avril 2023
  • listes de références des études incluses.

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : RCT examinant l’effet d’interventions non médicamenteuses d’une durée d’au moins 4 semaines, par rapport aux soins habituels (tels que la liste d’attente, les patients poursuivant leur traitement initial pendant l’étude) et par rapport à d’autres traitements non médicamenteux et incluant des patients âgés de plus de 18 ans ayant un diagnostic confirmé d’insuffisance cardiaque stable avec fraction d’éjection réduite ≤ 40%
  • finalement, inclusion de 82 RCTs examinant l’effet d’interventions non médicamenteuses : entraînement aérobie continu d’intensité faible, modérée, élevée, faible à modérée ou modérée à élevée ; entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée ; entraînement en résistance d’intensité modérée ou d’intensité élevée, entraînement en force des muscles inspiratoires (inspirer contre résistance) ; yoga ; hydrothérapie (exercices aérobie d’intensité faible à élevée en piscine chauffée), électrostimulation fonctionnelle (ESF), ventilation non invasive (respiration assistée par ventilateur ou masque et ballon) ; éducation à la santé (au moyen de brochures, d’exposés, de formation continue), thérapie cognitivo-comportementale, avis pour la limitation de la consommation de sel et/ou la restriction hydrique ; dans 15 études, il s’agissait d’une intervention unique, et, dans 11 études, 2 ou 3 interventions étaient combinées ; les interventions avaient généralement lieu deux fois par semaine.
         

Population étudiée

  • inclusion de patients âgés de plus de 18 ans ayant un diagnostic confirmé d’insuffisance cardiaque stable avec fraction d’éjection réduite ≤ 40%
  • exclusion des patients présentant une insuffisance cardiaque de classe NYHA IV ou des signes vitaux instables, une maladie pulmonaire, rénale ou hépatique primitive grave et les patients présentant une mobilité limitée
  • finalement, inclusion de 4 574 personnes (15 à 850 par étude) ; l’âge médian était en moyenne de 59,7 ans, et le BMI de 27,5 kg/m² ; il y avait en moyenne 18% de femmes ; le suivi médian était de 12 semaines

 

Mesure des résultats 

  • principaux critères de jugement : capacité à l’effort (augmentation du pic de VO2), capacité fonctionnelle à l’effort (augmentation du test de marche de 6 minutes (six-minute walk test, 6MWT)), fonction cardiaque systolique (augmentation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche)
  • critères de jugement secondaires : qualité de vie (mesurée au moyen du Questionnaire MLHFQ (Minnesota Living With Heart Failure Questionnaire), fréquence cardiaque au repos, peptide natriurétique NT-proBNP.
  • méta-analyse à effets aléatoires avec comparaisons directes 
  • méta-analyse en réseau à effets aléatoires 
  • résultats exprimés en différence moyenne pondérée (DMP) avec IC à 95%.
     

Résultats

  • résultats des principaux critères de jugement : 
    • pour le pic de VO2 :
      • le pic de VO2 était plus élevé, et ce de manière statistiquement significative, avec 11 des 16 interventions (dont 3 combinées), par comparaison avec la prise en charge habituelle (53 études avec N = 1 à N = 14 en fonction de la comparaison directe) 
      • données probantes de certitude élevée pour l’effet positif de l’entraînement aérobie continu d’intensité élevée, de l’entraînement aérobie continu d’intensité modérée et élevée et de l’entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée (voir tableau)
      • données probantes de certitude modérée pour l’effet positif de l’entraînement aérobie continu d’intensité modérée et de l’entraînement en force des muscles inspiratoires (voir tableau)
      • données probantes de faible certitude pour l’effet positif de l’entraînement en résistance d’intensité modérée et de l’électrostimulation fonctionnelle (ESF) (voir tableau)
      • données probantes de très faible certitude pour l’effet positif de l’entraînement aérobie continu de faible intensité, de l’entraînement en résistance d’intensité élevée et du yoga (voir tableau)
      • pas d’effet statistiquement significatif de l’éducation à la santé (données probantes de certitude modérée) ni de l’entraînement aérobie continu d’intensité faible à modérée ni de l’hydrothérapie (données probantes de très faible qualité) (voir tableau)
      • avec six des sept combinaisons, il y avait une augmentation statistiquement significative du pic de VO2 par comparaison avec la prise en charge habituelle (données probantes de qualité variable, très faible, faible à modérée)
    • pour le test de marche de 6 minutes (6MWT) :
      • distance plus longue, et ce de manière statistiquement significative, avec 2 des 10 interventions (dont 2 combinées), par comparaison avec la prise en charge habituelle (19 études avec N = 1 à N = 3 en fonction de la comparaison directe) 
      • données probantes de certitude modérée pour l’effet de l’entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée, de l’entraînement aérobie continu d’intensité élevée (voir tableau)
      • pas d’effet statistiquement significatif de l’entraînement aérobie continu d’intensité modérée (données probantes de certitude élevée), de l’éducation à la santé et de l’ESF (données probantes de certitude modérée), de l’hydrothérapie (données probantes de faible qualité), de l’entraînement en résistance d’intensité modérée et de la limitation de la consommation de sel (données probantes de très faible qualité) (voir tableau)
      • avec deux des six combinaisons, il n’y avait pas d’augmentation statistiquement significative du test de marche de 6 minutes, par comparaison avec la prise en charge habituelle (données probantes de qualité variable, très faible, faible à modérée)
    • pour la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) 
      • amélioration plus importante de la FEVG, et ce de manière statistiquement significative, avec 5 des 13 interventions (dont 2 combinées), par comparaison avec la prise en charge habituelle (30 études avec N = 1 à N = 6 en fonction de la comparaison directe)
      • données probantes de certitude élevée pour l’entraînement aérobie continu d’intensité élevée (voir tableau)
      • données probantes de certitude modérée pour l’entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée (voir tableau)
      • données probantes de très faible certitude pour le yoga et pour l’entraînement en résistance d’intensité modérée (voir tableau)
      • pas d’effet statistiquement significatif de l’entraînement aérobie continu d’intensité modérée à élevée, de l’entraînement aérobie continu d’intensité modérée et de l’entraînement en force des muscles inspiratoires (données probantes de certitude modérée), de l’entraînement aérobie continu de faible intensité (données probantes de faible certitude), de l’entraînement en résistance d’intensité élevée, de l’ESF et de la ventilation non invasive (données probantes de très faible qualité) (voir tableau)
      • avec une des cinq combinaisons, il n’y avait pas d’augmentation statistiquement significative de la FEVG, par comparaison avec la prise en charge habituelle (données probantes de qualité variable, très faible à modérée)
  • résultats des critères de jugement secondaires :
    • qualité de vie (échelle de 0 à 105 ; plus le score est élevé, moins bonne est la qualité de vie)
      • amélioration plus importante de la qualité de vie, et ce de manière statistiquement significative, avec 5 des 10 interventions (dont 2 combinées), par comparaison avec la prise en charge habituelle (25 études avec N = 1 à N = 4 en fonction de la comparaison directe)
      • amélioration statistiquement significative avec l’entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée (-11,96 avec IC à 95% de -17,51 à -6,35 ; données probantes de certitude élevée), avec l’entraînement aérobie continu d’intensité modérée (-8,53 avec IC à 95% de -14,20 à -3,11 ; données probantes de certitude modérée) et avec l’entraînement aérobie continu d’intensité élevée (-17,26 avec IC à 95% de -22,81 à -11,54 ; données probantes de certitude modérée), avec l’entraînement en force des muscles inspiratoires (-18,92 avec IC à 95% de -29,99 à -7,80 ; données probantes de faible certitude) et avec l’ESF (-7,99 ; avec IC à 95% de -14,18 à -1,65 ; données probantes de certitude modérée)
      • avec quatre des cinq combinaisons, il y avait une amélioration statistiquement significative de la qualité de vie, par comparaison avec la prise en charge habituelle (données probantes de qualité variable, très faible à modérée)
    • fréquence cardiaque au repos (battements par minute)
      • fréquence cardiaque au repos plus lente, et ce de manière statistiquement significative, avec 5 des 12 interventions (dont 4 combinées), par comparaison avec la prise en charge habituelle (24 études avec N = 1 à N = 6 en fonction de la comparaison directe)
      • amélioration statistiquement significative avec l’entraînement aérobie continu d’intensité élevée (-8,20 avec IC à 95% de -13,32 à -3,05 ; données probantes de certitude modérée) et avec le yoga (-10,58 avec IC à 95% de -16,80 à -4,33 ; données probantes de très faible certitude)
      • avec aucune des sept combinaisons il n’y avait de diminution statistiquement significative de la fréquence cardiaque au repos, par comparaison avec la prise en charge habituelle (données probantes de qualité variable, très faible à modérée)
    • NT-proBNP (taux sanguin)
      • taux de NT-proBNP plus bas, et ce de manière statistiquement significative, avec deux des cinq interventions (dont une combinée), par comparaison avec la prise en charge habituelle (9 études avec N = 1 à N = 5 en fonction de la comparaison directe)
      • amélioration statistiquement significative avec l’entraînement aérobie continu d’intensité élevée (-600,96 avec IC à 95% de -902,93 à -404,52 ; données probantes de certitude modérée) et avec le yoga (-1 797,38 avec IC à 95% de -2 560,56 à -1 047,00 ; données probantes de faible certitude) 
      • pas de diminution du taux de NT-proBNP avec l’unique combinaison (données probantes de très faible certitude).

 

 

Tableau. Augmentation moyenne pondérée du pic de VO2, du test de marche de 6 minutes et de la FEVG avec des interventions uniques, par comparaison avec la prise en charge habituelle, sur la base de la méta-analyse en réseau.

Intervention

Augmentation du pic de VO (ml/kg/min) (IC à 95% )

Augmentation du 6MWT (m)

Augmentation de la FEVG (%)

entraînement aérobie continu de faible intensité

2,90 (de 0,75 à 5,05)

 

 

entraînement aérobie continu d’intensité modérée

2,12 (de 1,44 à 2,80)

 

NS

entraînement aérobie continu d’intensité élevée

3,48 (de 2,84 à 4,12)

49,77 (de 19,75 à 86,25)

2,83 (de 1,40 à 4,09)

entraînement aérobie continu d’intensité faible à modérée

NS

 

 

entraînement aérobie continu d’intensité modérée à élevée

3,21 (de 1,81 à 4,61)

NS

NS

entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée

3,14 (de 2,23 à 4,02)

68,55 (de 36,41 à 110,47)

6,28 (de 3,88 à 8,77)

entraînement en résistance d’intensité modérée

2,84 (de 0,64 à 4,99)

NS

7,18 (de 4,48 à 11,25)

entraînement en résistance d’intensité élevée

3,70 (de 0,94 à 6,51)

 

NS

entraînement en force des muscles inspiratoires

2,63 (de 1,57 à 3,69)

 

NS

yoga

3,89 (de 1,44 à 6,38)

 

7,86 (de 4,48 à 11,25)

hydrothérapie

NS

NS

 

ESF

1,70 (de 0,35 à 3,06)

NS

NS

ventilation non invasive

 

 

NS

éducation à la santé

NS

NS

 

limitation de la consommation de sel

 

NS

 

  Légende : vert : certitude élevée des preuves ; jaune : certitude modérée des preuves ; rouge : faible certitude des preuves.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que tant l’entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée que l’entraînement aérobie continu d’intensité élevée étaient les interventions non médicamenteuses les plus efficaces dans l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite. L’entraînement aérobie continu d’intensité modérée en combinaison avec l’entraînement en résistance d’intensité modérée apportait une amélioration du pic de VO2, du test de marche de 6 minutes et de la qualité de vie. 

 

Financement de l’étude

Fondation nationale des sciences naturelles de Chine ; Fondation des sciences naturelles de la Province de Gansu ; Programme de planification de philosophie et sciences sociales de Lanzhou.

 

Conflits d’intérêt des auteurs

Pas de conflits d’intérêt.

 

 

Discussion

 

Évaluation de la méthodologie

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse en réseau a été relativement bien conçue d’un point de vue méthodologique. La sélection des articles a été effectuée par deux chercheurs indépendants. En cas de désaccord, un troisième auteur était impliqué dans la discussion. Les critères d’inclusion et d’exclusion ont été clairement définis, de même que les critères de jugement. Deux chercheurs indépendants ont extrait les caractéristiques pertinentes des études (telles que l’âge, le sexe, le BMI, la taille de l’étude, la durée et la fréquence des interventions, la proportion de patients de classe III de la NYHA et la proportion de résidents dans des établissements de soins). Les interventions telles que l’entraînement aérobie, la limitation de la consommation de sel et la restriction hydrique étaient mieux définies que d’autres interventions telles que l’entraînement en force des muscles inspiratoires, le yoga ou l’hydrothérapie. Il manquait des éléments essentiels parmi les facteurs FITT (fréquence, intensité, durée, type d’entraînement). Le risque de biais a été évalué par deux auteurs indépendants à l’aide de l’outil Cochrane évaluant le risque de biais. 14 études ont été considérées comme présentant globalement un risque de biais élevé, et 16 études, un faible risque de biais. Pour plus de la moitié des études, il y avait une incertitude concernant le secret de l’attribution (biais de sélection). Dans près de 80 à 90% des études, il y avait une incertitude concernant la mise en aveugle des évaluateurs de l’effet (biais de détection) ainsi que des participants et du personnel (biais de performance). De ce fait, la certitude des preuves pour de nombreux résultats est faible, voire très faible.
Pour les méta-analyses, le modèle à effets aléatoires a été utilisé, ce qui est un choix justifié compte tenu de l’importante hétérogénéité clinique des études incluses. Comme il y avait peu de comparaisons directes entre les différentes formes d’entraînement aérobie, les chercheurs ont jugé utile de réaliser une méta-analyse en réseau en plus d’une méta-analyse ordinaire. Cependant, on peut se demander si les études étaient suffisamment homogènes pour permettre une méta-analyse en réseau (22). La méthode de déboutonnage (node splitting) n’a toutefois pas permis de montrer une incohérence entre les comparaisons directes et indirectes. En outre, les analyses de régression n’ont pu montrer aucune influence des facteurs (tels que l’âge, le BMI, le sexe, la classe NYHA, la durée de l’étude et la taille de l’étude) sur les résultats de la méta-analyse en réseau. Les chercheurs ont effectué des analyses de sensibilité en excluant les études présentant un risque élevé de biais, d’une part, et les études réalisées dans des établissements de soins, d’autre part. Cela n’a pas donné un résultat différent. Les funnel plots n’ont pas pu montrer de biais de publication.

 

Évaluation des résultats

Bien que les critères de jugement choisis soient cliniquement pertinents, des critères d’évaluation rigoureux tels que les réhospitalisations et la mortalité font défaut. L’absence de mesures de la force (comme la force de préhension ou la force des quadriceps) dans l’entraînement en force et de l’augmentation de la force des muscles inspiratoires dans l’entraînement en force des muscles inspiratoires constitue une occasion manquée, car ces critères de jugement sont cliniquement pertinents. Les auteurs ont fixé une différence minimale cliniquement pertinente de 1 ml/kg/min pour le pic de VO2, de 45 mètres pour le test de marche de 6 minutes, de 4,7% pour la FEVG et de 8,2 points pour la qualité de vie. Pour la plupart des différences statistiquement significatives, ce seuil est également atteint. Cependant, en raison de la sous-déclaration des effets indésirables, nous ne pouvons pas estimer correctement le rapport coût-bénéfice de ces interventions. 
La validité externe de cette méta-analyse en réseau comporte certaines limites. Toutefois, l’âge moyen et le BMI des populations étudiées sont représentatifs de la population générale des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite. Néanmoins, seulement 18% des participants étaient des femmes, ce qui limite l’extrapolation aux patientes. De plus, les patients de classe IV de la NYHA étaient exclus, de sorte que les résultats ne s’appliquent qu’à l’insuffisance cardiaque légère à modérée (classe I-III).
La durée et l’intensité des interventions étaient très variables. Comme indiqué précédemment, les facteurs FITT (fréquence, intensité, durée, type d’entraînement) n’ont pas été entièrement spécifiés pour toutes les interventions. En outre, des questions se posent quant à la précision de la détermination de l’intensité de l’entraînement sur la base d’un pourcentage du pic de VO2 ou de la réserve de fréquence cardiaque (comme dans cette étude) ; en effet, la recherche montre que ces méthodes ne correspondent pas toujours aux zones de fréquence cardiaque efficaces déterminées à partir des seuils ventilatoires (19,23). En outre, la supervision n’est pas suffisamment uniforme, ce qui complique l’application à des contextes de soins différents. Par ailleurs, la variation quant au suivi, qui était généralement assez court, rend difficile une estimation fiable des effets à long terme. 

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Les guides de pratique internationaux, notamment les guides américains (24), les guides européens (9,25,26) et les guides actualisés de l’association royale néerlandaise des kinésithérapeutes (Koninklijk Nederlands Genootschap voor Fysiotherapie, KNGF) de 2024 (27) recommandent une combinaison d’entraînement aérobie et d’entraînement en force, éventuellement complétée par un entraînement en force des muscles inspiratoires et par des exercices d’équilibre. La durée recommandée pour le programme est de minimum 12 semaines. L’intensité de l’entraînement est adaptée à la classe NYHA, en redoublant de prudence pour la classe IV. L’entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée est une alternative sans danger pour les patients stables à faible risque, et il a de meilleurs effets sur le pic de VO2. La KNGF recommande 3 à 5 séances par semaine d’entraînement aérobie (à 50-80% du pic de VO2) ou au moyen de l’entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée (4 fois 4 minutes à 80-90%, avec repos actif). L’entraînement en force est recommandé 2 à 3 fois par semaine à 30-80% de la charge maximale. L’entraînement en force des muscles inspiratoires est utile en cas de diminution de la force respiratoire (Pi max24 < 70%), et il est appliqué 3 ou 4 fois par semaine à 20-40% de Pi max. Le guide de pratique clinique « Insuffisance cardiaque » (28) du groupe de travail pour le développement des guides de pratique clinique destinés à la première ligne (Werkgroep Ontwikkeling Richtlijnen Eerste Lijn, WOREL) préconise un entraînement d’endurance d’intensité modérée (70-80% du pic de VO2) et un entraînement en force dynamique pour renforcer la force musculaire périphérique, réduire la dyspnée et améliorer la fonction cardiaque. L’alignement sur la fréquence cardiaque d’entraînement et le score de BORG reste essentiel.

 

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse en réseau montre que l’entraînement d’endurance et fractionné d’intensité élevée chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite apporte des améliorations significatives sur le plan du pic de VO2, du test de marche de six minutes et de la qualité de vie. L’entraînement aérobie fractionné d’intensité élevée était l’intervention la plus efficace pour la FEVG et pour le test de marche de 6 minutes. L’analyse fait preuve d’une solide qualité sur le plan méthodologique, mais les études sous-jacentes présentent une importante hétérogénéité clinique en termes d’interventions et de populations. De ce fait, même si cette méta-analyse fournit des informations précieuses sur les interventions non médicamenteuses dans l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite, il convient d’être prudent lors de l’extrapolation à la pratique clinique générale. Même si les recommandations actuelles sont confirmées, d’autres études bien menées avec des rapports détaillés sont nécessaires pour étayer davantage la possibilité d’une application en clinique. 

 

 

 

Références 

  1. Sculier JP. La réadaptation cardiaque fondée sur l'exercice est bénéfique pour le patient en insuffisance cardiaque stable. Minerva Analyse 01/11/2019
  2. Long L, Mordi IR, Bridges C, et al. Exercise-based cardiac rehabilitation for adults with heart failure. Cochrane Database Syst Rev 2019, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD003331.pub5
  3. Sculier JP. Chez le patient avec insuffisance cardiaque à FEVG conservée, ni l'entraînement par intervalles à haute intensité ni l'entraînement continu modéré n’apporte de bénéfice par rapport à l'activité physique basée sur les recommandations usuelles. Minerva Analyse 15/11/2021.
  4. Mueller S, Winzer EB, Duvinage A, et al. Effect of high-intensity interval training, moderate continuous training, or guideline-based physical activity advice on peak oxygen consumption in patients with heart failure with preserved ejection fraction: a randomized clinical trial. JAMA 2021;325(6):542-51. DOI: 10.1001/jama.2020.26812
  5. Van Royen P. Insuffisance cardiaque : exercices physiques bénéfiques et sans danger ? MinervaF 2010; 9(3):34-5
  6. O’Connor CM, Whellan DJ, Lee KL, et al; HF-ACTION Investigators. Efficacy and safety of exercise training in patients with chronic heart failure: HF-ACTION randomized controlled trial. JAMA 2009;301:1439-50. DOI: 10.1001/jama.2009.454
  7. Cornelis J, Beckers P, Taeymans J, et al. Comparing exercise training modalities in heart failure: a systematic review and meta-analysis. Int J Cardiol 2016;221:867-76. DOI: 10.1016/j.ijcard.2016.07.105
  8. Rai RH, Singh RB. Chapter 22 - Physical training in heart failure. In: Singh RB, ed. Pathophysiology, Risk Factors, and Management of Chronic Heart Failure. Academic Press; 2024:267-78. DOI: 10.1016/B978-0-12-822972-9.00039-0
  9. Pelliccia A, Sharma S, Gati S, et al. 2020 ESC Guidelines on sports cardiology and exercise in patients with cardiovascular disease. Eur Heart J 2021;42:17-96. DOI: 10.1093/eurheartj/ehaa605
  10. Tu RH, Zeng ZY, Zhong GQ, et al. Effect of exercise training on depression in patients with heart failure: a systematic review and meta-analysis. Eur J Heart Fail 2014;16:749-57. DOI: 10.1002/ejhf.101
  11. Isaksen K, Munk PS, Giske R, Larsen AI. Effects of aerobic interval training on measures of anxiety, depression and quality of life in patients with ischaemic heart failure and ICD: a prospective non-randomized trial. J Rehabil Med 2016;48:300-6. DOI: 10.2340/16501977-2043
  12. Azambuja AC, de Oliveira LZ, Sbruzzi G. Inspiratory muscle training in patients with heart failure: what is new? Systematic review and meta-analysis. Phys Ther 2020;100:2099-109. DOI: 10.1093/ptj/pzaa171
  13. Gomes Neto M, Ferrari F, Helal L, et al. The impact of high-intensity inspiratory muscle training on exercise capacity and inspiratory muscle strength in heart failure with reduced ejection fraction: a systematic review and meta-analysis. Clin Rehabil 2018;32:1482-92. DOI: 10.1177/0269215518784345
  14. Li Y, He W, Jiang J, et al. Non-pharmacological interventions in patients with heart failure with reduced ejection fraction: a systematic review and network meta-analysis. Arch Phys Med Rehabil 2024;105:963-74. DOI: 10.1016/j.apmr.2023.07.004
  15. De Cort P. La restriction sodée est-elle utile en cas d’insuffisance cardiaque ? Minerva Analyse 18/05/2022
  16. Ezekowitz JA, Colin-Ramirez E, Ross H, et al. Reduction of dietary sodium to less than 100 mmol in heart failure (SODIUM-HF): an international, open-label, randomised, controlled trial. Lancet 2022;399:1391-400. DOI: 10.1016/S0140-6736(22)00369-5
  17. Yancy CW, Jessup M, Bozkurt B, et al. 2017 ACC/AHA/HFSA Focused update of the 2013 guideline for the management of heart failure. J Am Coll Cardiol 2017;70:776-803. DOI: 10.1016/j.jacc.2017.04.025
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