Revue d'Evidence-Based Medicine
Participation des pharmaciens aux soins pour les patients diabétiques
Résumé
Contexte
Nous avons précédemment abordé le sujet des soins pharmaceutiques dans un éditorial de Minerva (1). Ces soins sont dispensés par les pharmaciens aux patients atteints de maladie chronique, dont les patients présentant un diabète. Que peut ajouter le pharmacien au traitement déjà instauré ?
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse
Sources consultées
- Banque de données électroniques : International Pharmaceutical Abstracts ; MEDLINE, EMBASE, Cochrane Central Register of Controlled Trials ; Cumulative Index to Nursing and Allied Literature
Etudes sélectionnées
- critères d’inclusion : études publiées comportant une intervention dispensée par un pharmacien à un patient diabétique et évaluant la connaissance de sa pathologie, l’observance, les soins, la satisfaction, la qualité de vie, les effets indésirables, les coûts et l’éducation
- pas de restriction de langue
- 36 publications retenues sur 302 isolées ; 18 études randomisées contrôlées, 9 non randomisées, 2 études d’observation pré-post, 1 étude de cohorte contrôlée rétrospective et 6 études de cohorte sans groupe contrôle
- 39 à 360 patients par étude
- suivi moyen de 11,3 (±7,7) mois.
Population étudiée
- patients atteints de diabète de type 1 ou de type 2
- âge moyen de 60,1 + 3,7 ans
- pour la plupart (si mentionné) avec une comorbidité : affection cardiovasculaire, rétinopathie, néphropathie, neuropathie
- prenant différentes comédications : antihypertenseurs, hypolipidémiants, antiagrégants plaquettaires, antidépresseurs.
Mesure des résultats
- critères de jugement : HbA1c ; glycémie à jeun, pression systolique, valeurs lipidiques, observance, connaissance du traitement, qualité de vie
- un résultat est dit “sensible aux soins pharmaceutiques” si la différence pour le critère est considérée comme cliniquement pertinente avec une différence de 10% entre le début et la fin de l’intervention
- seuil de signification statistique : p < 0,05.
Résultats
- la plupart des interventions sont de nature éducative (69%), centrées sur la gestion de la prise de médicaments (61%)
- temps moyen de contact pharmacien-patient : 35 + 17 minutes (N=14 études) ; intervalle moyen entre ces contacts de 2 semaines à 3 mois (N=24)
- critère HbA1C primaire : diminution de l’ HbA1C de 1,00% (+ 0,28%; p < 0,001) en moyenne dans le groupe intervention (n= 1 145) versus 0,28% (+ 0,29%; p = 0,335) dans le groupe contrôle (n=1 102)
- critère glycémie à jeun : diminution dans les 2 études
- critère pression systolique : diminution dans 1 étude n’incluant que 32 patients
- résultat non constant pour : valeurs lipidiques, observance, connaissance, qualité de vie.
Conclusion des auteurs
Le taux d’HbA1c est sensible aux interventions des pharmaciens. Plusieurs résultats potentiellement sensibles ont été identifiés, mais il y a trop peu d’études pour fournir des résumés quantitatifs. D’autres recherches sont nécessaires.
Financement
Ontario Ministry of Health and Long Term Care-Health Care Outcomes.
Conflits d’intérêt
Aucun n’est mentionné.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
Les auteurs de cette publication ont réalisé une recherche systématique dans plusieurs bases de données. Ils ont analysé la qualité des études randomisées comme d’observation en utilisant les critères de Downs. Ils ont effectué des funnel-plots pour exclure un biais de publication et examiné l’hétérogénéité avec un test Q. Ils ont réalisé des analyses comparatives des études et pour certains critères, en cas d’homogénéité clinique des études, les méta-analyses possibles.
Interprétation des résultats
Les 36 études sélectionnées pour cette synthèse n’évaluent pas des critères forts tels que des complications cardiovasculaires, des lésions microvasculaires, des amputations ou des décès, la durée des études étant insuffisante pour ces critères. La diminution du taux d’HbA1C grâce à l’intervention est pertinente (-1%) en vertu des normes fixées, mais les valeurs cibles restent trop élevées (HbA1C moyenne de 7,79%), témoignant d’un équilibre insuffisant du diabète malgré une probablement bonne réponse aux conseils du pharmacien. La raison d’une absence d’évolution favorable pour plusieurs paramètres n’est pas claire. Il faut ainsi souligner l’absence de résultats constants pour l’augmentation des connaissances, critère mentionné dans cinq études : l’intervention apporte un résultat meilleur mais sans atteindre le seuil de la signification statistique cependant. La faiblesse des échantillons inclus dans les études contribue peut-être à cette absence de différence. La globalité de l’intervention thérapeutique pour ces patients reste donc, en moyenne, inefficace en terme d’HbA1C cible pour un équilibre satisfaisant du diabète et n’apporte aucune preuve d’efficacité sur d’autres critères.
Autres études
L’accompagnement des patients diabétiques est régulièrement abordé dans la littérature récente. Les pharmaciens peuvent, par exemple, offrir leur aide en cas de diabète lié à la grossesse. Leur accompagnement éducatif ainsi que leurs instructions pour l’autocontrôle permettent de faire diminuer l’ HbA1C, d’améliorer la connaissance de la femme à propos de son diabète et améliore sa qualité de vie ; le contrôle glycémique est meilleur et moins de complications voient le jour (2). Des patients âgés avec polypathologies, dont un diabète de type 2, et polymédiqués (au moins 5 médicaments) tirent bénéfice de contacts avec un pharmacien après leur sortie d’hôpital. Le pharmacien leur rendant visite à trois reprises (1, 5 et 26 semaines après la sortie) a pour mission de promouvoir l’observance et l’utilisation correcte des médicaments (3). Nous avions précédemment analysé une étude évaluant le rôle du pharmacien en cas de polymédication. Un contact in vivo n’est même pas toujours nécessaire. Le nombre de décès de ces patients polymédiqués diminue quand, en plus des visites de leur médecin tous les 2 ou 4 mois, ils reçoivent un appel téléphonique du pharmacien (4).
Lors de leur recherche dans la littérature, les auteurs de la présente synthèse isolent 108 références dont 36 publications concernant le diabète. Les autres 72 études concernent des soins pharmaceutiques pour d’autres affections. Le champ d’action du pharmacien s’élargit donc. Dans quelle mesure les trajets de soins élaborés en Belgique prennent-ils en compte la contribution du pharmacien ? L’INAMI a créé un Comité de Concertation entre les Pharmaciens et les Organismes Assureurs pour étudier la possibilité d’une rémunération des soins pharmaceutiques (en sus de l’indemnisation économique, de l’honoraire de dispensation et des honoraires spécifiques). Une indemnisation pour les soins pharmaceutiques implique pour les organismes assureurs un engagement de résultat. Il faut donc atteindre des résultats assez convaincants pour pouvoir parler d’une situation significativement win-win pour le patient et pour le soignant. Lors de cette discussion, les critères forts précités mais aussi la prévention entrent en considération. Nous débouchons alors réellement sur un travail d’équipe dépassant les simples soins pharmaceutiques.
Conclusion
Selon cette synthèse méthodique avec méta-analyses, les conseils pharmaceutiques dispensés par les pharmaciens dans l’accompagnement des patients présentant un diabète de type 2 permettent d’obtenir une diminution significative mais limitée du taux d’HbA1C, en restant cependant encore loin d’un contrôle glycémique correct. Aucune preuve n’est apportée en termes de critères de jugement forts, par exemple d’événements cardiovasculaires (micro- ou macrovasculaires).
Références
- Laekeman G, De Cort P. Editorial: Le pharmacien et les soins dispensés au patient. MinervaF 2007;6(2):17.
- Elnour AA, El Mugammar IT, Jaber T, et al. Pharmaceutical care of patients with gestational diabetes mellitus. J Eval Clin Pract 2008;14:131-40.
- Bergheim S, Jacobsen CD, Clausen F, Straand J. Home visits by a pharmacist after discharge from hospital. Tidsskr Nor Laegeforen 2008;128:567-9.
- Laekeman G. Suivi téléphonique du pharmacien améliorant la survie ? MinervaF 2007;6(5):78-80.
Ajoutez un commentaire
Commentaires