Revue d'Evidence-Based Medicine



Les risques cardio-vasculaires de la rosiglitazone



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 9 Page 136 - 137

Professions de santé


Analyse de
Effect of rosiglitazone on the risk of myocardial infarction and death from cardiovascular causes. N Engl J Med 2007;356:2457-71.


Question clinique
Quel est l’impact de la rosiglitazone en termes de morbidité et de mortalité cardio-vasculaires ?


Conclusion
Cette méta-analyse montre un risque accru de survenue d’infarctus du myocarde et probablement de décès cardio-vasculaire chez des patients diabétiques de type 2 quand ils sont traités par rosiglitazone versus placebo ou autre antidiabétique oral. Même si cette étude comporte des faiblesses méthodologiques, elle doit inciter le praticien à la plus grande prudence dans l’utilisation de ce médicament qui n’a pas fait la preuve de sa supériorité par rapport à d’autres antidiabétiques oraux. La metformine reste le premier choix avec un bénéfice cardio-vasculaire montré.


 

Résumé

Contexte

Les complications micro- et macrovasculaires du diabète sont les plus préoccupantes pour le pronostic des patients. L’effet des glitazones (rosiglitazone, pioglitazone) sur la prévention de ces complications n’était pas établi à ce jour.

Méthode

Synthèse méthodique et méta-analyse

Sources consultées

  • dossier d’enregistrement de la rosiglitazone rentré à la Food and Drug Administration (FDA)
  • base de données de la firme productrice du produit (GSK) dont une partie seulement d’études publiées
  • RCTs DREAM (1) et ADOPT (2).

Etudes sélectionnées

  • études de phase 2, 3 et 4, randomisées, contrôlées (placebo ou traitement actif)
  • durée de traitement semblable dans les différents groupes
  • plus de 24 semaines de traitement médicamenteux
  • total de 42 études, soit 15 560 patients sous rosiglitazone et 12 283 sous comparateur (placebo ou traitement actif).

Population concernée

  • patients diabétiques de type 2 principalement
  • 1 étude avec intolérance glucidique ou hyperglycémie à jeun (DREAM (1)), 1 étude pour le psoriasis, 1 étude concernant la maladie d’Alzheimer
  • âge moyen < 57 ans
  • contrôle glycémique relativement faible (HbA1c de 8,2% environ).

Mesure des résultats

Les critères de jugement sont : infarctus du myocarde et décès d’origine cardio-vasculaire

Résultats

  • infarctus du myocarde : 86 pour le groupe rosiglitazone et 72 pour le groupe contrôle ; OR 1,43 (IC à 95% de 1,03 à 1,98 ; p=0,03)
  • décès de cause cardio-vasculaire : 39 pour le groupe rosiglitazone et 22 pour le groupe contrôle ; OR  1,64 (IC à 95% de 0,98 à 2,74 ; p=0,06)
  • résultats comparables versus placebo mais avec IC non statistiquement significatifs.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que la rosiglitazone est associée à une augmentation significative du risque d’infarctus du myocarde et à une augmentation à la limite de la signification statistique des décès d’origine cardio-vasculaire.

Financement

Non mentionné.

Conflits d'intérêt

Le premier auteur déclare avoir reçu des fonds de différentes firmes pour des recherches cliniques et être consultant pour différentes compagnies pharmaceutiques sans en accepter personnellement les honoraires.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La majorité des études incluses proviennent de la base de données de GlaxoSmithKline (GSK) ; un biais de sélection ne peut donc être exclu. Parmi ces études de la base de données de GSK, seules 9 sur 35 sont publiées dans des journaux avec revue par des pairs ; pour les comparaisons possibles (études reprises sur le site GSK versus études publiées), en cas de discordance, ce sont les données GSK qui ont été choisies. Sur les cinq études reprises dans le dossier d’enregistrement, quatre ont été publiées. La majorité des données est donc issue d’études non publiées, sans données individualisées. C’est le reproche principal fait à cette méta-analyse. Il n’y a également pas d’évaluation de la qualité méthodologique des études. Les auteurs n’ont pas inclus, dans le dénominateur pour le calcul d’incidence des événements cardio-vasculaires, l’ensemble des études avec la rosiglitazone donc même celles ne mentionnant pas les incidents cardio-vasculaires. Il aurait été intéressant de présenter les deux calculs (toutes les études versus uniquement celles mentionnant les incidents) pour comparaison. L’adjudication des événements cardio-vasculaires n’est mentionnée que dans la seule étude DREAM (1) et le délai de survenue de l’incident n’est pas connu. Etant donné qu’il n’était pas possible de déterminer si plusieurs événements étaient attribuables au même patient, les données d’infarctus du myocarde et de décès n’ont pu être sommées. Les auteurs mentionnent eux-mêmes la majorité de ces limites.

Résultats : interprétations et contestations

De nombreuses études incluses ont un suivi relativement court (24 à 52 semaines) mais les résultats pour ces études sont semblables à ceux de l’ensemble des études. Les auteurs en concluent que la toxicité cardio-vasculaire de la rosiglitazone se manifesterait à court terme chez des patients à risque. Vu le nombre relativement faible de cas et les incertitudes méthodologiques mentionnées plus haut, cette conclusion nous semble devoir être considérée avec beaucoup de prudence. La population des différentes études semble hétérogène quant au risque cardio-vasculaire initial, mais à risque en moyenne bas (risque d’infarctus du myocarde <0,8% sur 2 ans) (3), avec une moyenne d’âge relativement jeune (57 ans). Le risque pour une population plus âgée et/ou à plus grand risque cardio-vasculaire initial (fréquent chez les diabétiques) reste à déterminer. Plusieurs éditoriaux successifs dans le New England reprennent les critiques adressées à cette étude et y répondent en justifiant ses résultats et ses mises en garde.

En réaction à la publication de la méta-analyse commentée ici, est parue une analyse intermédiaire, non planifiée, d’une étude en cours (4). Cette étude, ouverte, compare metformine et sulfamidé hypoglycémiant associés ou non avec de la rosiglitazone chez 4 447 patients diabétiques de type 2. Elle ne montre pas de différence significative pour les différents événements inclus dans le critère de jugement dans une étude est dit composite s’il est composé d’un ensemble d’éléments, par exemple l’association d’infarctus du myocarde, d’angor et de décès. Un critère de jugement composite peut poser un problème de pertinence si la composante qui a le plus de poids (plus fréquente, davantage modifiée par le traitement) est cliniquement faiblement pertinente.">critère primaire composite : hospitalisations ou décès liés à une cause cardio-vasculaire. Même en incluant les résultats de cette publication intermédiaire dans la méta-analyse de Nissen, le risque cardio-vasculaire avec la rosiglitazone reste augmenté (5) : OR pour le risque d’infarctus du myocarde 1,33 (IC à 95% de 1,02 à 1,72). Une récente synthèse méthodique Cochrane conclut, pour la rosiglitazone, à une absence de supériorité d’efficacité en termes de contrôle de l’HbA1c versus autres antidiabétiques oraux et rappelle que l’étude ADOPT indique un risque cardio-vasculaire accru (6).

Autres effets indésirables

Le risque d’aggravation d’une insuffisance cardiaque lors d’un traitement avec de la rosiglitazone ou autre thiazolidinedione est connu, ainsi que les risques hépatiques (7). D’autres risques ont été plus récemment rapportés : œdème maculaire (8), cancers (entre autres de la vessie (9)), fractures (6,10).

Pour la pratique

Même si cette étude comporte des limites méthodologiques, ne faut-il pas y prêter attention et en tirer des conclusions pour la pratique ? Devons-nous également exiger un niveau de preuve équivalent, pour ces effets indésirables (graves), à celui déterminé pour évaluer l’efficacité du médicament ? Quand celui-ci, rosiglitazone, ne montre pas de plus grande efficacité par rapport aux autres antidiabétiques oraux (6), la prise en compte de la possibilité d’effets indésirables sévères, même sur base de preuves moins solides, nous semble du devoir du praticien vis-à-vis de ses patients.

 

Conclusion

Cette méta-analyse montre un risque accru de survenue d’infarctus du myocarde et probablement de décès cardio-vasculaire chez des patients diabétiques de type 2 quand ils sont traités par rosiglitazone versus placebo ou autre antidiabétique oral. Même si cette étude comporte des faiblesses méthodologiques, elle doit inciter le praticien à la plus grande prudence dans l’utilisation de ce médicament qui n’a pas fait la preuve de sa supériorité par rapport à d’autres antidiabétiques oraux. La metformine reste le premier choix avec un bénéfice cardio-vasculaire montré.

 

Références

  1. Gerstein HC, Yusuf S, Bosch J, et al. DREAM trial investigators. Effect of rosiglitazone on the frequency of diabetes in patients with impaired glucose tolerance or impaired fasting glucose: a randomised controlled trial. Lancet 2006;368:1096-105.
  2. Kahn SE, Haffner SM, Heise MA, et al; ADOPT Study Group. Glycemic durability of rosiglitazone, metformin, or glyburide monotherapy (ADOPT- A Diabetes Outcome Progression Trial). N Engl J Med 2006;355:2427-43.
  3. Cates CJ. How big is the increase in myocardial infarction risk with rosiglitazone? [Rapid responses] BMJ 2007;334:1233-4.
  4. Home PD, Pocock SJ, Beck-Nielsen H, et al; RECORD Study Group. Rosiglitazone evaluated for cardiovascular outcomes: an interim analysis.N Engl J Med 2007;357:28-38.
  5. Glitazones et oedèmes maculaires. Rev Prescr 2006;26:343.
  6. Glitazones: fractures. Rev Prescr 2007;27:509.
  7. Glitazones: cancers de la vessie et autres. Rev Prescr 2007;27:108.
  8. Glitazones: risques cardiaques et hépatiques (suite). Rev Prescr 2003;23:508.
  9. Richter B, Bandeira-Echtler E, Bergerhoff K, et al. Rosiglitazone for type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 3.
  10. Psaty MB, Furberg CD. Rosiglitazone and the risk of myocardial infarction. N Engl J Med 2007;357:67-9.
Les risques cardio-vasculaires de la rosiglitazone



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