Analyse


Inhibiteurs de la neuraminidase contre l’influenza (tous les groupes cibles)


28 10 2012

Professions de santé

Analyse de
Jefferson T, Jones MA, Doshi P, et al. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in healthy adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 1.


Conclusion
Cette nouvelle synthèse de la Cochrane Collaboration sur l’effet des inhibiteurs de la neuraminidase sur l’influenza dans tous les groupes d’âge montre qu’il est difficile de collecter des preuves précises et complètes pour pouvoir arriver à une conclusion utile. La réticence formulée antérieurement concernant l’usage de ces médicaments est maintenue. La vaccination ainsi que des mesures d’hygiène restent la stratégie optimale de prévention.



Texte et traduction sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

 

La prévention et le traitement de l’influenza par inhibiteurs de la neuraminidase ont déjà  été abordés plusieurs fois dans Minerva, y compris la discussion de revues Cochrane chez l’adulte et l’enfant (1-6). Les inhibiteurs de la neuraminidase oseltamivir et zanamivir ont un effet sur la sévérité et la durée des symptômes s’ils sont initiés rapidement (dans les 48 heures après l’apparition des premiers symptômes). L’usage à grande échelle d’inhibiteurs de la neuraminidase (prophylactique et thérapeutique) lors d’une grippe saisonnière n’est toutefois pas utile, vu le risque de traitement abusif et d’apparition d’une résistance, le coût élevé et les effets indésirables. En ce qui concerne l’utilité des antiviraux dans la prévention de complications dans les populations à risque élevé, aucune conclusion n’a pu être tirée. 

La fiabilité des preuves d’un effet favorable ou non de l’oseltamivir sur des complications sévères (en l’occurrence les infections des voies respiratoires basses, l’hospitalisation et la mortalité) étant controversée, Jefferson et coll. ont entrepris de revoir la conclusion antérieure dans leur revue Cochrane concernant les inhibiteurs de la neuraminidase chez l’adulte; leur conclusion d’un « effet favorable » (7) a été modifiée à « pas de preuves », et cette dernière version a plus tard été à nouveau abrogée (8). Ces auteurs ont récemment publié une version remaniée incluant les preuves pour tous les groupes cibles (enfants (9), adultes (8), personnes âgées, malades chroniques (10)). Pour cela, ils ont utilisé une toute nouvelle méthode de travail. Plutôt que de faire une recherche classique de la littérature de façon systématique et préalablement établie, ils ont composé une liste d’études. Sur base de cette liste, ils ont demandé les rapports d’études cliniques complets auprès des fabricants et des autorités réglementaires aux Etats-Unis, en Europe et au Japon (60% des données de patients provenant de RCTs sur l’oseltamivir n’ont jamais été publiées !). Ces rapports étaient incomplets de sorte qu’aucune étude n’a été prise en compte en vue d’une extraction de données ou pour une nouvelle méta-analyse ultérieure. Ainsi, les auteurs ne pouvaient à nouveau pas se prononcer concernant l’effet de l’oseltamivir sur des complications telles que des infections des voies respiratoires basses. Ils ne se sont pas non plus prononcés sur le zanamivir étant donné qu’ils avaient obtenu de GSK l’offre pour les données individuelles des patients, mais qu’ils ne les avaient pas encore reçues.

Cette synthèse méthodique montre à quel point il est difficile de rassembler les données individuelles des études. Dans le futur, la mise à disposition du public de toutes les données d’études devrait devenir obligatoire. 

Jefferson et coll. ont finalement effectué une analyse en intention de traiter concernant l’effet de l’oseltamivir sur la diminution des symptômes grippaux et la prévention d’hospitalisation chez l’adulte. Ils concluent que la durée des symptômes grippaux peut raccourcir de moins d’un jour (21 heures (IC à 95% de 12,9 à 29,5)) à la condition que la première prise soit initiée moins de 48 heures après l’apparition des symptômes, et qu’aucun effet sur l’hospitalisation ou la transmission ne puisse être constaté. De nombreux facteurs méthodologiques supplémentaires sont apparus, et de nouvelles questions concernant l’étude ont alors été formulées et examinées après la fin du protocole. Ainsi, la chance de constater une grippe (sur base d’une augmentation quadruple des titres en anticorps) dans le groupe oseltamivir était plus petite du fait que l’augmentation du taux d’anticorps était réduit par l’oseltamivir après l’infection. Cet effet n’a pas été constaté dans les études avec le zanamivir. Il s’ensuit une surestimation de l’effet clinique dans les études de prévention et une sélection des bons répondeurs d’anticorps dans les études thérapeutiques, ce qui a peut-être mené à une efficacité apparente plus importante. De plus, l’analyse était le plus souvent limitée aux cas d’influenza avérés avec perturbation de la randomisation.

Jefferson et coll. ont donc choisi de n’effectuer que des analyses en intention de traiter.

Les effets indésirables étaient également sous-notifiés dans les publications (surtout les effets indésirables neuropsychiatriques graves). Les auteurs ont toutefois pu les retrouver dans les rapports d’études cliniques non disponibles pour le public. Des complications étaient parfois rapportées comme effets indésirables (‘compliharms’) et la définition clinique de complications différait parfois d’une étude à l’autre ; de ce fait, une conclusion valable est peut-être même impossible sur base des preuves existantes. Les comprimés placebo pour l’oseltamivir contenaient une substance chimique (‘dehydrocholic acid’) qui n’était pas présente dans les comprimés d’oseltamivir. Cette substance est considérée comme étant responsable de l’incidence accrue de nausées, vomissements et diarrhée dans le groupe placebo, avec une sous-estimation des effets indésirables réels. Le lactose présent dans les comprimés placebo pour le zanamivir était probablement responsable des plaintes liées à la dyspnée après administration, de sorte que cet effet indésirable ne différait pas de manière significative entre les deux groupes traités.

Roche a entretemps effectué une nouvelle méta-analyse (11) et a ajouté une nouvelle étude aux données antérieures de leur méta-analyse Kaiser qui avait été contestée (12). La conclusion de cette nouvelle méta-analyse est que l’oseltamivir s’avère en effet efficace dans la prévention de complications telles qu’une pneumonie. Les auterus de la Cochrane Collaboration ont émis beaucoup de critiques au sujet de cette publication (13). Leurs principales remarques sont le manque d’une définition correcte des complications ainsi qu’un manque de preuves des complications, le choix de certaines complications selon leur propre appréciation (‘cherry picking’), l’inclusion non systématique de toutes les études se rapportant à des complications, et l’évaluation non rigoureuse de la qualité et des données de l’étude. Ceci implique que nous devons à nouveau conclure à la non-fiabilité de cette nouvelle méta-analyse.

 

Conclusion

Cette nouvelle synthèse de la Cochrane Collaboration sur l’effet des inhibiteurs de la neuraminidase sur l’influenza dans tous les groupes d’âge montre qu’il est difficile de collecter des preuves précises et complètes pour pouvoir arriver à une conclusion utile. La réticence formulée antérieurement concernant l’usage de ces médicaments est maintenue. La vaccination ainsi que des mesures d’hygiène restent la stratégie optimale de prévention.

 

Références

  1. Michiels B. Influenza : résistance aux inhibiteurs de la neuraminidase. Minerva online 28/02/2012.
  2. Michiels B. Initiation rapide de l’oseltamivir en cas d’influenza chez un jeune enfant ? Minerva online 28/02/2012.
  3. Michiels B. Les inhibiteurs de la neuraminidase chez l’adulte. Minerva online 22/10/2010.
  4. Michiels B. Inhibiteurs des neuraminidases chez l’enfant pour l’influenza (prévention et traitement). MinervaF 2010;9(4):42-3.
  5. Michiels B. Médicaments contre l’influenza chez les adultes en bonne santé. MinervaF 2007 6(2):18-20.
  6. Govaerts F. De Meyere M. Inhibiteurs de la neuraminidase dans la prévention et le traitement de l'influenza. MinervaF 2005;4(2):23-6.
  7. Jefferson TO, Demicheli V, Di Pietrantonj C, et al. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in healthy adults. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 3.
  8. Jefferson T, Jones M, Doshi P, et al. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in healthy adults. Cochrane Database Syst Rev 2010, Issue 2.
  9. Matheson NJ, Harnden AR, Perera R, et al. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in children. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 1.
  10. Jefferson T, Jones MA, Doshi P, et al. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in healthy adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 1.
  11. Hernán MA, Lipsitch M. Oseltamivir and risk of lower respiratory tract complications in patients with flu symptoms: a meta-analysis of eleven randomized clinical trials. Clin Infect Dis 2011;53:277-9.
  12. Kaiser L, Wat C, Mills T, et al. Impact of oseltamivir treatment on influenza-related lower respiratory tract complications and hospitalizations. Arch Intern Med 2003;163:1667-72.
  13. Cochrane Neuraminidase Inhibitors Review Team. Does oseltamivir really reduce complications of influenza? Clin Infect Dis 2011;53:1302-3.
Inhibiteurs de la neuraminidase contre l’influenza (tous les groupes cibles)

Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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