Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement de l’hypertension : IEC ou sartan ?



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 5 Page 58 - 59

Professions de santé


Analyse de
Matchar DB, McCrory DC, Orlando LA, et al. Systematic review: comparative effectiveness of angiotensin-converting enzyme inhibitors and angiotensin II receptor blockers for treating essential hypertension. Ann Intern Med 2008;148:16-29.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité comparatives des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II pour le traitement de l’hypertension artérielle ?


Conclusion
Cette étude montre une absence de différence entre IEC et sartans pour le contrôle des chiffres tensionnels chez des patients présentant une hypertension essentielle. Une toux survient plus fréquemment sous IEC. L’effet relatif des IEC versus sartans pour d’autres critères, dont la mortalité et la morbidité cardiovasculaire, reste à préciser.


 

Contexte

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ont montré leur efficacité sur le contrôle des chiffres tensionnels pour le traitement de l’hypertension artérielle (1-3). Les comparaisons entre ces deux classes de médicaments sont cependant rares, sans conclusion possible. Les IEC provoqueraient davantage d’effets indésirables (toux sèche, angioedème) mais ceci est insuffisamment prouvé.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • MEDLINE (de 1966 à 2007), Cochrane Central Register of Controlled Trials (de 1988 à 2006), Scientific Resource Center (bibliographie constituée par l’industrie pharmaceutique)
  • listes de référence des synthèses méthodiques.

 

Etudes sélectionnées

  • inclusion de 69 études (sur 1 185 articles isolés) comparant durant au moins 12 semaines IEC et sartans chez des ≥18 ans avec hypertension artérielle essentielle
  • type d’études incluses : d’intervention randomisées (N=47) ou contrôlée non randomisée (N=1), de cohorte rétrospectives (N=9), prospectives (N=2) ou transversale (N=1) et cas-contrôle (N=1)
  • avec comparaison directe de 2 médicaments spécifiques ou de groupes avec IEC et sartans non spécifiques, d’IEC et de sartans en association fixe avec le même médicament (par exemple l’hydrochlorothiazide) ; en cours d’étude, un même antihypertenseur pouvait être ajouté dans les 2 bras
  • critères d’exclusion : études incluant <20 patients.

 

Population étudiée

  • pas de donnée sur le nombre total de patients inclus ni sur leurs caractéristiques dans les différentes études
  • définition d’hypertension artérielle propre à chaque étude.

 

Mesure des résultats

  • critères cliniques : contrôle des chiffres de pression artérielle, mortalité, événements cardiovasculaires importants, qualité de vie, observance
  • critères intermédiaires : profil lipidique, contrôle glycémique, hypertrophie et fonction ventriculaires gauches, fonction rénale
  • effets indésirables.

 

Résultats

  • pression artérielle : pas de différence IEC versus sartans (N=50, n=13 532)
  • nombre de patients avec contrôle tensionnel sous monothérapie : pas de différence significative : RAR 1,3% ; IC à 95% de -1,0% à 3,5% ; p=0,26) (N=22) ; en modèle d’effets aléatoires (test I² de Higgins calcule le pourcentage de variation entre les études lié à une hétérogénéité et non au hasard, donnée importante lors de la sommation des différents résultats. Ce test statistique évalue la non concordance (‘inconsistency’) dans les résultats des études. Au contraire du Test Q, le test I² dépend du nombre d’études disponibles. Un résultat de test 0 à 40% = l’hétérogénéité pourrait être peu importante ; 30 à 60% = l’hétérogénéité peut être modérée ; 50 à 90% = l’hétérogénéité peut être substantielle ; 75 à 100% = l’hétérogénéité est considérable.">=18%)
  • mortalité, morbidité cardiovasculaire, qualité de vie, observance : pas de différence significative
  • effets indésirables : davantage de toux sèche pour les IEC versus sartans : survenue moyenne de 10% vs 3% (N=29) ; I²=51,3%.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent à des preuves actuelles d’une efficacité semblable des IEC et des sartans, avec plus de toux sèche sous IEC que sous sartans. Les données pour les autres critères sont limitées.

 

Financement

US Department of Health and Human Services.

 

Conflits d’intérêt

2 des auteurs ont reçu des honoraires de la part des firmes pharmaceutiques.

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse de la littérature est surtout descriptive. En l’absence d’un funnel plot, il n’est pas possible de se prononcer quant à un éventuel biais de publication. La population étudiée n’est pas caractérisée, ce qui n’est guère étonnant, les études incluses décrivant elles-mêmes mal leurs populations. Les auteurs ont recours à des critères validés pour scorer la qualité des études incluses en « bonne, modérée ou mauvaise ». Seules 5 RCTs semblent de bonne qualité. L’applicabilité des études est également évaluée au moyen d’un score validé. La qualité d’étude et l’applicabilité sont utilisées pour déterminer le niveau de preuve pour les différents critères. Une sommation des résultats n’est pas possible en raison de la grande diversité des protocoles d’étude, des critères ou de leur absence, de la durée d’étude, de la dose de médicament et des définitions d’hypertension. Une conclusion quant à l’efficacité à long terme n’est également pas possible parce que seul un tiers des études se poursuit au-delà de 6 mois.

 

Mise en perspective des résultats

Sur base des résultats de 50 études, les auteurs concluent avec un niveau de preuve élevé que les IEC et les sartans ont une efficacité semblable sur le contrôle tensionnel. Ils tentent aussi de sommer les résultats pour " une réussite du contrôle de la pression artérielle sous monothérapie ” alors que la définition de ce critère varie fort d’une étude à l’autre. Une différence significative entre IEC et sartans ne peut être montrée. Il semble cependant que l’ajout d’un deuxième antihypertenseur est moins fréquent avec les sartans. Les auteurs attribuent cette observation à un arrêt plus fréquent des IEC dans les études de cohorte rétrospectives.

Seules 9 études évaluent l’efficacité en termes de critères forts (mortalité et morbidité cardiovasculaire). Dans la plupart des études les patients présentant une anamnèse cardiovasculaire lourde et une comorbidité sont exclus. Douze des 16 décès sont observés dans une étude couvrant sur 5 ans l’efficacité du telmisartan versus énalapril chez des patients présentant un diabète de type 2 et une néphropathie. Aucune différence en termes de mortalité n’est montrée dans cette étude entre IEC et sartan (3).

Une amélioration de la glycémie n’est observée ni sous IEC ni sous sartan. Dans ce domaine, rappelons la méta-analyse de Abuissa (4) qui ne montrait également pas, en raison d’une méthodologie défectueuse, de capacité de prévention de survenue d’un diabète chez des sujets à risque d’en présenter un, ni pour les IEC ni pour les sartans. Il n’y a également pas de différence entre IEC et sartans pour la protection de la fonction rénale. La méta-analyse de Casas (5) montre un effet rénoprotecteur semblable des IEC et des sartans, probablement uniquement lié à la diminution des chiffres de pression artérielle.

Le risque accru de toux sous IEC versus sartan est plus franc dans les RCTs (N=26) que dans les études non randomisées (N=3), probablement en raison d’une mention systématique de cet effet dans les RCTs. Le NNN de toux pour les IEC versus sartan est de 15 dans les RCTs et de 87 dans les études de cohorte. Un angioedème n’est mentionné que dans un nombre limité d’études avec les IEC, ce qui ne permet pas d’en évaluer la fréquence dans cette population.

Les données sont insuffisantes pour déterminer l’efficacité et la tolérance relatives des IEC versus sartans dans des sous-groupes précis.

 

Pour la pratique

Mis à part un risque accru de toux sous IEC versus sartans, ces deux classes de médicaments sont aussi efficaces pour le contrôle des chiffres tensionnels. Sur base des données descriptives disponibles, nous pouvons conclure qu’il n’y a pas de différences entre elles quant à un effet sur les critères cardiovasculaires, sur la mortalité globale, sur la qualité de vie et sur les facteurs de risque cardiovasculaire tels que le profil lipidique, la survenue d’un diabète et d’une hypertrophie ventriculaire gauche. Une étude à grande échelle et à long terme reste cependant nécessaire pour pouvoir conclure de manière définitive. Ce sont des considérations économiques qui orientent actuellement le choix.

 

Conclusion

Cette étude montre une absence de différence entre IEC et sartans pour le contrôle des chiffres tensionnels chez des patients présentant une hypertension essentielle. Une toux survient plus fréquemment sous IEC. L’effet relatif des IEC versus sartans pour d’autres critères, dont la mortalité et la morbidité cardiovasculaire, reste à préciser.

 

Références

  1. De Cort P. Het effect van antihypertensiva: een overzicht. Minerva 2001;30(7):324-7.
  2. Herna BS, Wang MY, Heran IK, Wight JM. Blood pressure lowering efficacy of angiotensin receptor blockers. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 4.
  3. Barnett AH, Bain SC, Bouter P, et al; Diabetics Exposed to Telmisartan and Enalapril Study Group. Angiotensin-receptor blockade versus converting-enzyme inhibition in type 2 diabetes and nephropathy. N Engl J Med 2004;351:1952-61.
  4. Sunaert P, Christiaens T, Feyen L. Un IEC ou un sartan en prévention du diabète ? MinervaF 2007;6(1):2-3.
  5. Verpooten G. IEC et antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II : rénoprotecteurs ? MinervaF 2007;6(1):4-6.
Traitement de l’hypertension : IEC ou sartan ?



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