Revue d'Evidence-Based Medicine
Un IEC ou un sartan en prévention du diabète ?
Minerva 2007 Volume 6 Numéro 1 Page 2 - 3
Professions de santé
Résumé
Contexte
Différentes études prospectives importantes ont montré « inopinément » une survenue moindre de diabète de type 2 chez des patients traités par IEC ou sartan.
Méthodologie
Méta-analyse.
Sources consultées
MEDLINE, Cochrane Library, ACP Journal Club, Database of Abstracts of Review of Effects et les listes de référence des articles. Les résumés de réunions nationales ont également été pris en considération.
Etudes sélectionnées
Ont été retenues, les études randomisées, contrôlées, comparant un IEC ou un sartan avec un placebo ou un autre antihypertenseur, chez des patients hypertendus ou avec au moins un autre facteur de risque cardio-vasculaire. En outre, l’incidence de diabète nouvellement diagnostiqué devait être mentionnée dans le groupe intervention comme dans le groupe contrôle et la durée d’étude devait être d’au moins un an. Douze études (sept concernant un IEC et cinq un sartan), avec un suivi moyen de 1 à 6,1 an(s) ont été incluses.
Population étudiée
Les études incluent un total de 116 220 patients (de 392 à 33 357 par étude), dont 72 333 sujets non diabétiques. Deux études (environ 12 000 patients au total) incluent uniquement des patients avec insuffisance cardiaque.
Mesure des résultats
Le risque de survenue d’un diabète nouvellement diagnostiqué est analysé suivant le modèle d’effet aléatoire.
Résultats
Chez les patients traités par IEC ou sartan, l’incidence de nouveau diabète est réduite de 25% (RR 0,75; IC à 95% de 0,69 à 0,82) ou de 17,4 à 14,3 par 1 000 années-patients. La réduction de risque varie de 4% à 87% selon les études (non significative dans deux études).
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que, chez des patients présentant un risque de diabète augmenté (syndrome métabolique, hypertension, glycémie à jeun trop élevée, anamnèse familiale de diabète, obésité, insuffisance cardiaque et ischémie coronarienne), l’initiation d’un traitement par IEC ou sartan doit être envisagée.
Financement
Non mentionné.
Conflits d’intérêt
Non mentionné.
Discussion
Question de recherche et méthodologie
Dans dix des douze études incluses, l’incidence de nouveaux cas de diabète durant la durée de l’étude est moindre dans le groupe de patients traités par inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou par antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II. Cette tendance est confirmée par cette méta-analyse et d’autres publications 1. La conclusion que les auteurs en tirent, qu’il faut envisager l’initiation d’un IEC ou d’un sartan chez tout patient présentant un risque augmenté de diabète, est cependant aller un pas trop loin. La question posée, par cette méta-analyse, de l’efficacité des IEC et des sartans dans la prévention du diabète, ne peut trouver de réponse parmi les preuves actuellement disponibles. La survenue d’un diabète (effet de l’intervention) ne constitue un critère primaire dans aucune des études retenues et n’est reprise, comme critère secondaire, que dans les études ALPINE et VALUE. Dans toutes les autres études, les données concernant ce point sont issues d’une analyse post-hoc. Ceci ne constitue pas un problème en soi, par exemple pour la sommation des effets indésirables, mais est nettement moins recommandé lorsqu’il s’agit de formuler des recommandations importantes. Les critères de diagnostic du diabète ne sont pas identiques dans toutes les études ; une synthèse méthodique précédemment publiée montre des différences importantes pour ces critères 2. Les populations étudiées sont également fort différentes : patients avec hypertension récemment diagnostiquée, d’un âge moyen allant de 55 ans à très âgé, patients avec insuffisance cardiaque symptomatique. Choisir un public cible pour initier ce traitement est donc difficile. La conclusion des auteurs en rend compte dans sa très large formulation : patients avec syndrome métabolique, hypertension, glycémie à jeun trop élevée, anamnèse familiale de diabète, obésité, insuffisance cardiaque et ischémie coronarienne. Il faut également souligner les contextes différents des études : cinq sont contrôlées versus placebo, les autres comparent l’efficacité relative d’un IEC ou d’un sartan versus un ou une association de deux autre(s) antihypertenseur(s) d’une autre classe. La comparaison avec d’autres antihypertenseurs n’apporte aucune information complémentaire par rapport à la comparaison versus placebo.
Pertinence clinique
Sur base des précédentes remarques, les conclusions de cette méta-analyse nous semblent confirmer une tendance : de nouveaux cas de diabète sont moins souvent diagnostiqués chez des patients traités par IEC ou par sartan. L’effet précis de ces médicaments n’est actuellement pas évident : préviennent-ils le diabète ou retardent-ils sa survenue ? Les mécanismes de leur effet sur le métabolisme glucidique sont encore hypothétiques. Il n’est également pas démontré que la non survenue d’un diabète entraîne également une réduction de la morbidité et de la mortalité cardio-vasculaires. Les diurétiques, les β-bloquants, les IEC, les sartans et les antagonistes calciques ont montré, pour une même diminution de la pression artérielle, une réduction semblable de la morbidité et de la mortalité cardio-vasculaires. C’est plus le niveau de diminution de la pression obtenu qui est important, plutôt que l’antihypertenseur utilisé. L’initiation d’une faible dose d’un diurétique reste le traitement de première intention pour les patients hypertendus, sauf si une co-morbidité motive un choix différent 3,4. L’étude DREAM, récemment publiée, ne montre pas d’effet du ramipril sur l’incidence de diabète 5.
Prise en charge non médicamenteuse
Deux études au protocole correct, randomisées, contrôlées, ont analysé l’efficacité de recommandations de style de vie sur la progression d’un diabète chez des patients avec une intolérance glucidique 6,7. Elles montrent qu’une réduction modérée du poids corporel et que la pratique régulière d’une activité physique, en freinent la progression. Aussi bien dans l’étude finlandaise (NST de 5 sur 5 ans) que dans l’étude DPP (NST de 7 sur 3 ans), le nombre de nouveaux cas de diabète est moindre (58 %) dans le groupe style de vie. Pour atteindre cet objectif, la collaboration d’une équipe motivée, accompagnant régulièrement et soutenant les patients dans l’objectif à atteindre est cependant nécessaire. Il n’existe pas d’étude évaluant l’efficacité de ces interventions sur le style de vie chez des patients avec intolérance glucidique, en termes de résultats sur la morbi-mortalité cardio-vasculaire, mais, au vu de l’effet favorable des modifications du style de vie sur les différents facteurs de risque cardio-vasculaire, ces modifications devraient également apporter un bénéfice sur des critères forts.
Conclusion
Cette méta-analyse conclut que chez des personnes à haut risque de diabète, l’initiation d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) ou d’un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (sartan), doit être envisagée. Au vu de l’hétérogénéité des études incluses (population, interventions) cette conclusion n’est cependant pas suffisamment étayée. Les recommandations importantes pour la prévention du diabète restent la réduction de poids (5 à 10%) et la pratique de 30 minutes d’activité physique modérée par jour8.
Références
- Gillespie EL, White CM, Kardas M et al. The impact of ACE inhibitors and angiotensin II type 1 receptor blockers on the development of new-onset type 2 diabetes. Diabetes Care 2005;28:2261-6.
- Padwal R, Laupacis A. Antihypertensive therapy and incidence of type 2 diabetes: a systematic review. Diabetes Care 2004;27:247-55.
- NHG-Standaard Cardiovasculair risicomanagement. Huisarts Wet 2003;46:308-11.
- De Cort P, Philips H, Govaerts P, Van Royen P. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Hypertensie. Huisarts Nu 2003;32(8):387-411.
- Dream (Diabetes REduction Assessment with ramipril and rosiglitazone Medication) Trial Investigators; Gerstein HC, Yusuf S, Bosch J et al. Effect of rosiglitazone on the frequency of diabetes in patients with impaired glucose tolerance or impaired fasting glucose: a randomised controlled trial. Lancet 2006;368:1096-105.
- American Diabetes Association and National Institute of Diabetes, Digestive and Kidney Diseases. The prevention or delay of type 2 diabetes. Diabetes Care 2002;25:742-9.
- Wens J. Kan een gezonde leefstijl diabetes voorkomen? Huisarts Nu (Minerva) 2002;31(1):45-7.
- American Diabetes Association. Standards of medical care in diabetes. Diabetes Care 2006;29(1 Suppl):1S-9S.
Tableau : Incidence de diabète dans les douze études reprises dans la méta-analyse.
Etude -durée de suivi -âge des sujets -critères d’inclusion |
Nombre total de patients |
Critères de diagnostic |
Incidence de diabète dans la population sans diabète initial |
RR (IC à 95%) |
CAPP 6,1 ans 25-66 ans Hypertension |
10 985 |
Critères OMS
|
Captopril 337/5183 (6,5%) vs Diurétique/β-bloquant 380/5230 (7,3%) |
0,79 (0,67-0,94) |
STOP-2 5 ans 70-84 ans Hypertension |
6 614 |
Critères OMS
|
Enalapril/Lisinopril 93/1969 (4,7%) vs Diurétique/β-bloquant 97/1961 (4,9%)
|
0,96 (0,72-1,27) |
HOPE 5 ans ≥55 ans Anamnèse de pathologie cardio-vasculaire ou de diabète et au moins un autre facteur de risque cardio-vasculaire |
9 297 |
Diabète mentionné par le patient |
Ramipril 102/2837 (3,6%) vs Placebo 155/2883 (5,4%) |
0,66 (0,51-0,85) |
LIFE 4,8 ans 55-80 ans Hypertension et hypertrophie ventriculaire gauche |
9 193 |
Critères OMS
|
Losartan 241/4019 (6%) vs Aténolol 319/3979 (8%)
|
0,75 (0,63-0,88) |
ALLHAT 4,9 ans ≥55 ans Hypertension et au moins un autre facteur de risque cardio-vasculaire |
33 357 |
GJ ≥126 mg/dl |
Lisinopril 119/4096 (8,1%) vs Chlortalidone 302/6799 (11,6%) |
0,70 (0,56-0,86) |
ANBP2 4,1 ans (médiane) 65-84 ans Hypertension |
6 083 |
Non spécifié |
Enalapril 138/2800 (4,9%) vs Thiazide 200/2826 (7,1%) |
0,66 (0,54-0,85) |
SCOPE 3,7 ans 70-89 ans Hypertension et MMSE ≥24 |
4 937 |
Non spécifié |
Candésartan 93/2167 (4,3%) vs Placebo 115/2175 (5,3%) |
0,81 (0,61-1,02) |
ALPINE 1 an Moyenne 55 ans Hypertension récemment diagnostiquée |
392 |
Mentionné par le médecin ou prescription d’antidiabétique ou 2 GJ≥126 mg/dl |
Candésartan +/- Félodipine 1/196 (0,5%) vs Aténolol +/- HCTZ 8/196 (4%) |
0,13 (0,03-0,99) seuls 9 nouveaux cas de diabète |
CHARM 3,2 ans ≥18 ans Insuffisance cardiaque chronique |
7 599 |
Non spécifié |
Candésartan 163/2715 (6%) vs Placebo 202/2721 (7%) |
0,78 (0,64-0,96) |
SOLVD 3,4 ans 57 ans (moyenne) Insuffisance cardiaque chronique |
4 228 |
2 GJ ≥126 mg/dl |
Enalapril 9/153 (5,9%) vs Placebo 31/138 (22,4%) |
0,26 (0,13-0,53) |
VALUE 4,2 ans ≥50 ans Hypertension et risque cardio-vasculaire élevé |
15 245 |
GJ ≥140 mg/dl |
Valsartan 690/5267 (13,1%) vs Amlodipine 845/5152 (16,4%) |
0,77 (0,69-0,86) |
PEACE 4,8 ans (médiane) ≥50 ans Ischémie coronarienne stable |
8 290 |
Non spécifié |
Trandolapril 335/3432 (9,8%) vs Placebo 399/3472 (11,5%) |
0,83 (0,72-0,96) |
GJ: glycémie à jeun ; MMSE: Mini Mental State Evaluation
Auteurs
Christiaens T.
Klinische Farmacologie, Vakgroep Farmacologie, UGentVakgroep Fundamentele en Toegepaste Medische Wetenschappen, UGent
COI :
Feyen L.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :
Sunaert P.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :
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