Analyse
Insuffisance cardiaque gauche : importance des antagonistes de l’aldostérone
28 08 2011
Professions de santé
L’étude RALES (1) a montré, chez des patients présentant une insuffisance cardiaque sévère (classe NYHA III et IV), une fraction d’éjection ventriculaire gauche <35%, une créatininémie <2,5 mg/dl et une normokaliémie, que l’ajout de spironolactone 25 à 50 mg / jour à un traitement par diurétique de l’anse et IEC (+ digoxine pour la plupart) permettait de réduire la mortalité globale sur 3 mois de suivi : Risque Relatif de 0,70 (IC à 95% de 0,60 à 0,82 ; p<0,001) (2).
Dans les années qui ont suivi cette publication, d’autres recherches ont tempéré l’initiation trop enthousiaste de spironolactone chez des patients présentant une insuffisance cardiaque (3-5). Une étude d’observation canadienne (6) a montré qu’après la publication des résultats de l’étude RALES en 1999, le nombre de prescriptions de spironolactone chez des patients prenant déjà un IEC pour insuffisance cardiaque chronique (ICC) a crû d’un facteur 4,3. La mortalité liée à une hyperkaliémie a augmenté durant la même période de 0,3‰ à 2,0‰ (p<0,001). Prescrire de la spironolactone sans tenir compte des restrictions imposées dans la RCT RALES peut avoir des conséquences nettement négatives (7).
Une méta-analyse (8) de très bonne qualité, publiée en 2009, évalue l’efficacité des antagonistes de l’aldostérone chez des patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche. La recherche effectuée dans la littérature par les auteurs est fort large, sans restriction de langue. Sont incluses, les RCTs avec comparaison versus placebo ou autre traitement actif. Les études sont sélectionnées par 2 auteurs indépendamment l’un de l’autre. Les publications doubles sont exclues. Au total, 19 études (n=10 765) sont incluses dans la méta-analyse : 3 ont un score de Jadad de 5, 5 un score de 4, 7 un score de 3 et 4 un score ≤2. Un funnel plot ne suggère pas de biais de publication. Trois antagonistes de l’aldostérone sont évalués : la spironolactone (N=13), l’éplérone (N=2), et le canrénoate (N=3). Une étude évalue l’association spironolactone-éplérone. L’éplérone est disponible en Belgique (comme la spironolactone) mais elle n’est pas remboursée. Les antagonistes de l’aldostérone diminuent la mortalité globale de 20% (RR de 0,80 ; IC à 95% de 0,74 à 0,87, test I2=0). Une analyse limitée aux études (N=14) incluant des patients en insuffisance cardiaque chronique montre une réduction de 25% de la mortalité globale : RR de 0,75 ; IC à 95% de 0,67 à 0,84, test I2=0. Pour les patients en post infarctus myocardique aigu, la réduction de mortalité totale est de 15% : RR de 0,85 ; IC à 95% de 0,76 à 0,95, test I2=0. Une diminution du nombre des hospitalisations n’est observée que dans les études en ICC. Une analyse de sensibilité montre que la diminution de la mortalité n’est observée que dans les études d’une durée supérieure à 12 mois (dont l’étude EPHESUS (9) la plus importante de toutes, sur 16 mois), études qui montrent aussi un bénéfice précoce. L’exclusion de 2 études ne rapportant que des données limitées ne modifie pas les résultats, ni l’année d’inclusion des patients (recrutement s’étalant sur une période de 10 ans) ni la date de publication. Le traitement de base du patient a varié pendant cette période.
Peu de données sont fournies à propos des patients avec insuffisance cardiaque diastolique ou insuffisance cardiaque moins sévère. Dans les études RALES et EPHESUS, versus groupe placebo, une kaliémie >6 mmol/l n’est observée que dans respectivement 1 et 1,6% des cas. Une RCT récente (10) montre également une réduction de la mortalité grâce à l’éplérone chez des patients avec ICC de classe NYHA II.
Conclusion
Cette méta-analyse montre que l’ajout de spironolactone, d’éplérone ou de canrénoate à un traitement de base chez des patients présentant une insuffisance cardiaque sévère ou une dysfonction ventriculaire gauche après infarctus du myocarde, fait diminuer la mortalité globale de 20%. L’initiation d’un tel traitement doit être réservée à des patients rigoureusement sélectionnés avec surveillance de la fonction rénale et de la kaliémie pour l’initiation et la titration des doses.
Références
- Pitt B, Zannad F, Remme WJ, et al. The effect of spironolactone on morbidity and mortality in patients with severe heart failure. N Engl J Med 1999;341:709-17.
- Lemiengre M. Spironolacton en hartfalen. Minerva 2000;29(7):322-6.
- Schepkens H, Vanbolder R, Billiouw JM, Lameire N. Life threatening hyperkalaemia during combined therapy with ACE inhibitors and spironolactone: an analysis of 25 cases. Am J Med 2001;110:438-41.
- Svenson M, Gustafsson F, Galatius S, et al. Hyperkalaemia and impaired renal function in patients taking spironolactone for congestive heart failure: retrospective study. BMJ 2003;327:1141-2.
- Wrenger E, Müller R, Moesenthin M, et al. Interaction of spironolactone with ACE inhibitors or angiotensin receptor blockers: analysis of 44 cases. BMJ 2003;327:147-9.
- Bozkurt B, Agoston I, Knowlton AA. Complications of inappropriate use of spironolactone in heart failure: when an old medicine spirals out of new guidelines. J Am Coll Cardiol 2003;41:211-4.
- Lemiengre M. La lecture de Minerva nuisible à la santé publique ? MinervaF 2005;4(6):83.
- Ezekowitz JA, McAlister FA. Aldosterone blockade and left ventricular dysfunction: a systematic review of randomized clinical trials. Eur Heart J 2009;30:469-77.
- Pitt B, Remme WJ, Zannad F, et al; Eplerenone Post-Acute Myocardial Infarction Heart Failure Efficacy and Survival Study Investigators. Eplerenone, a selective aldosterone blocker, in patients with left ventricular dysfunction after myocardial infarction.N Engl J Med 2003;348:1309-21.
- Zannad F, McMurray JJ, Krum H, et al; EMPHASIS-HF Study Group. Eplerenone in patients with systolic heart failure and mild symptoms. N Engl J Med 2011;364:11-21.
Auteurs
Lemiengre M.
Huisartsenpraktijk De Wijngaard Roeselare; Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :
Glossaire
Code
Ajoutez un commentaire
Commentaires