Analyse


Contraception d’urgence : l’ulipristal est-il plus efficace que le lévonorgestrel ?


15 05 2018

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Shen J, Che Y, Showell E, et al. Interventions for emergency contraception. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 8. DOI: 10.1002/14651858.CD001324


Conclusion
Cette synthèse méthodique, de bonne qualité méthodologique, montre que l’ulipristal paraît aussi efficace que le lévonorgestrel. Cependant, du fait du peu de données probantes, issues de seulement deux études de non-infériorité, il est encore prématuré pour conclure que l’ulipristal serait plus efficace que le lévonorgestrel. Il faut donc poursuivre la recherche sur l’effet et la sécurité d’emploi de l’ulipristal.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le guide de pratique clinique Domus Medica (2012) recommande, après un contact sexuel non protégé, la prise de lévonorgestrel dans les 3 jours et l’ulipristal ou un stérilet au cuivre dans les 3 à 5 jours (un stérilet au cuivre uniquement pour les femmes chez qui le risque de maladies sexuellement transmissibles est faible et qui ont une préférence pour une contraception à long terme). Le lévonorgestrel n’est pas enregistré pour une utilisation au-delà de 3 jours. L’ulipristal est enregistré pour une utilisation jusqu’à 5 jours maximum. Sur base de la présente synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration, il n’existe pas de preuve convaincante pour considérer l’ulipristal comme premier choix avant le lévonorgestrel, d’autant que l’expérience avec l’ulipristal est encore limitée et qu’il est trois fois plus cher que le lévonorgestrel.



Minerva a commenté en 2003 une étude randomisée contrôlée (RCT) multicentrique examinant l’effet et la sécurité d’emploi de la contraception d’urgence en prévention d’une grossesse non désirée après contact sexuel non protégé (1,2). Cette étude a montré une efficacité identique de la mifépristone 10 mg, du lévonorgestrel à la dose de 2 fois 0,75 mg à 12 heures d’intervalle et du lévonorgestrel en prise unique de 1,5 mg en prévention d’une grossesse non désirée en cas de prise dans les 5 jours suivant un rapport sexuel non protégé. Il n’y avait pas de différences importantes dans les effets indésirables.

 

Une récente synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration avec méta-analyse a comparé l’effet et la sécurité d’emploi de la contraception d’urgence en prévention d’une grossesse non désirée après contact sexuel non protégé (3). 115 RCTs ont été incluses, totalisant 60479 femmes avec comparaison de 25 interventions différentes (notamment la mifépristone à différentes doses, de 5 mg à 600 mg (N = 56), le lévonorgestrel associé à la mifépristone (N = 41), le lévonorgestrel associé dans la méthode Yuzpe (association d’éthinylestradiol et de lévonorgestrel utilisée par le passé) (N = 6), le lévonorgestrel en  prise unique versus plusieurs prises (N = 4), l’ulipristal associé au lévonorgestrel (N = 2) et le stérilet au cuivre associé à la mifépristone (N = 2)). Les auteurs ont choisi le nombre de grossesses comme critère de jugement principal et les effets indésirables et les règles comme critères de jugement secondaires. Pour plus de 75% des études incluses, il y avait un risque indéterminé de biais de sélection (rapport imprécis sur la randomisation et/ou sur le respect du secret d’attribution (concealment of allocation)), de biais de performance et de détection (seules 23 études ont rapporté un double aveugle) et de biais de migration (attrition bias). Les auteurs attirent l’attention sur l’importante hétérogénéité clinique entre les études et sur le fait que la plupart des études ont été menées à petite échelle.

 

De cette synthèse méthodique, nous ne commentons que les résultats des produits utilisés en première ligne de soins en Belgique :

  • versus lévonorgestrel, le risque de grossesse était plus faible avec l’ulipristal (22/1000 versus 13/1000 ; risque relatif (RR) 0,59 avec IC à 95% de 0,35 à 0,99 ; N = 2, n = 3448 ; I² = 0% ; qualité de preuves de niveau élevé selon GRADE) ; cependant, il s’agissait ici de deux études de non-infériorité dont l’une avec une prise dans les 72 heures (4) et l’autre, une étude sponsorisée, avec prise dans les 120 heures (5) ; aucune de ces deux études n’a pu montrer une différence statistiquement significative quant au nombre de grossesses indésirées, ce qui fait que la supériorité de l’ulipristal par rapport au lévonorgestrel n’a pas encore été montrée (6) ; il n’y avait pas de différence quant aux effets indésirables entre l’ulipristal et le lévonorgestrel ; les effets indésirables les plus fréquents étaient légers (céphalées, nausées et troubles menstruels) ; avec l’ulipristal, les règles arrivent plus souvent plus tardivement que prévu, et, avec le lévonorgestrel, elles arrivent plus souvent plus tôt que prévu ; avec le retour plus tardif des règles, les femmes ayant pris l’ulipristal pourraient théoriquement avoir éprouvé plus d’anxiété parce qu’elles n’ont su que plus tardivement qu’elles n’étaient pas enceintes, cela doit toutefois faire encore l’objet d’autres études 
  • une étude (n = 300) a montré que le stérilet au cuivre, mis en place jusqu’à 4 jours après un contact sexuel non protégé, était plus efficace que l’attentisme (nombre de grossesses indésirées : 4/200 versus 22/100, RR 0,09 avec IC à 95% de 0,03 à 0,26) 
  • le lévonorgestrel 1,5 mg en prise unique s’est avéré aussi efficace que le lévonorgestrel en 2 prises de 0,75 mg à 12 heures d’intervalle dans les 3 à 5 jours suivant un contact sexuel non protégé (3 RCTs, dont une a été commentée dans Minerva (1,2) ; qualité de preuves de niveau modéré selon GRADE).

 

Il n’y avait pas d’étude comparant le stérilet au cuivre et le lévonorgestrel ou l’ulipristal.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique, de bonne qualité méthodologique, montre que l’ulipristal paraît aussi efficace que le lévonorgestrel. Cependant, du fait du peu de données probantes, issues de seulement deux études de non-infériorité, il est encore prématuré pour conclure que l’ulipristal serait plus efficace que le lévonorgestrel. Il faut donc poursuivre la recherche sur l’effet et la sécurité d’emploi de l’ulipristal.

 

Pour la pratique

Le guide de pratique clinique Domus Medica (2012) recommande, après un contact sexuel non protégé, la prise de lévonorgestrel dans les 3 jours et l’ulipristal ou un stérilet au cuivre dans les 3 à 5 jours (un stérilet au cuivre uniquement pour les femmes chez qui le risque de maladies sexuellement transmissibles est faible et qui ont une préférence pour une contraception à long terme) (7). Le lévonorgestrel n’est pas enregistré pour une utilisation au-delà de 3 jours. L’ulipristal est enregistré pour une utilisation jusqu’à 5 jours maximum (8). Sur  base de la présente synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration, il n’existe pas de preuve convaincante pour considérer l’ulipristal comme premier choix avant le lévonorgestrel, d’autant que l’expérience avec l’ulipristal est encore limitée et qu’il est trois fois plus cher que le lévonorgestrel.

 

 

Dénomination des médicaments

  • En Belgique, l’ulipristal (Ellaone®), le levonorgestrel (Levodonna®, Norlevo®, Postinor®) et le stérilet au cuivre sont disponibles comme contraception d’urgence (3). La mifépristone n’est pas disponible en Belgique.

 

Références 

  1. Peremans L. Contraception d'urgence: mifépristone versus lévonorgestrel. MinervaF 2003;2(10):164-5.
  2. von Hertzen H, Piaggio G, Ding J, et al; WHO Research Group on Post-ovulatory Methods of Fertility Regulation. Low dose mifepristone and two regimens of levonorgestrel for emergency contraception: a WHO multicentre randomised trial. Lancet 2002; 360:1803-10. DOI: 10.1016/S0140-6736(02)11767-3
  3. Shen J, Che Y, Showell E, et al. Interventions for emergency contraception. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 8. DOI: 10.1002/14651858.CD001324.pub5
  4. Creinin MD, Schlaff W, Archer DF, et al. Progesterone receptor modulator for emergency contraception: a randomized controlled trial. Obstet Gynecol 2006;108: 1089–97. DOI: 10.1097/01.AOG.0000239440.02284.45
  5. Glasier AF, Cameron ST, Fine PM, et al. Ulipristal acetate versus levonorgestrel for emergency contraception: a randomized non-inferiority trial and meta-analysis. Lancet 2010;375:555-62. DOI: 10.1016/S0140-6736(10)60101-8
  6. Chevalier P. Etude de non infériorité : intérêt, limites et pièges. MinervaF 2009;8(7):100.
  7. Peremans L, van Leeuwen E, Delvaux N, Keppens K, Yilkilkan H. Hormonale anticonceptie. Richtlijn voor goede medische praktijkvoering. Huisarts Nu 2012;41:S1-S32.
  8. Conception d’urgence. Répertoire Commenté des Médicaments. CBIP, 2017. URL: http://www.cbip.be/fr/chapters/7?frag=5538&matches=Yuzpe, site web consulté le 20/12/2017.

 

 




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