Analyse
Allongement de l’espérance de vie grâce aux fibres après un cancer colorectal non métastasé
En 1999, Minerva a discuté d’une étude qui montrait que les fibres ne protégeaient pas contre la survenue du cancer du côlon chez les femmes en bonne santé (1,2). Cependant, cette étude présentait quelques limites méthodologiques, comme l’absence de définition claire du régime riche en fibres et le manque de fiabilité de l’estimation de la quantité de fibres dans le régime alimentaire. D’un autre côté, les mêmes données ont permis aux mêmes auteurs de confirmer un effet favorable des fibres alimentaires dans les affections coronariennes, l’hypertension artérielle et le diabète non insulinodépendant. Une synthèse méthodique avec méta-analyse a montré que la consommation de fibres réduisait le risque de cancer du côlon, mais l’effet n’était statistiquement significatif qu’avec les fibres sous forme de céréales. Par portion quotidienne supplémentaire de 10 g de fibres (céréales, de préférence), le risque de cancer du côlon diminuait d’environ 10% (3,4). Les personnes qui tolèrent les céréales ont donc intérêt à en consommer pour prévenir un cancer du côlon. Mais dans quelle mesure les fibres sont-elles encore utiles chez les patients qui ont développé un cancer du côlon ?
Deux études de cohorte prospective (publiées en 2018) ont inclus au total 1575 professionnels de soins de santé ayant un carcinome colorectal de stade I à III (5). La population de l’étude était composée de 61% de femmes faisant partie de l’étude Nurses’ Health Study (2). L’âge moyen était de 68,9 ans (+ 8,9 ans). Plus de 95% des patients ont pu être suivis. La prise de diverses fibres a été suivie au moyen d’un questionnaire validé, pendant au moins 6 mois, mais pas plus de 4 ans après le diagnostic. La mortalité par carcinome colorectal et la mortalité toutes causes confondues ont été évaluées avec correction en tenant compte des facteurs de confusion qui pouvaient favorablement influencer la survie (entre autres la prise de fibres par le passé, l’âge, le sexe, le stade du cancer).
Durant un suivi médian d’une durée de 8 ans, 773 décès ont été constatés, dont 174 dus au carcinome colorectal. Les pourcentages de survie à cinq ans étaient respectivement de 83%, 82% et 72% pour les stades I, II et III. Plus la consommation de fibres était importante, plus la mortalité était faible. Une quantité de 5 g de fibres en plus par jour a entraîné un rapport de hasards (hazard ratio, HR) multivarié de 0,78 (IC à 95% de 0,65 à 0,93 ; p = 0,006) pour la mortalité par carcinome colorectal. Pour la mortalité totale, le HR est égal à 0,86 (IC à 95% de 0,79 à 0,93 ; p = 0,001). Un supplément de 5 g de fibres par jour par rapport à la quantité avant le diagnostic a entraîné une diminution de 18% de la mortalité par carcinome colorectal (IC à 95% de 7 à 28% ; p = 0,002) et une diminution de 14% de la mortalité totale (IC à 95% de 8 à 19% ; p < 0,001). La diminution de la mortalité spécifique du carcinome colorectal a pu être attribuée entièrement aux fibres provenant des céréales. Par portion de 20 g par jour, le risque a été réduit avec un HR de 0,77 (IC à 95% de 0,62 à 0,96 ; après correction pour tenir compte de la consommation totale de fibres). Les fibres provenant des légumes et des fruits n’avaient pas d’influence sur la mortalité spécifique du carcinome colorectal, mais bien sur la mortalité totale.
Conclusion
Cette étude de cohorte correctement menée suggère un effet favorable des fibres provenant des céréales (céréales pour petit-déjeuner, pain, pâtes, riz) sur la mortalité totale et sur la mortalité due au cancer du côlon après un diagnostic de carcinome colorectal non métastasé.
Pour la pratique
Même s’il s’agit ici de résultats positifs provenant d’une seule étude de cohorte, une augmentation de la consommation de fibres provenant de céréales peut être recommandée au patient après un diagnostic de carcinome colorectal non métastasé. Il est peu probable qu’une étude contrôlée soit menée pour confirmer l’effet favorable des fibres. Par ailleurs, les effets indésirables sont pour ainsi dire inexistants.
- Michotte Y. Beschermen voedingsvezels vrouwen tegen colorectale kanker? Minerva 1999;28(8):335-7.
- Fuchs CS, Giovannucci EL, Colditz GA, et al. Dietary fiber and the risk of colorectal cancer and adenoma in women. N Engl J Med 1999;340:169-76. DOI: 10.1056/NEJM199901213400301
- Laekeman G. Plus de fibres, moins de cancers du côlon. Minerva bref 28/09/2012.
- Aune D, Chan DSM, Lau R, et al. Dietary fiber, whole grains and risk of colorectal cancer: systematic review and dose-response meta-analysis of prospective studies. BMJ 2011;343:d6617. DOI: 10.1136/bmj.d6617
- Song M, Wu K, Meyenhardt J, et al. Fiber intake and survival after colorectal cancer diagnosis. JAMA Oncol 2018;4:71-9. DOI: 10.1001/jamaoncol.2017.3684
Auteurs
Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :
Glossaire
analyse multivariéeCode
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