Analyse
Récidive lors de l’arrêt des antidépresseurs en cas de trouble anxieux ?
Minerva a déjà commenté une étude qui montrait que, chez les patients présentant une anxiété généralisée, la venlafaxine (à libération prolongée) était efficace au moins 6 mois, versus placebo (1,2). Comme la venlafaxine n’était pas comparée à d’autres traitements, nous avons conclu que le premier choix thérapeutique dans cette indication restait la thérapie cognitive (ou cognitivo-comportementale) (2). Selon différents guides de pratique clinique, les antidépresseurs ne sont recommandés qu’en cas de forme grave d’anxiété généralisée ou en cas de réponse insuffisante à la psychothérapie (3,4). Il n’existe actuellement que peu de faits probants sur l’utilité d’un traitement à long terme par antidépresseurs en cas de trouble anxieux.
En 2017, une synthèse méthodique (5) a inclus 28 études randomisées, contrôlées par placebo, menées en double aveugle, totalisant 5233 patients qui souffraient d’un trouble anxieux (trouble panique (N = 6), phobie sociale (N = 5), trouble d’anxiété généralisée (N = 6), trouble obsessionnel compulsif (N = 7), stress post-traumatique (N = 4)) et qui répondaient bien à un traitement par antidépresseurs. Ils ont évalué le risque de rechute et le délai jusqu’à la rechute après le passage du traitement initial par antidépresseurs à un placebo, versus la poursuite du traitement. La durée maximale du suivi était de 1 an. Le risque de biais était faible dans la plupart des études. La récidive est survenue plus souvent chez les patients qui avaient arrêté les antidépresseurs que chez ceux qui les avaient poursuivis pendant 8 à 52 semaines (rapport de cotes (RC) 3,11 avec IC à 95% de 2,48 à 3,89). Dans différentes analyses de sous-groupes, on n’a pas constaté de différence statistiquement significative dans la fréquence des récidives en fonction du type de trouble anxieux, de la classe des antidépresseurs, de la manière de diminuer et arrêter les médicaments, de la présence de comorbidités et de la proposition simultanée d’une psychothérapie. Il n’y avait pas non plus de rapport avec la durée du traitement et la durée du suivi. Il importe de préciser que la plupart des études ont exclu les patients qui présentaient une comorbidité. La récidive était plus de deux fois plus fréquente dans le groupe placebo (36,4% vs 16,4%). Le délai jusqu’à la récidive était plus court dans le groupe placebo que dans le groupe sous antidépresseurs (RC 3,63 avec IC à 95% de 2,58 à 5,10). Les antidépresseurs étaient généralement bien tolérés durant le suivi. Nous devons toutefois signaler que ces patients répondaient initialement bien au traitement par antidépresseurs. Le nombre de sorties d’étude dans le groupe placebo était plus élevé (RC 1,31 avec IC à 95% de 1,06 à 1,63), mais on ne sait pas bien si cela doit être attribué à une augmentation des symptômes de sevrage liés à l’arrêt des médicaments ou si c’était la conséquence d’une récidive suite à l’arrêt des médicaments.
Conclusion
Cette synthèse méthodique et méta-analyse montre que, dans l’année qui suit l’arrêt des antidépresseurs chez les patients atteints de trouble anxieux, la récidive est plus fréquente et plus rapide.
Pour la pratique
Chez les patients atteints de trouble anxieux, le choix du traitement dépend du type de symptômes et de leur gravité ainsi que de la présence de comorbidités. Il est recommandé de commencer avec l’intervention la moins invasive permettant de réduire les symptômes d’anxiété. En cas de trouble anxieux entraînant une souffrance légère et peu ou pas d’altération des capacités fonctionnelles sociales, une thérapie cognitivo-comportementale chez le médecin généraliste peut être suffisante. La thérapie cognitivo-comportementale et/ou un antidépresseur sont indiqués chez les patients avec trouble sévère et/ou dont les capacités fonctionnelles sociales sont considérablement altérées ou en cas de comorbidité psychique. En cas d’effet suffisant d’un traitement médicamenteux, le patient poursuit l’antidépresseur pendant au moins 6 à 12 mois après la rémission (3). Cette synthèse méthodique et méta-analyse montre que la probabilité de récidive est élevée lorsque les antidépresseurs sont diminués dans l’année. Comme l’utilité d’un traitement au-delà d’un an n’a pas encore été démontrée, on peut conseiller au patient de diminuer progressivement en 1 à 2 mois. A court terme le médecin généraliste et le patient doivent faire attention, aux symptômes qui peuvent indiquer un syndrome de sevrage (anxiété, tension psychique, vertiges, paresthésies, tremblements, irritabilité, troubles du sommeil, symptômes de type grippe, troubles gastro-intestinaux, le plus souvent après quelques heures ou quelques jours) ou, sur le long terme (le plus souvent après quelques semaines ou quelques mois), à une récidive du trouble anxieux. En cas de symptômes de sevrage, le médicament doit être diminué plus lentement (par exemple par étapes de 3 mois). En cas de récidive, il est recommandé de reprendre les antidépresseurs à la dose à laquelle le patient ne présentait pas de symptômes (3). Lorsqu’on envisage d’arrêter les antidépresseurs chez un patient atteint d’un trouble anxieux dit stabilisé, il est essentiel de suivre scrupuleusement un processus de décision partagée.
- De Meyere M. Venlafaxine bij gegeneraliseerde angst. Minerva 2001;30(10):468-71.
- Gelenberg AJ, Lydiard RB, Rudolph RL, et al. Efficacy of venlafaxine extended-release capsules in nondepressed outpatients with generalized anxiety disorder. JAMA 2000;283:3082-8. DOI: 10.1001/jama.283.23.3082
- Lieke Hassink-Franke, Berend Terluin, Florien van Heest, et al. NHG-Standaard Angst (M62) (tweede herziening). Februari 2012.
- Traitement médicamenteux des troubles de l'anxiété et des troubles associés. Duodecim Medical Publications 1/01/2000. Dernière mise à jour: 19/03/2008.
- Batelaan NM, Bosman RC, Muntingh A, et al. Risk of relapse after antidepressant discontinuation in anxiety disorders, obsessive-compulsive disorder, and post-traumatic stress disorder: systematic review and meta-analysis of relapse prevention trials. BMJ 2017:358:j3927. DOI: 10.1136/bmj.j3927
Auteurs
Catthoor K.
psychiater psychosezorg ZNA PZ Stuivenberg, voorzitter Vlaamse Vereniging voor Psychiatrie
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