Analyse


Les effets à long terme des analogues du GLP-1 sur les résultats cardiovasculaires et rénaux


15 05 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
a/ Holman RR, Bethel MA, Mentz RJ, et al. Effects of once-weekly exenatide on cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2017;377:1228-39. DOI: 10.1056/NEJMoa1612917 b/ Mann JF, Ørsted DD, Brown-Frandsen K, et al. Liraglutide and renal outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2017;377:839-48. DOI: 10.1056/NEJMoa1616011


Conclusion
Actuellement, on ne connaît pas encore l’effet des analogues du GLP-1 sur les aspects « péjoratifs » de l’évolution du patient, tels que les événements cardiovasculaires et l’insuffisance rénale progressive. Une étude portant sur le liraglutide, dont le principal critère de jugement était un critère de jugement cardiovasculaire composite, n’a pas pu montrer d’effet, versus placebo, sur une diminution de la fonction rénale ou sur la survenue d’une néphropathie terminale. On n’a pas pu montrer de gain statistiquement significatif sur le plan cardiovasculaire avec l’exénatide versus placebo chez des patients ayant le diabète de type 2 et d’importants antécédents cardiovasculaires.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le guide de bonne pratique de Domus Medica sur le diabète de type 2 recommande de débuter avec de la metformine lorsque les adaptations du mode de vie n’ont pas permis d’atteindre la valeur cible pour l’HbA1c après trois mois (GRADE 1A). Lorsqu’une monothérapie avec de la metformine ne suffit pas pour atteindre la valeur cible pour l’HbA1c après trois mois, il est proposé d’ajouter un deuxième antidiabétique oral (sulfonylurée/glinide, inhibiteur du DPP-4, glitazone ou inhibiteur du SGLT2) (GRADE 1C). L’European Association for the Study of Diabetes (EASD) et l’American Diabetes Association (ADA) ont récemment formulé de nouvelles recommandations avec des analogues du GLP-1 et des inhibiteurs du SGLT2 comme deuxième choix préférentiel dans le traitement du diabète de type 2 chez les patients présentant une comorbidité cardiovasculaire (après la metformine comme premier choix). Chez les diabétiques qui présentent également une néphropathie chronique sévère ou une insuffisance cardiaque, un inhibiteur du SGLT2 est le premier choix. Ces recommandations de l’ADA/EASD semblent correctes d’après les faits probants actuels. Contrairement aux sulfonylurées et aux inhibiteurs du DPP-4, un effet protecteur sur le plan cardiovasculaire a en effet bien été montré avec les inhibiteurs du SGLT2 et avec certains analogues du GLP-1 (avec le liraglutide mais pas avec l’exénatide ni avec le lixisénatide).



Il y a quelque temps, Minerva a discuté, d’une part, de l’empagliflozine et de la canagliflozine, des inhibiteurs du SGLT2 (1-4) et, d’autre part, du liraglutide, un analogue du GLP-1 (5,6), quant à leur effet sur les résultats cardiovasculaires. Pour l’empagliflozine et la canagliflozine, versus un placebo, une diminution statistiquement significative d’un critère de jugement cardiovasculaire composite combinant la mortalité cardiovasculaire, l’infarctus du myocarde non fatal et l’AVC non fatal a pu être montrée chez des patients ayant le diabète de type 2 et présentant un risque cardiovasculaire élevé (1-4). À propos du liraglutide, malgré un effet favorable versus placebo sur un même critère de jugement cardiovasculaire composite, nous n’avons pas pu tirer de conclusion définitive concernant l’efficacité de cardioprotection en raison d’un déséquilibre entre le groupe intervention et le groupe placebo, déséquilibre induit par le protocole. Il est en effet apparu que le groupe placebo utilisait significativement plus de médicaments hypoglycémiants et que les cas graves d’hypoglycémie y étaient plus nombreux (5,6).

 

Dans la même étude « LEADER » (6), l’effet du liraglutide a également été examiné sur un critère de jugement secondaire rénal prédéfini (survenue de macro-albuminurie, doublement de la créatinine sérique, néphropathie terminale, décès des suites d’une néphropathie) chez les 9340 patients inclus ayant le diabète de type 2 et présentant un risque cardiovasculaire élevé (≥ 50 ans et antécédents d’affection cardiovasculaire ou ≥ 60 ans et au moins un facteur de risque cardiovasculaire) (7). Après un suivi médian de 3,84 ans, le critère de jugement rénal est survenu moins souvent dans le groupe liraglutide que dans le groupe placebo (rapport de hasards (hazard ratio, HR) de 0,78 avec IC à 95% de 0,67 à 0,92). Bien que cette étude n’ait pas la puissance nécessaire pour détecter les critères de jugement rénaux individuels, les résultats suggèrent toutefois que le gain dépend surtout d’une moindre présence de macro-albuminurie. Une moindre présence de macro-albuminurie sans effet immédiat sur les autres critères de jugement rénaux a également été observée dans les études UKPDS (8), ACCORD (9) et ADVANCE (10). Dans ces études, une diminution de la macro-albuminurie a été mise en rapport avec une diminution de l’HbA1c. À ce jour, seuls les inhibiteurs du SGLT2 ont montré un effet statistiquement significatif sur la diminution de la détérioration de la fonction rénale et de la survenue de la néphropathie terminale (3,4,11,12).

Dans une étude randomisée contrôlée pragmatique (13), 14752 patients ayant le diabète de type 2 (durée médiane du diabète 12 ans avec interquartile de 7 à 18 ans et HbA1c médiane de 8,0% avec interquartile de 7,3 à 8,9%), dont 73% ayant des antécédents cardiovasculaires (16% présentant une insuffisance cardiaque), ont été randomisés dans un groupe recevant chaque semaine 2 mg d’exénatide par voie sous-cutanée (n = 7356 patients) et un groupe recevant chaque semaine un placebo (n = 7396 patients). Après un suivi d’une durée (médiane) de 3,2 ans (avec interquartile de 2,2 à 4,4 ans), aucune différence statistiquement significative n’a pu être constatée entre les deux groupes quant au critère de jugement cardiovasculaire composite (combinant mortalité cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal et AVC non fatal) (HR de 0,91 avec IC à 95% de 0,83 à 1,00). Il y avait toutefois bien une différence statistiquement significative quant au critère de jugement secondaire qu’était la mortalité globale (HR de 0,86 avec IC à 95% de 0,77 à 0,96). L’étude ELIXA, menée chez 6068 patients ayant le diabète de type 2 et ayant des antécédents d’infarctus du myocarde ou d’hospitalisation pour angor instable, n’a pas pu montrer, après une durée médiane de 25 mois, de gain statistiquement significatif en termes de mortalité et de morbidité cardiovasculaire avec le lixisénatide versus placebo (14). Tout comme dans l’étude LEADER, on a toutefois pu montrer, avec le sémaglutide, un avantage cardiovasculaire statistiquement significatif versus placebo chez 2735 patients présentant un risque cardiovasculaire élevé, une insuffisance cardiaque chronique ou une néphropathie chronique sévère (15). Cette molécule n’est toutefois pas disponible en Belgique.

Pour le moment, on ne sait donc pas si l’effet cardiovasculaire des analogues du GLP-1 est un effet de classe, ni s’il s’agit d’un effet « absolu » (inhérent à la molécule) ou « relatif » (moins d’événements cardiovasculaires versus sulfamides hypoglycémiants qui sont moins sûrs), et on en ignore le mécanisme sous-jacent. Par contre, les faits probants concernant la protection cardiorénale avec les inhibiteurs du SGLT2 paraissent plus constants. Mais ici aussi, il est nécessaire de poursuivre la recherche sur les mécanismes et éventuellement une meilleure définition des groupes cibles.

 

Conclusion

Actuellement, on ne connaît pas encore l’effet des analogues du GLP-1 sur les aspects « péjoratifs » de l’évolution du patient, tels que les événements cardiovasculaires et l’insuffisance rénale progressive. Une étude portant sur le liraglutide, dont le principal critère de jugement était un critère de jugement cardiovasculaire composite, n’a pas pu montrer d’effet, versus placebo, sur une diminution de la fonction rénale ou sur la survenue d’une néphropathie terminale. On n’a pas pu montrer de gain statistiquement significatif sur le plan cardiovasculaire avec l’exénatide versus placebo chez des patients ayant le diabète de type 2 et d’importants antécédents cardiovasculaires.

 

Pour la pratique

Le guide de bonne pratique de Domus Medica sur le diabète de type 2 (16) recommande de débuter avec de la metformine lorsque les adaptations du mode de vie n’ont pas permis d’atteindre la valeur cible pour l’HbA1c après trois mois (GRADE 1A). Lorsqu’une monothérapie avec de la metformine ne suffit pas pour atteindre la valeur cible pour l’HbA1c après trois mois, il est proposé d’ajouter un deuxième antidiabétique oral (sulfonylurée/glinide, inhibiteur du DPP-4, glitazone ou inhibiteur du SGLT2) (GRADE 1C). L’European Association for the Study of Diabetes (EASD) et l’American Diabetes Association (ADA) ont récemment formulé de nouvelles recommandations (17) avec des analogues du GLP-1 et des inhibiteurs du SGLT2 comme deuxième choix préférentiel dans le traitement du diabète de type 2 chez les patients présentant une comorbidité cardiovasculaire (après la metformine comme premier choix). Chez les diabétiques qui présentent également une néphropathie chronique sévère ou une insuffisance cardiaque, un inhibiteur du SGLT2 est le premier choix. Ces recommandations de l’ADA/EASD semblent correctes d’après les faits probants actuels. Contrairement aux sulfonylurées et aux inhibiteurs du DPP-4, un effet protecteur sur le plan cardiovasculaire a en effet bien été montré avec les inhibiteurs du SGLT2 et avec certains analogues du GLP-1 (avec le liraglutide mais pas avec l’exénatide ni avec le lixisénatide).

 

 

Références 

  1. Wens J. Empagliflozine : quel effet sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires chez les patients atteints de diabète de type 2 ? MinervaF 2016;15(4):98-101.
  2. Zinman B, Wanner C, Lachin JM, et al; EMPA-REG OUTCOME Investigators. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2015;373:2117-28. DOI: 10.1056/NEJMoa1504720
  3. Richard T. Canagliflozine : quel effet sur le risque d’événement cardiovasculaire ou de néphropathie dans le diabète de type 2 ? Minerva bref 15/09/2018.
  4. Neal B, Perkovic V, Mahaffey KW, et al; CANVAS Program Collaborative Group. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. NEJM 2017;377:644-57. DOI: 10.1056/NEJMoa1611925
  5. Vanhaeverbeek M. Le liraglutide est-il sans risque au plan cardiovasculaire dans le traitement du diabète de type 2, ou a-t-il même un effet cardioprotecteur ? Minerva bref 15/02/2017.
  6. Marso SP, Daniels GH, Brown-Frandsen K, et al. Liraglutide and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:311-22. DOI: 10.1056/NEJMoa1603827
  7. Mann JFE, Ørsted DD, Brown-Frandsen K, et al. Liraglutide and renal outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2017;377:839-48. DOI: 10.1056/NEJMoa1616011
  8. UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Effect of intensive blood-glucose control with metformin on complications in overweight patients with type 2 diabetes (UKPDS 34). Lancet 1998;352, 854-65. DOI: 10.1016/S0140-6736(98)07037-8
  9. Gerstein HC, Miller ME, Byington RP, et al. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;358:2545–59. DOI: 10.1056/NEJMoa0802743
  10. Zoungas S, Woodward MLi Q, et al; ADVANCE Collaborative Group. Impact of age, age at diagnosis and duration of diabetes on the risk of macrovascular and microvascular complications and death in type 2 diabetes. Diabetologia 2014;57:2465–74. DOI: 10.1007/s00125-014-3369-7
  11. Wens J. L’empagliflozine prévient-elle la néphropathie chez les patients atteints de diabète de type 2 ? Minerva bref 15/12/2016.
  12. Wanner C, Inzucchi SE, Lachin JM, et al. Progression of kidney disease in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:323-34. DOI: 10.1056/NEJMoa1515920
  13. Holman RR, Bethel MA, Mentz RJ, et al. Effects of once-weekly exenatide on cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2017;377:1228-39. DOI: 10.1056/NEJMoa1612917
  14. Pfeffer MA, Claggert B, Diaz R, et al. Lixisenatide in patients with type 2 diabetes and acute coronary syndrome. N Engl J Med 2015;373:2247-57. DOI: 10.1056/NEJMoa1509225
  15. Marso SP, Bain SC, Consoli A, et al ; SUSTAIN-6 Investigators. Semaglutide and cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:1834-44. DOI: 10.1056/NEJMoa1607141
  16. Bastiaens H, Benhalima K, Cloetens H, et al. Diabète sucré de type 2. Recommandations de Bonne Pratique. SSMG/Domus Medica 2015.
  17. New EASD-ADA consensus guidelines on managing hyperglycaemia in type 2 diabetes launched at EASD meeting. New recommendations include specific drug classes for some patients and enhancing medication adherence. URL: https://diabetologia-journal.org/2018/10/05/new-easd-ada-consensus-guidelines-on-managing-hyperglycaemia-in-type-2-diabetes-launched-at-easd-meeting-new-recommendations-include-specific-drug-classes-for-some-patients-and-enhancing-medication-a/



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