Analyse


Canagliflozine : quel effet sur le risque d’événement cardiovasculaire ou de néphropathie dans le diabète de type 2 ?


15 09 2018

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Neal B, Perkovic V, Mahaffey KW, et al; CANVAS Program Collaborative Group. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. NEJM 2017;377:644-57. DOI: 10.1056/NEJMoa1611925


Conclusion
Cette étude est cohérente avec les résultats de l’étude EMPA-REG précédemment analysée dans Minerva. Elle met en évidence un effet favorable de la canagliflozine versus placebo sur le plan cardiovasculaire chez les patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire. Elle permet d’exclure raisonnablement un effet défavorable de ce médicament sur la fonction rénale. L’excès d’amputations distales avec la canagliflozine par rapport au groupe placebo est toutefois préoccupant. Cette donnée n’était pas disponible pour l’étude EMPA-REG, ce qui ne permet pas d’exclure un effet de classe.


Que disent les guides de pratique clinique ?
La dernière réunion de consensus de l’INAMI en rapport avec le diabète rappelle que tous les guides de pratique clinique affirment que les cibles glycémiques doivent être individualisées sur base des caractéristiques du patient. La recommandation actuelle de Domus Medica préconise de commencer avec de la metformine lorsque la valeur cible pour l’HbA1c n’est pas atteinte (après une période de 3 mois) en adaptant le mode de vie (GRADE 1A). Un deuxième antidiabétique oral (sulfonylurée/glinide, inhibiteur de la DPP-4, glitazone ou inhibiteur du SGLT2) est ajouté lorsque, sous metformine en monothérapie, les valeurs cibles individuelles n’ont pas été atteintes après une période de 3 mois (GRADE 1C). Les inhibiteurs du SGLT2 (inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2) présentent l’avantage de ne pas provoquer d’hypoglycémie, d’entraîner une perte de poids et de diminuer la pression artérielle. L’étude discutée ici confirme également leur efficacité en termes cardiovasculaire et rénal. Cependant, cette étude attire l’attention sur un effet indésirable possible de la canagliflozine, à savoir les amputations distales (principalement de l’avant-pied), ce qui doit inciter le praticien à la prudence car un effet de classe ne peut être exclu.



L’efficacité et la sécurité des gliflozines chez les patients présentant un diabète de type 2 ont déjà été commentées dans Minerva (1,2).

Ces médicaments sont des inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 au niveau rénal (appelés également SGLT2 inhibiteurs, correspondants au suffixe -gliflozine) et constituent une catégorie récente de médicaments antidiabétiques. Ils agissent en diminuant la réabsorption rénale du glucose, provoquant une glycosurie, jouant un rôle régulateur direct de la glycémie, mais également via une diminution du poids corporel et de la pression artérielle par effet diurétique. Leur profil d’effets indésirables est différent des autres médicaments antidiabétiques, avec notamment un risque d’acidocétose euglycémique et des infections urogénitales, mais peu ou pas d’augmentation du risque d’hypoglycémie. Dans un précédent numéro de Minerva (3), l’étude EMPA-REG (4) a également fait l’objet d’une analyse critique. Ayant étudié l’effet de l’empagliflozine chez le patient atteint de diabète de type 2 à haut risque cardiovasculaire, l’analyse de Minerva avait conclu que l’étude, de bonne qualité méthodologique, avait permis de mettre en évidence un meilleur résultat que le placebo sur le plan cardiovasculaire et une plus faible mortalité. Toutefois, il ne permettait pas d’établir la place de ce médicament au sein de l’arsenal antidiabétique, en raison d’un recul insuffisant et d’un manque d’études comparatives.

 

La procédure de développement et la mise sur le marché de nouveaux antidiabétiques impliquent la réalisation d’études de sécurité cardiovasculaire, comparant le nouveau médicament au placebo, en non-infériorité, sur un critère cardiovasculaire. Certaines de ces études ont été conçues de manière séquentielle, avec une possibilité d’une seconde analyse en supériorité. C’est le cas de l’étude CANVAS (Canagliflozin Cardiovascular Assessment Study), qui fait l’objet de la présente analyse (5) : elle a comparé l‘ajout de canagliflozine à un traitement standard versus placebo, chez un groupe de patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire, avec pour critère de jugement la survenue d’événement cardiovasculaire ou rénal.

L’étude CANVAS est une étude multicentrique, randomisée en double insu, comportant plusieurs groupes, dont un groupe placebo et trois groupes de patients traités par différentes doses de canagliflozine (de 100 mg à 300 mg/j). L’étude était en deux parties : l’étude CANVAS, visant seulement à déterminer la sécurité cardiovasculaire du traitement et l’étude CANVAS-R visant à déterminer également son efficacité sur la fonction rénale (5-7). Les critères d’inclusion étaient l’existence d’un diabète de type 2 associés à d’autres facteurs de risque cardiovasculaires, notamment : une maladie athéromateuse symptomatique, ou un âge supérieur à 50 ans et présence d’au moins deux autres facteurs de risque, tels qu’une durée d’évolution supérieure à 10 ans, une albuminurie, un taux de HDL-cholestérol inférieur à 39 mg/dl, ou une pression artérielle systolique supérieure à 140 mm Hg. Le critère de jugement principal était un critère composite, associant le décès lié à une cause cardiovasculaire, l’infarctus du myocarde non-fatal et l’accident vasculaire non-fatal. La conception était de type séquentiel, en non infériorité (avec une marge de 1,3), puis en supériorité. Plusieurs événements d’intérêt étaient répertoriés, en vue d’évaluer la sécurité du traitement, notamment le nombre de fractures et d’amputations distales. 10142 patients ont été inclus, avec un âge moyen de 63,3 ans, 35,8% de femmes, une durée moyenne du diabète de 13,5 ans et dont 65,6% des patients avaient eu un antécédent cardiovasculaire personnel.

Au terme d’un suivi de 188 semaines en moyenne, l’incidence du critère de jugement principal est de 26,9/1000 patients-année dans le groupe traité versus 31,5 dans le groupe placebo : HR de 0,86 (avec IC à 95% de 0,75 à 0,97), significatif pour la non-infériorité    (p < 0,001) et la supériorité (p = 0,02). Les résultats sont également significatifs pour un critère de jugement secondaire rénal composite (réduction soutenue de 40% du taux de filtration glomérulaire estimé, la nécessité d'une thérapie de remplacement rénal, ou le décès d’origine rénale) avec un HR à 0,6 (avec IC à 95% de 0,47 à 0,77) et un p < 0,01 pour la non-infériorité. Les résultats montrent également une régression plus fréquente de l’albuminurie sous canagliflozine : HR de 1,70 (avec IC à 95% de 1,51 à 1,91). Les effets indésirables observés sont cohérents avec ceux observés dans d’autres études. Cependant, elle montre également un risque d’amputation distale (orteil ou métatarse) significativement supérieur dans le groupe canagliflozine : HR de 1,97 (avec IC à 95% de 1,41 à 2,75) principalement chez les patients ayant une maladie vasculaire périphérique ou un antécédent personnel d’amputation.

A remarquer que près de 30% des patients dans chaque groupe avaient arrêté leur traitement.

 

Conclusion  

Cette étude est cohérente avec les résultats de l’étude EMPA-REG précédemment analysée dans Minerva. Elle met en évidence un effet favorable de la canagliflozine versus placebo sur le plan cardiovasculaire chez les patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire. Elle permet d’exclure raisonnablement un effet défavorable de ce médicament sur la fonction rénale. L’excès d’amputations distales avec la canagliflozine par rapport au groupe placebo est toutefois préoccupant. Cette donnée n’était pas disponible pour l’étude EMPA-REG, ce qui ne permet pas d’exclure un effet de classe.

 

En pratique

La dernière réunion de consensus de l’INAMI en rapport avec le diabète rappelle que tous les guides de pratique clinique affirment que les cibles glycémiques doivent être individualisées sur base des caractéristiques du patient (8). La recommandation actuelle de Domus Medica (9) préconise de commencer avec de la metformine lorsque la valeur cible pour l’HbA1c n’est pas atteinte (après une période de 3 mois) en adaptant le mode de vie (GRADE 1A). Un deuxième antidiabétique oral (sulfonylurée/glinide, inhibiteur de la DPP-4, glitazone ou inhibiteur du SGLT2) est ajouté lorsque, sous metformine en monothérapie, les valeurs cibles individuelles n’ont pas été atteintes après une période de 3 mois (GRADE 1C). Les inhibiteurs du SGLT2 (inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2) présentent l’avantage de ne pas provoquer d’hypoglycémie, d’entraîner une perte de poids et de diminuer la pression artérielle. L’étude discutée ici confirme également leur efficacité en termes cardiovasculaire et rénal. Cependant, cette étude attire l’attention sur un effet indésirable possible de la canagliflozine, à savoir les amputations distales (principalement de l’avant-pied), ce qui doit inciter le praticien à la prudence car un effet de classe ne peut être exclu.

 

 

Nom de marque

  • canagliflozine: Invokana®

  

Références 

  1. Vanhaeverbeek M. Efficacité et sécurité des gliflozines chez les patients diabétiques de type 2. MinervaF 2015;14(5):53-4.
  2. Monami M, Nardini C, Mannuci E. Efficacy and safety of sodium glucose co-transport-2 inhibitors in type 2 diabetes: a meta-analysis of randomized clinical trials. Diabetes Obes Metab 2014,16:457-66. DOI: 10.1111/dom.12244
  3. Wens J. Empagliflozine : quel effet sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires chez les patients atteints de diabète de type 2 ? MinervaF 2016 :15(4):98-101.
  4. Zinman B, Wanner C, Lachin JM, et al. EMPA-REG OUTCOME Investigators. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2015;373:2117-28. DOI: 10.1056/NEJMoa1504720
  5. Neal B, Perkovic V, Mahaffey KW, et al; CANVAS Program Collaborative Group. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. NEJM 2017;377:644-57. DOI: 10.1056/NEJMoa1611925
  6. Neal B, Perkovic V, de Zeeuw D, et al. Rationale, design, and baseline characteristics of the Canagliflozin Cardiovascular Assessment Study (CANVAS) - a randomized placebo-controlled trial. Am Heart J 2013;166:217-223.e11. DOI: 10.1016/j.ahj.2013.05.007
  7. Neal B, Perkovic V, Matthews DR, et al. Rationale, design and baseline characteristics of the CANagliflozin cardio-Vascular Assessment Study-Renal (CANVAS-R): a randomized, placebo-controlled trial. Diabetes Obes Metab 2017;19:387-93. DOI: 10.1111/dom.12829
  8. INAMI. L’usage rationnel des agonistes du récepteur du GLP-1 en cas de diabète de type 2. Réunion de consensus du 17 novembre 2016. Résumé de l’analyse de la littérature.
  9. Bastiaens H, Benhalima K, Cloetens H, et al. Diabète sucré de type 2. Recommandations de bonne pratique. SSMG 2015.

 

 

 




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