Analyse


Rôle de l’ajout de l’alirocumab (anti PCSK9) à un traitement hypocholestérolémiant optimal après un syndrome coronarien aigu


01 02 2020

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Schwartz GG, Steg PG, Szarek M, et al. Alirocumab and cardiovascular outcomes after acute coronary syndrome. N Engl J Med 2018;379:2097‑107. DOI: 10.1056/NEJMoa1801174


Conclusion
Chez les patients ayant déjà présenté un syndrome coronarien aigu et chez lesquels les taux de lipides étaient supérieurs aux seuils spécifiés malgré l'administration d'atorvastatine ou de rosuvastatine à une dose d'intensité élevée ou à la dose maximale tolérée, le risque de décès par cardiopathie coronarienne, d’infarctus du myocarde non mortel, d’accident vasculaire cérébral ischémique mortel ou non, ou d’angor instable nécessitant une hospitalisation est plus faibles chez ceux qui ont été traités par alirocumab que chez ceux qui ont reçu un placebo. Ces avantages ont été observés avec une stratégie d’ajustement de la posologie de l’alirocumab visant un taux de cholestérol LDL compris entre 25 et 50 mg/dl tout en évitant des taux soutenus inférieurs à 15 mg/dl.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Dans les recommandations de pratique clinique de 2016 de la Société Européenne de cardiologie, basées sur un consensus d’experts, les inhibiteurs de PCSK9 comme l’alirocumab peuvent être pris en considération en cas de syndrome coronarien aigu pour faire baisser la cholestérolémie chez des patients avec un taux de cholestérol LDL restant trop élevé sous dose maximale tolérée de statine en association ou non avec de l’ézétimibe ou en cas d’intolérance aux statines. L’étude présentement analysée confirme les données préliminaires publiées avec ce médicament en 2015. Il faut cependant bien garder à l’esprit que l’effet clinique est assez modéré, que l’étude a été réalisée avec la participation de nombreux centres disséminés sur toute la planète et surtout qu’il s’agit d’un sous-groupe très particulier de patients, à savoir celui qui garde un taux cholestérol LDL trop élevé sous traitement hypocholestérolémiant considéré comme optimal.



L’alirocumab est un anticorps monoclonal dirigé contre la proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9), enzyme impliquée dans la régulation des récepteurs hépatiques du LDL-cholestérol. Comme son analogue, l’évolocumab, il est proposé comme traitement de certaines pathologies liées à une hypercholestérolémie. Une étude randomisée (2) discutée dans Minerva en 2017 (1) a testé l’évolocumab chez des sujets présentant une pathologie cardiovasculaire athérosclérotique et un LDL-cholestérol d’au moins 70 mg/dl sous statine et autres médications cardiovasculaires. Elle a montré un bénéfice limité de l’ajout d’évolocumab par rapport au placebo en termes de morbidité cardiovasculaire mais sans effet significatif sur la mortalité (globale ou cardiovasculaire) sur une période d’étude médiane de 26 mois, peut-être encore trop limitée dans le temps que pour pouvoir montrer des résultats probants sur des critères de jugement forts. L’alirocumab n’a pas pu montrer jusqu’à présent une activité probante en prévention cardiovasculaire dans l’hypercholestérolémie (3), y compris dans l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote (4).

L’alirocumab a été évalué dans un essai randomisé publié en 2018 (5) après un syndrome coronarien aigu (SCA) survenu chez des patients recevant un traitement par statine à haute intensité dans un contexte d’hypercholestérolémie persistante.

Cet essai, appelé « ODYSSEY OUTCOMES » (financé et conduit par Sanofi et Regeneron Pharmaceuticals), teste l’hypothèse selon laquelle le traitement à l’alirocumab réduirait le risque d’événements cardiovasculaires ischémiques récurrents par rapport au placebo chez des patients ayant présenté un syndrome coronarien aigu de 1 à 12 mois avant l’inclusion et avec des taux de lipoprotéines athérogènes dépassant, malgré l'administration de statines à une dose d'intensité élevée (atorvastatine 40 à 80 mg/j une fois par jour, rosuvastatine 20 à 40 mg/j) ou à la dose maximale tolérée d’une de ces deux statines, les seuils suivants : LDL-cholestérol ≥ 70 mg/dl, non HDL-cholestérol ≥ 100 mg/dl ou apolipoprotéine B ≥ 80 mg/dl.

L’alirocumab a été débuté à la dose de 75 mg en sous-cutané toutes les deux semaines avec ajustement de la dose selon des algorithmes pour cibler un taux de cholestérol LDL de 25 à 50 mg/dl et pour éviter des taux soutenus inférieurs à 15 mg/dl.

Le critère de jugement principal était un critère composite de décès par cardiopathie coronarienne, infarctus du myocarde non mortel, accident vasculaire cérébral ischémique mortel ou non fatal ou angor instable nécessitant une hospitalisation. Au total, 18924 patients ont été randomisés sur 1315 sites dans 57 pays : 9462 au groupe alirocumab et 9462 au groupe placebo. Le terme SCA désignait soit un infarctus du myocarde (chez 83,0% des patients), soit un angor instable (chez 16,8%). La plupart des patients (92,1%) se sont qualifiés avec un taux de cholestérol LDL ≥ 70 mg/dl ; la majorité des patients restants (7,2%) ne rencontraient que le critère du cholestérol non HDL. Le délai médian entre le SCA et la randomisation était de 2,6 mois.

Un événement du critère de jugement composite principal est survenu chez 903 patients (9,5%) du groupe alirocumab versus 1052 patients (11,1%) du groupe placebo, avec une probabilité respective à 4 ans de 12,5% versus 14,5% (risque relatif de 0,85 avec IC à 95% de 0,78 à 0,93 ; p < 0,001). Pour prévenir la survenue d'un événement principal, 49 patients (avec IC à 95% de 28 à 164) devraient être traités pendant 4 ans. L’analyse des critères de jugement secondaires ne montre pas de diminution significative de la mortalité cardiovasculaire. Il n’y a pas eu de différence d'incidence d’effets indésirables entre les groupes alirocumab et placebo à l'exception de la réaction locale au site d'injection plus fréquente avec le traitement expérimental (3,8% vs 2,1%).

Les points suivants sont à soulever : il s’agit d’un sous-groupe très particulier de patients, à savoir celui qui garde un taux cholestérol LDL trop élevé sous traitement hypocholestérolémiant considéré comme optimal, l’effet clinique est assez modéré, l’étude a été réalisée avec la participation de nombreux centres disséminés sur toute la planète. À remarquer aussi que les analyses montrent que le bénéfice clinique est plus important si le taux de LDL-cholestérol est supérieur à 100 mg/dl au moment de l’inclusion. Les auteurs signalent également ne pas savoir si l'innocuité et l'efficacité de l'alirocumab ont été influencées par la stratégie d'ajustement de la dose en aveugle, conçue pour atténuer la survenue de taux très bas de cholestérol LDL. Prudents, ils reconnaissent que ni leur essai, ni l’essai FOURIER (2) avec l’évolocumab, ne peut prédire pleinement l'innocuité à long terme du traitement avec un anticorps monoclonal PCSK9.

 

Conclusion

Chez les patients ayant déjà présenté un syndrome coronarien aigu et chez lesquels les taux de lipides étaient supérieurs aux seuils spécifiés malgré l'administration d'atorvastatine ou de rosuvastatine à une dose d'intensité élevée ou à la dose maximale tolérée, le risque de décès par cardiopathie coronarienne, d’infarctus du myocarde non mortel, d’accident vasculaire cérébral ischémique mortel ou non, ou d’angor instable nécessitant une hospitalisation est plus faibles chez ceux qui ont été traités par alirocumab que chez ceux qui ont reçu un placebo. Ces avantages ont été observés avec une stratégie d’ajustement de la posologie de l’alirocumab visant un taux de cholestérol LDL compris entre 25 et 50 mg/dl tout en évitant des taux soutenus inférieurs à 15 mg/dl.

 

Pour la pratique

Dans les recommandations de pratique clinique de 2016 de la Société Européenne de cardiologie (6), basées sur un consensus d’experts, les inhibiteurs de PCSK9 comme l’alirocumab peuvent être pris en considération en cas de syndrome coronarien aigu pour faire baisser la cholestérolémie chez des patients avec un taux de cholestérol LDL restant trop élevé sous dose maximale tolérée de statine en association ou non avec de l’ézétimibe ou en cas d’intolérance aux statines. L’étude présentement analysée confirme les données préliminaires publiées avec ce médicament en 2015 (7). Il faut cependant bien garder à l’esprit que l’effet clinique est assez modéré, que l’étude a été réalisée avec la participation de nombreux centres disséminés sur toute la planète et surtout qu’il s’agit d’un sous-groupe très particulier de patients, à savoir celui qui garde un taux cholestérol LDL trop élevé sous traitement hypocholestérolémiant considéré comme optimal.

 

 

Références 

  1. Chevalier P. Intérêt de l’ajout de l’évolocumab (anti PCSK9) à une statine pour diminuer les évènements cardiovasculaires ? MinervaF 2017;16(9):231-5.
  2. Sabatine MS, Giugliano RP, Keech AC, et al; FOURIER Steering Committee and Investigators. Evolocumab and clinical outcomes in patients with cardiovascular disease. N Engl J Med 2017;376:1713-22. DOI: 10.1056/NEJMoa1615664
  3. Prescrire Rédaction. Alirocumab (Praluent). Un autre « mab » dans l’hypercholestérolémie sans efficacité clinique démontrée. Rev Prescrire 2016;36:331-4.
  4. Prescrire Rédaction. Hypercholestérolémie familiale hétérozygote. Alirocumab: toujours pas d’efficacité en prévention cardiovasculaire. Rev Prescrire 2018;38:288-9.
  5. Schwartz GG, Steg PG, Szarek M, et al. Alirocumab and cardiovascular outcomes after acute coronary syndrome. N Engl J Med 2018;379:2097-107. DOI: 10.1056/NEJMoa1801174.
  6. Authors/Task Force Members, Catapano AL, Graham I, De Backer G, et al. 2016 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: the Task Force for the Management of Dyslipidaemias of the European Society of Cardiology (ESC) and European Atherosclerosis Society (EAS) Developed with the special contribution of the European Association for Cardiovascular Prevention & Rehabilitation (EACPR). Atherosclerosis. 2016;253:281-344. DOI: 10.1016/j.atherosclerosis.2016.08.018
  7. Robinson JG, Farnier M, Krempf M, et al. Efficacy and safety of alirocumab in reducing lipids and cardiovascular events. N Engl J Med 2015;372:1489-99. DOI: 10.1056/NEJMoa1501031

 

 

 

 


Auteurs

Sculier J.P.
Institut Jules Bordet; Laboratoire de Médecine Factuelle, Faculté de Médecine, ULB
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