Analyse


Régime riche en fibres et céréales complètes : intérêt chez les patients diabétiques ?


03 09 2021

Professions de santé

Diététicien, Médecin généraliste
Analyse de
Reynolds AN, Akerman AP, Mann J. Dietary fibre and whole grains in diabetes management: systematic review and meta-analyses. PLoS Med 2020;17:e1003053. DOI: 10.1371/journal.pmed.1003053


Conclusion
Cette revue systématique et méta-analyse, de qualité méthodologique satisfaisante mais incluant des études présentant une forte hétérogénéité, tend à montrer qu’une alimentation enrichie en fibres, sans préjuger du type de fibre, est opportune pour les patients diabétiques, quel que soit le type de diabète (en dehors du diabète gestationnel pour lequel nous ne disposons pas de données).



 

L’effet de l’alimentation enrichie en fibres (solubles ou non) sur la santé des patients diabétiques est de plus en plus étudié (1-4). Minerva a analysé récemment l’une d’entre elle (4,5), revue systématique avec méta-analyse qui montrait un effet bénéfique de la supplémentation en fibres visqueuses sur le contrôle du diabète de type 2, notamment pour les patients les moins bien équilibrés (HbA1c élevée, indice d’insulinorésistance plus important) lorsque ce régime était associé à leur prise en charge habituelle (traitements médicamenteux usuels).

Cette nouvelle revue systématique et méta-analyse (6) complète la précédente analyse en prenant en compte cette fois non pas les seules fibres solubles, mais les deux types de fibres alimentaires indifféremment, et surtout, en mesurant leur impact sur des paramètres cliniques (mortalité, poids) et biologiques (bilan lipidique) en sus.

Son objectif est d’évaluer le rôle des régimes riches en fibres sur la mortalité totale et cardiovasculaire des patients diabétiques (quel que soit le type de diabète, même si aucun essai n’a inclus de diabète gestationnel), l’équilibre glycémique, certains facteurs de risque cardiovasculaires classiques (poids, BMI, cholestérol total, LDL et triglycérides, notamment) et l’inflammation (CRP). Pour cela, 44 études ont été incluses, dont 2 études prospectives internationales (7,8) (pour un total de 8300 patients, 6192 diabètes de type 2 et 2108 diabètes de type 1, suivis sur une durée moyenne de 8,8 ans) et 42 essais comparatifs (1789 patients), portant sur des sujets atteints de prédiabète*, diabète de type 1 ou de type 2. Seuls les essais d’une durée de plus de 6 semaines ont été sélectionnés, délai minimum estimé par le DNSG (Groupe d’étude diabète et nutrition de l’Association européenne du diabète) pour voir une modification de l’HbA1c.

Les résultats poolés sont exprimés en différence moyenne (mean differences : MD) entre la mesure avant intervention et celle après régime riche en fibres. Au total, les cohortes prospectives ont révélé une réduction absolue de la mortalité toute cause estimée à 35% (avec IC à 95% de 10 à 48%) ; soit 14 décès de moins pour 1000 patients (avec IC à 95% de 4 à 19) lorsqu’on compare une consommation journalière de 35 g de fibres à la prise moyenne de 19 g, pour un suivi moyen de 8,8 ans. Une réduction comparable entre les groupes de la mortalité par cause cardiovasculaire a été observée, avec un risque relatif estimé à 0,61 (avec IC à 95% de 0,26 à 1,42 ; p = 0,811). Une relation de type dose-effet a par ailleurs clairement été mise en évidence, en particulier lorsqu’on augmente la teneur en fibre entre 16 et 25 g/jour, mais perceptible sur l’ensemble de l’intervalle 15 – 32 g/jour.

L’enrichissement en fibres a montré par ailleurs des effets bénéfiques sur le contrôle glycémique dans plusieurs essais comparatifs : réduction de la valeur d’HbA1c (MD de – 2,00 mmol/l avec un IC à 95% de -3,30 à -0,71) dans 33 d’entre eux, cette diminution étant d’autant plus importante lorsque le poids des participants n’était pas contrôlé. La glycémie à jeun (MD de – 0,56 mmol/l avec IC à 95% de -0,73 à -0,38) était abaissée dans 34 essais, en particulier lorsque les patients comorbides étaient inclus. Enfin, l’insulinémie (MD standardisée de -2,03 avec IC à 95% de – 2,92 à -1,13) et l’indice HOMA d’insulinorésistance (- 1,24 mg/dl avec IC à 95% de -1,72 à -0,76) étaient également améliorés, respectivement dans 19 et 9 essais comparatifs.

Là aussi, une relation dose-effet était observée entre la prise de fibres et la réduction de l’HbA1c (maximale pour une augmentation de la consommation de 20 à 70% par rapport à la prise de fibres en baseline) et de la glycémie à jeun (visible surtout pour les augmentations importantes, entre 60 et 120% de supplémentation par rapport à la baseline).

En outre, certains facteurs de risque cardiovasculaires ont été faiblement mais significativement améliorés, tels que la cholestérolémie totale (MD de -0,34 mmol/l, avec IC à 95% de -0,46 à -0,22 dans 27 essais), avec mise en évidence d’une relation dose-effet intéressante pour une prescription de fibres entre 15 et 30 g/jour. Le LDL-cholestérol (-0,17 mmol/l**, IC à 95% de – 0,27 à -0,08 dans 21 essais) et la triglycéridémie (-0,16 mmol/l, IC à 95% de -0,23 à -0,09 dans 28 essais) étaient également améliorés.

Toutefois, au vu de ces modestes effets, s’il existe une différence statistiquement significative, sa pertinence clinique est difficilement perceptible.

Le poids (- 0,56kg, avec IC à 95% de -0,98 à -0,13 sur 18 essais) et le BMI (-0,36 avec IC à 95% de -0,55 à -0,16 sur 14 essais) ont également été discrètement réduits, alors même qu’aucune mesure hypocalorique n’était associée. Cela n’était cependant pas assorti d’une relation dose-effet.

En dépit de la bonne qualité méthodologique de l’étude, les résultats sont à nuancer par la forte hétérogénéité inter-études, avec un indice I² supérieur à 90% sur l’ensemble des résultats. Elle s’explique notamment par la grande variété des essais inclus, tant en termes d’effectifs, de fibres considérées (solubles ou non), d’intervention nutritionnelle (compléments, aliments naturels, simples conseils ou contrôle des prises alimentaires) et des populations considérées. L’inclusion d’essais où les aliments ne sont pas fournis par les investigateurs offre une meilleure transférabilité mais laisse le doute sur la possibilité de facteurs confondants (association à un régime pauvre en sucre raffiné ou en graisse saturé par exemple), et certains effectifs minimes (8 personnes) ou intervention infime (augmentation 1 g/jour de fibres) peuvent notamment être en cause dans cet I² élevé, tout comme le niveau de consommation de fibres avant l’étude (baseline) et le pays où était conduit l’essai.

En conclusion, le régime riche en fibres semble intéressant pour les patients diabétiques, quel que soit le type de diabète et quel que soit le type de fibres consommées. Un apport de 35 g par jour (10 g de plus que la recommandation en population générale) ou une augmentation de 15 g par rapport à ce que consomme actuellement le patient parait fournir les meilleurs résultats en termes de réduction de la mortalité, équilibre glycémique et lipidique. L’intérêt, et l’apport de cette analyse par rapport aux précédentes, tient également dans la mise en évidence d’une relation dose-effet entre la teneur en fibres et la réduction de la mortalité (toute cause et cardiovasculaire), et l’amélioration du contrôle diabétique, qui n’avait jusqu’ici jamais été retrouvé, y compris dans l’analyse Minerva susmentionnée (5).

 

* Ou hyperglycémie modérée à jeun, définie par une valeur glycémique comprise entre 1,10 g/l et  1,25 g/l. (9)

 

** Différence moyenne observée sur les paramètres lipidiques, exprimée en g/l

Conversion (mmol/lL × 0,387 = g/l)

Cholestérol total

LDL-cholestérol

Triglycéridémie

-0,13 g/l

-0,066 g/l

-0,062 g/l

 

  

Que disent les guides pour la pratique clinique ?

La société francophone de diabétologie recommande un apport suffisant en fibres y compris dans la population générale, sans précision sur le type de fibres, et indique que des apports « supérieurs à 25 g seraient bénéfiques pour le maintien du poids et la diminution du risque de maladie cardiaque et du diabète de type 2 » (10). Les personnes diabétiques sont encouragées à consommer au moins les apports en fibres recommandés pour la population générale, voire augmenter leurs apports, de préférence avec des aliments comme les légumes, les légumineuses (haricots secs, pois, lentilles), les fruits, et les céréales complètes ou avec des suppléments de fibres qui peuvent aider modestement à réduire l’HbA1c (11).

 

Conclusion

Cette revue systématique et méta-analyse, de qualité méthodologique satisfaisante mais incluant des études présentant une forte hétérogénéité, tend à montrer qu’une alimentation enrichie en fibres, sans préjuger du type de fibre, est opportune pour les patients diabétiques, quel que soit le type de diabète (en dehors du diabète gestationnel pour lequel nous ne disposons pas de données).

 

 

Références 

  1. Vuksan V, Rogovik AL, Jovanovski E, Jenkins AL. Fiber facts: benefits and recommendations for individuals with type 2 diabetes. Curr Diab Rep 2009;9:405-11. DOI: 10.1007/s11892-009-0062-1
  2. Post RE, Mainous AG 3rd, King DE, Simpson KN. Dietary fiber for the treatment of type 2 diabetes mellitus: a meta-analysis. J Am Board Fam Med 2012;25:16-23. DOI: 10.3122/jabfm.2012.01.110148
  3. Silva FM, Kramer CK, de Almeida JC, et al. Fiber intake and glycemic control in patients with type 2 diabetes mellitus: a systematic review with meta-analysis of randomized controlled trials. Nutr Rev 2013;71:790-801. DOI: 10.1111/nure.12076
  4. Jovanovski E, Khayyat R, Zurbau A, et al. Erratum. Should viscous fiber supplements be considered in diabetes control? Results from a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Care 2019;42:755-66. DOI: 10.2337/dc18-1126
  5. Diehl J. Faut-il supplémenter les patients diabétiques de type 2 en fibres solubles ? Minerva bref 15/11/2020.
  6. Reynolds AN, Akerman AP, Mann J. Dietary fibre and whole grains in diabetes management: systematic review and meta-analyses. PLoS Med 2020;17:e1003053. DOI: 10.1371/journal.pmed.1003053
  7. Burger KN, Beulens JW, van der Schouw YT, et al. Dietary fiber, carbohydrate quality and quantity, and mortality risk of individuals with diabetes mellitus. PLoS One 2012;7:e43127. DOI: 10.1371/journal.pone.0043127
  8. Schoenaker DA, Toeller M, Chaturvedi N, et al; EURODIAB Prospective Complications Study. Dietary saturated fat and fibre and risk of cardiovascular disease and all-cause mortality among type 1 diabetic patients: the EURODIAB Prospective Complications Study. Diabetologia 2012;55:2132-41. DOI: 10.1007/s00125-012-2550-0
  9. World Health Organization. Definition and diagnosis of diabetes mellitus and intermediate hyperglycemia: report of a WHO/IDF consultation, 2006.
  10. Diabète de type 2 de l’adulte. Nutrition –Alimentation- Comportement alimentaire – Education thérapeutique – évaluation des pratiques. Société francophone du diabète, 2014. URL: https://www.sfdiabete.org/sites/www.sfdiabete.org/files/files/ressources/referentiel_mars2014.pdf
  11. Unisanté. Alimentation et diabète. RPC10. Centre universitaire de médecine générale et santé publique Lausanne 01/2021. URL : https://www.recodiab.ch/RPC10_alimentation.pdf

 

Tableau comparatif des deux analyses Minerva sur les relations entre fibres et diabète.

 

Etude 1 (ref. 5)

Should Viscous Fiber Supplements Be Considered in Diabetes Control? Results From a Systematic Review and Meta-analysis of Randomized Controlled Trials

Etude 2 (analyse ici)

Dietary fibre and whole grains in diabetes

management: Systematic review and meta-analyses

Type d’étude

Revue systématique + Méta-analyse

Source

Embase, Medline, Cochrane Central Register of controlled trials

Idem + OVID

Design

Essais comparatifs (27)

Cohortes prospectives (2) + essais comparatifs (42)

Durée minimum : 3 semaines

Durée minimum : 6 semaines

n

1156

8300 + 1789

Intervention

Supplémentation en fibres solubles seules sous forme de compléments alimentaires (bêta-glucane, gomme de guar, de xanthane, konjac, psyllium, pectine, agar)

Régime contrôlé (aliments fournis par les investigateurs) ou simples conseils concernant les aliments riches en fibres et les céréales complètes

Fibres non différenciées (solubles et insolubles), issues d’aliments naturellement riches ou de compléments alimentaires.

Population

Diabète de type 2

Prédiabète, Diabète de type 1, diabète de type 2

Critères primaires de jugement

Biologique : contrôle glycémique (HbA1c, glycémie à jeun, indice HOMA d’insulinorésistance, insulinémie et fructosaminémie)

Clinique : mortalité totale et cardiovasculaire, poids, IMC, tour de taille

Biologique : contrôle glycémique (HbA1c, glycémie à jeûn, indice HOMA d’insulinorésistance et insulinémie), bilan lipidique (cholestérol total, LDL-cholestérol, triglycérides), inflammation (CRP).

Expression des résultats

Différence moyenne (Mean Difference : MD) mesurée par rapport aux données disponibles avant intervention (baseline) et les dernières disponibles en fin d’étude.

Idem + RR pour la mortalité

 

Pas de relation dose-effet investiguée

Relation dose-effet montrée sur : mortalité totale et cardiovasculaire,

HbA1c, cholestérolémie totale

Mesure de l’hétérogénéité

Forte (> 90%)

Idem + Cochrane Q test

Forte (> 90%) pour les essais, faible (< 10%) pour les cohortes




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