Revue d'Evidence-Based Medicine
Le mouvement en musique améliore-t-il la motricité, la santé mentale et la qualité de vie des patients atteints de la maladie de Parkinson ?
Minerva 2021 Volume 20 Numéro 8 Page 100 - 103
Professions de santé
Ergothérapeute, Kinésithérapeute, Médecin généraliste
Contexte
L’effet des médicaments dopaminergiques sur les symptômes de la maladie de Parkinson diminue à long terme (1), et il faut alors recourir à d’autres thérapies. Des études montrent que la gymnastique médicale améliore à la fois les symptômes moteurs et la santé mentale (2,3). Par ailleurs, plusieurs études examinant l’effet de la thérapie par le mouvement en musique chez les patients atteints de la maladie de Parkinson ont été publiées. Mais les résultats d’une précédente méta-analyse ne permettent pas de se prononcer clairement au sujet de l’effet de la thérapie par le mouvement en musique sur la motricité, sur la santé mentale et sur la qualité de vie (4).
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse
Sources consultées
- PubMed, Embase, la bibliothèque Cochrane, Web of Science, PsycINFO, CINAHL, la base de données factuelles de kinésithérapie ; jusque décembre 2020
- listes des références des articles pertinents
- pas de restriction quant à la langue de publication.
Études sélectionnées
- 17 études randomisées contrôlées examinant l’effet, sur la fonction motrice, sur l’équilibre, sur la démarche, sur la santé mentale ou sur la qualité de vie, de la thérapie par le mouvement en musique (entraînement de rééducation ou gymnastique médicale sur un rythme de musique comme la danse, la marche, la marche rapide) par comparaison avec les soins habituels, avec les activités quotidiennes ou avec un placebo de gymnastique médicale chez des patients adultes de plus de 18 ans atteints de la maladie de Parkinson ; sans aucune restriction quant au type de milieu (hôpital/ambulatoire), quant au format (thérapie individuelle/de groupe), quant au type de musique, quant à l’intensité et quant à la durée de l’intervention.
Population étudiée
- 598 patients (13 à 55 par étude) âgés en moyenne d’environ 61 à 74 ans, 54% étant de sexe masculin, atteints depuis environ 4 à 9 ans de la maladie de Parkinson, dont la gravité était en moyenne de 1,5 et 3 sur l’échelle de Hoehn et Yahr.
Mesure des résultats
- critères d’évaluation : fonction motrice (mesurée en utilisant la sous-échelle pour la motricité de l’échelle d’évaluation unifiée pour la maladie de Parkinson (Unified Parkinson’s Disease Rating Scale, UPDRS) et le risque de chute accru.">test Timed Up and Go (TUG) ; équilibre (mesuré en utilisant l’échelle d’équilibre de Berg (Berg Balance Scale, BBS) et le Mini-BESTest (Mini-Balance Evaluation Systems test) ; démarche, par le biais de la cadence, de la foulée, de la vitesse et du blocage de la marche (mesuré en utilisant le questionnaire sur le blocage de la marche rapport avec le phénomène de « freezing », qui est défini comme une incapacité soudaine et transitoire à générer des pas efficaces, survenant au démarrage ou en cours d’exécution (blocage de la marche). En plus d’un questionnaire, une vidéo est également utilisée pour noter les différents items. Chaque item reçoit un score de 0 = normal/aucun/jamais à 4 = impossible/toujours/temps maximal. Le score maximal varie de 0 à 24. Plus le score est élevé, plus le blocage de la marche est grave. ">(Freezing Of Gait Questionnaire, FOG-Q) ; santé mentale (mesurée au moyen de 5 questionnaires différents, parmi lesquels le Beck Depression Inventory (BDI) (N = 5 études) et la sous-échelle Bien-être émotionnel (Emotional Well-being Subscale) du questionnaire de qualité de vie dans la maladie de Parkinson (Parkinson’s Disease Questionnaire-39, PDQ-39)(N = 3 études)) ; qualité de vie (mesurée au moyen du Questionnaire PDQ-39)
- le modèle à effets aléatoires a été utilisé en cas de forte hétérogénéité statistique (I² > 50%), et le modèle à effets fixes en cas de faible hétérogénéité statistique (I² < 50%)
- si un biais de publication sur le funnel plot était suspecté, la méthode « trim and fill » était utilisée pour vérifier l’effet sur les résultats
- une analyse de sensibilité a été réalisée pour chaque méta-analyse.
Résultats
- au total, 322 (53%) patients ont suivi une revalidation sur de la musique en séances de 30 à 90 minutes, 1 à 7 fois par semaine, pendant 4 à 48 semaines ; 276 patients ont suivi un traitement standard ou n’ont suivi aucun traitement
- dans le groupe intervention, par comparaison avec le groupe témoin, il y avait une amélioration statistiquement significative de la fonction motrice sur les échelles UPDRS et TUG, ainsi que de l’équilibre sur les échelles BBS et Mini-BEST (voir tableau).
- en ce qui concerne la démarche, une amélioration statistiquement significative du blocage de la marche et de la vitesse, mais pas de la cadence et de la foulée, a été observée dans le groupe intervention par comparaison avec le groupe témoin (voir tableau)
- dans le groupe intervention, par comparaison avec le groupe témoin, il y a eu une amélioration statistiquement significative de la santé mentale, mais pas de la qualité de vie (voir tableau).
Tableau. Différence entre intervention et témoin sur les différentes échelles pour la fonction motrice, l’équilibre, la démarche, la santé mentale et la qualité de vie, exprimée en différence moyenne (DM) ou en différence moyenne standardisée (DMS) avec intervalle de confiance à 95% (IC à 95%), valeur p, et complétée avec l’hétérogénéité statistique (I²) pour chaque critère d’évaluation.
|
Valeur p |
I² |
|
UPDRS (N = 10) |
DM -5,44 (-8,87 à -2,01) |
< 0,01 |
89,9% |
TUG (N = 9) |
DM -1,02 (-1,64 à -0,40) |
< 0,01 |
0% |
BBS (N = 8) |
DM 2,02 (1,23 à 2,81) |
< 0,001 |
39,5% |
Mini-BEST(N = 3) |
DM 2,95 (1,23 à 4,68) |
< 0,01 |
37,1% |
Cadence (N = 4) |
DM 3,96 (-0,02 à 7,94) |
0,05 |
0% |
Foulée (N = 4) |
DM 0,05 (-0,02 à 0,12) |
0,16 |
0% |
FOG-Q (N = 5) |
DM -2,35 (-4,58 à -0,12) |
0,04 |
57,9% |
Vitesse (N = 7) |
DM 0,12 (0,06 à 0,17) |
< 0,001 |
0% |
Santé mentale (N = 8) |
DMS -0,38 (-0,62 à -0,13) |
< 0,01 |
12,5% |
Qualité de vie (N = 7) |
DM -2,6 (-8,73 à 0,52) |
0,10 |
0% |
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que la thérapie par le mouvement en musique est une stratégie de traitement efficace pour améliorer la fonction motrice, l’équilibre, la vitesse de marche, le blocage de la marche et la santé mentale chez les patients atteints de la maladie de Parkinson.
Financement de l’étude
Key Construction Project of Health and Family planning Commission of Baoshan District, Shanghai (BSZK-2018-A01) et Youth programs of Shanghai Municipal Commission of Health and Family Planning (20184Y0179).
Conflits d’intérêt des auteurs :
Les auteurs n'ont déclaré aucun conflit d'intérêt potentiel dans la recherche, la rédaction et/ou la publication de cet article.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse a été menée correctement d’un point de vue méthodologique : 1) recherche systématique d’articles dans sept banques de données différentes, 2) sélection des articles, traitement des données et analyse de la qualité au moyen de l’échelle validée de la base de données factuelles de kinésithérapie (Physiotherapy Evidence Database, PEDro) par deux chercheurs indépendants l’un de l’autre, avec consultation d’un troisième chercheur en cas de discussion, 3) seules ont été incluses des études randomisées contrôlées qui remplissaient les critères d’inclusion PICO, 4) analyses de sensibilité des données sommées. Pour ce dernier point, aucun changement pertinent dans la différence moyenne (DM) n’a été observé après l’exclusion d’une étude chaque fois. L’analyse des données a tenu compte d’une éventuelle hétérogénéité statistique et d’un éventuel biais de publication. Pour seulement une méta-analyse (utilisant l’échelle BBS), un risque de biais de publication a été identifié, mais l’application de la méthode « trim and fill » n’a pas conduit à un résultat différent. Sur les 17 études randomisées contrôlées qui ont été incluses, 15 étaient de qualité méthodologique élevée (PEDro ≥ 5). Les 2 études de faible qualité méthodologique (PEDro < 5) ont néanmoins été incluses dans la méta-analyse.
Interprétation des résultats et autres études
Cette méta-analyse montre que la thérapie par le mouvement en musique a amélioré de manière statistiquement significative la fonction motrice, l’équilibre, la vitesse et le blocage de la marche chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. On ne sait pas dans quelle mesure ces résultats sont également cliniquement pertinents pour le patient, et les auteurs ne poussent pas plus loin la discussion. En outre, étant donné l’hétérogénéité statistique importante dans les méta-analyses pour les échelles UPDRS et FOG-Q, nous devons interpréter ces résultats avec prudence. Entre les études incluses, il existe une hétérogénéité clinique importante sur le plan du contexte, de la thérapie individuelle par rapport à la thérapie en groupe, du type de musique (classique, folk, jazz, country), de la forme du mouvement (danse, exercices rythmiques, marche), de la durée de l’entraînement, de la fréquence et de l’intensité des séances. Le traitement standard du groupe témoin n’est pas non plus décrit en détail. En plus des soins habituels, deux études impliquaient également une intervention de marche, et trois études impliquaient de la gymnastique médicale avec peut-être le même volume d’entraînement que dans le groupe avec musique. Il est donc difficile de traduire correctement dans la pratique les résultats sommés. Les résultats variables de la thérapie par le mouvement en musique sur la démarche peuvent s’expliquer par les différences entre les rythmes musicaux qui ont été utilisés. En effet, pour augmenter la distance de marche à l’extérieur et améliorer la stabilité lors de la marche à l’intérieur, des fréquences de repérage sont recommandées pour les patients sans blocage de la marche qui sont respectivement maximum 10% au-dessus et maximum 15% en dessous de la fréquence de départ, tandis que, pour les patients avec blocage de la marche, les fréquences de repérage recommandées sont maximum 10% en dessous de la fréquence de départ (5).
En outre, la période de suivi était courte dans les différentes études, et l’observance n’a pas été étudiée, de sorte que des conclusions à long terme ne sont pas possibles. L’effet sur les capacités fonctionnelles mentales est exprimé en différence moyenne standardisée, et on ignore comment il faudrait le traduire dans la pratique (6). Enfin, malgré une amélioration statistiquement significative des capacités fonctionnelles mentales, il n’a pas été possible de montrer une influence de la thérapie par le mouvement en musique sur la qualité de vie.
Que disent les guides de pratique clinique ?
Le guide de l’association royale néerlandaise des kinésithérapeutes (Koninklijk Nederlands Genootschap voor Fysiotherapie, KNGF) (7) recommande fortement l’utilisation de repères chez les patients atteints de la maladie de Parkinson pour améliorer la vitesse de marche. Les stratégies de repérage peuvent être visuelles (marcher sur du ruban adhésif collé au sol en bandes, enjamber le pied d’une personne ou un faisceau laser projeté sur le sol), auditives (marcher au rythme d’un métronome ou d’une musique choisie par le patient) ou tactiles (marcher au rythme d’un bracelet vibrant). Par ailleurs, la danse est fortement recommandée pour améliorer la motricité et l’équilibre.
Conclusion de Minerva
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, dont la qualité méthodologique est bonne, montre que le mouvement au son de la musique améliore la fonction motrice, l’équilibre, le blocage et la vitesse de marche dans une plus grande mesure, et ce de manière statistiquement significative, que les soins habituels, les activités quotidiennes ou le placebo de gymnastique médicale (sans utilisation de musique) chez des patients atteints de la maladie de Parkinson de stade 2 ou 3. Toutefois, on ignore encore la pertinence clinique des différences sommées et l’effet à long terme.
- Maladie de Parkinson. Guide de pratique clinique étranger adapté au contexte belge . Ebpracticenet. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 30/08/2017. Dernière revue contextuelle 19/12/2017.
- Wu PL, Lee M, Huang TT. Effectiveness of physical activity on patients with depression and Parkinson's disease: a systematic review. PLoS One 2017;12:e0181515. DOI: 10.1371/journal.pone.0181515
- Tomlinson CL, Patel S, Meek C,et al. Physiotherapy versus placebo or no intervention in Parkinson's disease. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 9. DOI: 10.1002/14651858.CD002817.pub4
- de Dreu MJ, van der Wilk AS, Poppe E, et al. Rehabilitation, exercise therapy and music in patients with Parkinson’s disease: a meta-analysis of the effects of music-based movement therapy on walking ability, balance and quality of life. Parkinsonism Relat Disord 2012;18 Suppl1:S114-9. DOI: 10.1016/S1353-8020(11)70036-0
- Willems AM, Nieuwboer A, Chavret F, et al. The use of rhythmic auditory cues to influence gait in patients with Parkinson's disease, the differential effect for freezers and non-freezers, an explorative study. Disabil Rehabil 2006;28:721-8. DOI: 10.1080/09638280500386569
- Poelman T. Comment interpréter une différence moyenne standardisée (DMS) ? MinervaF 2014;13(4):51.
- van Nimwegen M, Nijkrake M, Munneke M et al. Ziekte van Parkinson. KNGF-richtlijn. Koninklijk Nederlands Genootschap voor Fysiotherapie augustus 2017.
Auteurs
Spildooren J.
Geriatrische Revalidatie, Rehabilitation Research Center, Universiteit Hasselt
COI :
Glossaire
Beck Depression Inventory, échelle d’équilibre de Berg, échelle d’évaluation unifiée pour la maladie de Parkinson, échelle de Hoehn et Yahr, Échelle de la base de données factuelles de kinésithérapie (Physiotherapy Evidence Database, PEDro), méthode trim and fill, Mini-BESTest (Mini-Balance Evaluation Systems test), Parkinson’s disease quality of life questionnaire, Parkinson’s Disease Questionnaire-39, PICO, Questionnaire sur le blocage de la marche (Freezing Of Gait Questionnaire, FOG-Q), test " Timed Up and Go " (TUG)Code
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