Revue d'Evidence-Based Medicine



Efficacité et sécurité d’emploi du liraglutide chez les patients dont la perte de poids est insuffisante après une chirurgie bariatrique.



Minerva 2024 Volume 23 Numéro 10 Page 236 - 239

Professions de santé

Diététicien, Infirmier, Kinésithérapeute, Médecin généraliste, Pharmacien, Psychologue

Analyse de
Mok J, Adeleke MO, Brown A, et al. Safety and efficacy of liraglutide, 3.0 mg, once daily vs placebo in patients with poor weight loss following metabolic surgery: the BARI-OPTIMISE randomized clinical trial. JAMA Surg 2023;158:1003-11. DOI: 10.1001/jamasurg.2023.2930


Question clinique
Après 24 semaines, quel est l’effet du liraglutide 3 mg par jour sur la perte de poids, par comparaison avec un placebo, chez des patients dont la perte de poids est insuffisante et dont la réponse au glucagon-like peptide-1 (GLP-1) est sous-optimale après une chirurgie bariatrique ?


Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée menée en double aveugle, de bonne qualité méthodologique, montre que l’utilisation quotidienne de 3 mg de liraglutide par voie sous-cutanée permet de réduire le poids de 8% de plus que le placebo après 24 semaines chez les patients dont la perte de poids est insuffisante et dont la réponse au GLP-1 est sous-optimale après une chirurgie bariatrique. La détermination de la réponse postprandiale au GLP-1 ne pouvant pas encore être effectuée en routine, nous ne pouvons pas extrapoler les résultats à la pratique clinique. Il n’existe pas non plus de données relatives à la durée appropriée de la prise du liraglutide, au risque de rechute après l’arrêt et aux effets indésirables à long terme. Il est donc tout à fait indiqué de poursuivre les recherches.


Contexte

L’efficacité de la chirurgie bariatrique (réduction de l’estomac ou by-pass gastrique) pour le traitement de l’obésité sévère (BMI > 40 kg/m² ou > 35 kg/m² avec comorbidité) a été montrée à la fois en termes de réduction du poids et de comorbidité (1-3). Cependant, la réduction de poids finale obtenue varie considérablement d’un patient à l’autre. Une étude observationnelle a montré que, parmi les patients opérés, un sur quatre avait perdu moins de 20% de son poids cinq ans après un by-pass gastrique (4). Les personnes ayant perdu peu de poids après une chirurgie bariatrique semblent avoir un plus grand appétit, ce qui est associé à un taux plus faible de GLP-1 circulant (5). Par conséquent, le traitement par des analogues du GLP-1 pourrait être bénéfique pour les personnes dont la perte de poids est insuffisante après une chirurgie bariatrique. Dans de petites études non randomisées, les analogues du GLP-1 ont permis de constater une perte de poids chez des patients dont la perte de poids était insuffisante après une chirurgie bariatrique (6). Cette constatation a été examinée plus en détail dans le cadre d’une récente étude contrôlée randomisée menée en double aveugle (7).

 

 

Résumé

 

Population étudiée 

  • critères d’inclusion : patients présentant une perte de poids insuffisante au moins 12 mois après une chirurgie bariatrique (réduction de l’estomac ou by-pass gastrique), définie par une diminution ≤ 20% du poids corporel depuis l’intervention chirurgicale, ainsi qu’une réponse insuffisante au glucagon-like peptide-1 (GLP-1), définie par une augmentation du GLP-1 au moins deux fois inférieure à la normale 30 minutes après la consommation d’un repas de 500 kcal à jeun
  • critères d’exclusion : diabète de type 1, maladie psychiatrique grave (antécédents de comportement suicidaire ou de dépression majeure), maladie hépatique, rénale ou cardiovasculaire grave, maladie inflammatoire de l’intestin, antécédents de pancréatite, gastroparésie, utilisation concomitante d’inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 (DDP-4), d’analogues du GLP-1, d’insuline ou d’autres médicaments susceptibles d’affecter le poids, grossesse, allaitement
  • finalement, inclusion de 70 patients : âge moyen 47,6 ans (ET 10,7 ans) ; 74% de femmes ; 90% des participants avaient un BMI ≥ 35k g/m², et 13% étaient atteints de diabète de type 2.

 

Protocole de l’étude

Étude randomisée, menée en double aveugle, contrôlée par placebo avec 2 groupes parallèles : 

  • groupe intervention (n = 35) : injection sous-cutanée quotidienne de liraglutide au moyen d’un stylo ; dose de départ de 0,6 mg, augmentée chaque semaine de 0,6 mg jusqu’à une dose maximale de 3,0 mg ou jusqu’à la dose maximale tolérée après 4 semaines 
  • groupe placebo (n = 35) : injection sous-cutanée quotidienne de sérum physiologique au moyen d’un stylo, selon le même calendrier de titration
  • les patients des deux groupes ont reçu les mêmes conseils en matière d’alimentation et de mode de vie aux semaines 0, 2, 4, 8 et 17 : réduire l’apport énergétique quotidien de 500 kcal et pratiquer des activités modérées à intenses pendant au moins 150 minutes par semaine 
  • durée totale du traitement : 6 mois.

 

Mesure des résultats 

  • principal critère de jugement : différence entre les deux groupes quant au pourcentage moyen de perte de poids (100 x [(poids au départ - poids après 6 mois)/poids au départ)]) après 6 mois, ajusté en fonction du poids au départ, du type de chirurgie, de la présence d’un diabète
  • critères de jugement secondaires : nombre de participants ayant perdu au moins 5% de leur poids ; évolution du poids corporel en kilogrammes, de la masse grasse, de la masse musculaire et de la densité osseuse ; paramètres métaboliques tels que glycémie à jeun, HbA1c, insuline à jeun, lipides (cholestérol total, cholestérol HDL et LDL, triglycérides totaux), protéine C-réactive (CRP) ; fonctionnement physique ; qualité de vie ; événements indésirables
  • analyse en intention de traiter.

 

Résultats 

  • résultats du principal critère de jugement : perte de poids (exprimée en pourcentage) plus élevée dans le groupe intervention que dans le groupe témoin : moyenne de -8,82% (ET 4,94%) contre -0,54% (ET 3,32%) avec p < 0,001 ; ou différence moyenne corrigée de -8,03% avec IC à 95% de -10,39% à -5,66% et p < 0,001
  • résultats des critères de jugement secondaires : 
    • 71,9% des patients du groupe liraglutide contre 8,8% des patients du groupe placebo ont obtenu une réduction d’au moins 5% de leur poids corporel
    • la perte de poids moyenne dans le groupe liraglutide était de -9,5 kg contre -0,4 kg dans le groupe placebo ; différence moyenne ajustée de -9,2 kg avec IC à 95% de -11,5 kg à -6,9 kg ; tant la masse grasse que la masse musculaire ont diminué de manière statistiquement significative dans le groupe liraglutide par rapport au groupe placebo, et il n’y avait pas de différence quant à la densité osseuse
    • diminution statistiquement significative de la glycémie, de l’HbA1c, de la pression artérielle, du cholestérol et du cholestérol HDL, mais pas de la CRP, du cholestérol LDL et des triglycérides
    • davantage d’effets indésirables dans le groupe liraglutide (80%) que dans le groupe placebo (57%), principalement des troubles gastro-intestinaux ; aucun effet indésirable grave tel qu’une cholécystite ou une pancréatite aiguë, n’a été signalé, ni aucun décès lié au traitement.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que ces résultats soutiennent l’utilisation du liraglutide 3,0 mg par jour pour la gestion du poids chez les patients dont la perte de poids est insuffisante et dont la réponse au GLP-1 est sous-optimale après une chirurgie bariatrique.

 

Financement de l’étude

Financement par le Sir Jules Thorn Charitable Trust et une bourse de professeur-chercheur, le National Institute for Health and Care Research et l’University College London Hospitals Biomedical Research Centre; le liraglutide et le placebo ont été fournis par Novo Nordisk.
 

Conflits d’intérêt des auteurs

Au moins trois auteurs indiquent avoir reçu des dons et des subventions de Novo Nordisk, en plus d’autres compensations pécuniaires provenant d’autres sociétés pharmaceutiques ou d’institutions publiques non concernées.

 

 

Discussion

 

Évaluation de la méthodologie

Cette étude randomisée contrôlée en double aveugle a été menée correctement. La taille de l’échantillon a été calculée pour détecter, avec une puissance de 90%, une différence de perte de poids de 5% entre le groupe recevant 3 mg de liraglutide et le groupe recevant le placebo. Cette différence s’appuie sur une précédente étude randomisée contrôlée (8). Avec l’inclusion de 70 patients, la taille prédéterminée de l’échantillon a été atteinte, tant dans l’analyse en intention de traiter que dans l’analyse per protocole. Les deux analyses ont donné des résultats à peu près similaires pour le critère de jugement principal. Le nombre limité de sorties d’étude n’a donc pas eu d’incidence sur les résultats obtenus. Le fait d’opter pour un critère de jugement principal continu explique le petit nombre de participants nécessaire pour démontrer une différence. Le nombre de données physiques (en aveugle) à la fin de l’étude était limité en raison des interférences avec les restrictions liées à la pandémie de covid-19. Par exemple, chez 7 participants, le poids à la fin de l’étude n’a pas pu être mesuré par un évaluateur indépendant. L’analyse de sensibilité qui incluait des valeurs de poids autodéclarées pour remplacer les mesures finales manquantes n’a pas modifié le critère de jugement principal.

 

Évaluation des résultats

Les participants étaient un groupe sélectionné de patients qui, après une chirurgie bariatrique, avaient perdu moins de 20% de leur poids et, plus important encore, présentaient une réponse insuffisante au GLP-1 en postprandial. Cette détermination du GLP-1 n’est assurément pas une pratique clinique standard, et des recherches supplémentaires sur la mise en œuvre de ce test sont nécessaires avant qu’une extrapolation des résultats de cette étude ne soit possible. Si seule une perte de poids insuffisante était utilisée comme critère de départ, et pas la réponse au GLP-1, la perte de poids serait probablement moins importante. En effet, les patients qui répondent suffisamment au GLP-1 tireront moins profit du liraglutide. 
La réduction de poids de -8,03% obtenue avec le liraglutide est remarquablement plus importante que dans d’autres études chez des patients obèses qui n’ont pas subi d’intervention chirurgicale. Une synthèse méthodique a rapporté une réduction moyenne du poids de -4,8% (9). Au passage, une des études qu’elle a incluses a aussi fait l’objet d’une discussion dans Minerva (10,11). On peut éventuellement l’expliquer de la manière suivante : la réponse au GLP-1 permettra également de déterminer l’effet du liraglutide chez les patients obèses non opérés, mais cela n’a pas été étudié, ou pas suffisamment.
L’efficacité du liraglutide dans cette étude-ci peut également s’expliquer par une diminution de l’apport calorique et/ou une augmentation de l’activité physique, des facteurs de mode de vie connus pour leur effet bénéfique sur la diminution du poids en cas d’obésité. Cependant, on ne sait pas dans quelle mesure ces recommandations pour le mode de vie ont été correctement suivies dans les deux groupes de l’étude. Il est possible que le groupe liraglutide ait eu plus de facilité à maintenir la restriction calorique. Dans l’outil de mesure de la qualité de vie, on a observé un gain statistiquement significatif dans le fonctionnement physique, par rapport au groupe témoin. 
Outre la perte de poids en tant que critère de jugement principal continu, on a également examiné l’effet sur un critère de jugement secondaire dichotomique, à savoir le nombre de participants ayant atteint une diminution du poids d’au moins 5%. Contrairement au groupe placebo, 28,1% et 12,5% des participants du groupe liraglutide ont obtenu une diminution du poids respectivement de ≥ 10% et de ≥ 15%. Nous pouvons considérer que ces résultats sont plus pertinents d’un point de vue clinique que la différence de perte de poids moyenne, en particulier dans le cadre de la courte période de suivi de 24 semaines dans cette étude. Cependant, il n’est pas possible de dire pendant combien de temps ce médicament doit être pris pour que cet effet bénéfique se maintienne. Les auteurs notent toutefois que le plateau n’était pas atteint après 24 semaines et qu’une perte de poids supplémentaire peut être obtenue lors d’une prolongation de la prise du médicament. En revanche, on ne sait rien du risque de prise de poids après l’arrêt de l’intervention. 
Bien que la sécurité soit un critère de jugement secondaire, nous ne pouvons pas commenter les effets indésirables graves en raison de la courte période de suivi et du petit nombre de participants. Lors de précédentes recherches, qui ont également fait l’objet d’une discussion dans Minerva, chez des patients obèses non opérés ayant reçu du liraglutide, avec ou sans association avec une thérapie par l’exercice, pendant une période de 52 semaines, les effets indésirables suivants ont été signalés : nausées, diarrhée, vomissements, diminution de l’appétit, complications vésicales parfois graves, fatigue et palpitations cardiaques (10,11).

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

La plupart des guides de pratique clinique, surtout les plus anciens, partent du principe que le régime alimentaire (restriction calorique) et l’exercice physique constituent l’approche principale de la surcharge pondérale et de l’obésité (12-14). Il n’existe pas de guide de pratique clinique spécifique pour les patients dont la perte de poids est insuffisante après une chirurgie bariatrique.

 

 

Conclusion de Minerva

Cette étude randomisée contrôlée menée en double aveugle, de bonne qualité méthodologique, montre que l’utilisation quotidienne de 3 mg de liraglutide par voie sous-cutanée permet de réduire le poids de 8% de plus que le placebo après 24 semaines chez les patients dont la perte de poids est insuffisante et dont la réponse au GLP-1 est sous-optimale après une chirurgie bariatrique. La détermination de la réponse postprandiale au GLP-1 ne pouvant pas encore être effectuée en routine, nous ne pouvons pas extrapoler les résultats à la pratique clinique. Il n’existe pas non plus de données relatives à la durée appropriée de la prise du liraglutide, au risque de rechute après l’arrêt et aux effets indésirables à long terme. Il est donc tout à fait indiqué de poursuivre les recherches.

 

 


Références 

  1. Michiels B. Efficacité et risques de la chirurgie bariatrique. Minerva Analyse 15/07/2014.
  2. Chang SH, Stoll CR, Song J, et al. The effectiveness and risks of bariatric surgery: an updated systematic review and meta-analysis, 2003-2012. JAMA Surg 2013;149:275-87. DOI: 10.1001/jamasurg.2013.3654 
  3. Adams TD, Davidson LE, Litwin SE, et al. Weight and metabolic outcomes 12 years after gastric bypass. N Engl J Med 2017;377:1143-55. DOI: 10.1056/NEJMoa1700459
  4. Brissman M, Beamish AJ, Olbers T, Marcus C. Prevalence of insufficient weight loss 5 years after Roux-en-Y gastric bypass: metabolic consequences and prediction estimates: a prospective registry study. BMJ Open 2021;11:e046407. DOI: 10.1136/bmjopen-2020-046407
  5. Papamargaritis D, le Roux CW. Do gut hormones contribute to weight loss and glycaemic outcomes after bariatric surgery? Nutrients 2021;13:762. DOI: 10.3390/nu13030762
  6. Redmond IP, Shukla AP, Aronne LJ. Use of weight loss medications in patients after bariatric surgery. Curr Obes Rep 2021 Jun;10:81-9. DOI: 10.1007/s13679-021-00425-1
  7. Mok J, Adeleke MO, Brown A, et al. Safety and efficacy of liraglutide, 3.0 mg, once daily vs placebo in patients with poor weight loss following metabolic surgery: the BARI-OPTIMISE randomized clinical trial. JAMA Surg 2023;158:1003-11. DOI: 10.1001/jamasurg.2023.2930
  8. Pi-Sunyer X, Astrup A, Fujioka K, et al; SCALE Obesity and Prediabetes NN8022-1839 Study Group. A randomized, controlled trial of 3.0 mg of liraglutide in weight management. N Engl J Med 2015;373:11-22. DOI: 10.1056/NEJMoa1411892
  9. Lin Q, Xue Y, Zou H, et al. Efficacy and safety of liraglutide for obesity and people who are overweight: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Expert Rev Clin Pharmacol 2022;15:1461-9. DOI: 10.1080/17512433.2022.2130760
  10. Vanhaeverbeek M. Maintien d’une perte de poids volontaire par l’exercice, le liraglutide ou les deux combinés. MinervaF 2022;21(5):108-11.
  11. Lundgren JR, Janus C, Jensen SB, et al. Healthy weight loss maintenance with exercise, liraglutide, or both combined. N Engl J Med 2021;384:1719-30. DOI: 10.1056/NEJMoa2028198
  12. Overgewicht en obesitas bij volwassenen en kinderen. Care for Obesity/de Vrije Universiteit Amsterdam. Richtlijnendatabank, 2012. 
  13. Surcharge pondérale et obésité chez l'adulte. SSMG/Domus Medica, 11/01/2006. Ebpracticenet. 
  14. Kompas voedings- en levensstijladviezen voor volwassenen met overgewicht/obesitas. Hogeschool UC Leuven-Limburg (UCLL), 2021. Via Ebpracticenet. URL: https://www.voeding.ucll.be/kompas-overgewicht-obesitas

 


Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.

Glossaire

Code


E66
T82


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