Revue d'Evidence-Based Medicine
Médicaments inhalés pour le traitement de la BPCO stable
Résumé
Avertissement
Cette synthèse méthodique aborde également l’évaluation d’une réhabilitation respiratoire et de l’administration de suppléments d’oxygène. Ces deux aspects sont abordés séparément, dans Minerva « Suites en bref ».
Contexte
Plusieurs publications récentes ont attiré l’attention sur des complications potentielles de certains traitements utilisés pour la BPCO stable, particulièrement les ß2-mimétiques à longue durée d’action (LABA) (1,2) et les corticostéroïdes inhalés (ICS) (3,4). Ces médicaments restent cependant recommandés dans les guidelines internationaux (GOLD). Une nouvelle synthèse systématique de la littérature était la bienvenue.
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyses
Sources consultées
- MEDLINE, Cochrane Library
Etudes sélectionnées
- RCTs, études cliniques contrôlées, méta-analyses, synthèses publiées depuis 2002 en complément d’une précédente recherche (2003)
- études évaluant : les médicaments inhalés (ß2-mimétiques, anticholinergiques, association des 2, ICS, association d’ICS avec LABA ou avec anticholinergique), réhabilitation pulmonaire, programmes de traitement de la pathologie, oxygénothérapie
- études incluant au moins 50 personnes par bras et d’une durée d’au moins 3 mois
- uniquement publications en anglais
- exclusion : études évaluant différents types de réhabilitation pulmonaire.
Population étudiée
- En majorité des patients avec diagnostic de BPCO établi, sujets à des exacerbations, avec des symptômes de troubles respiratoires, avec VEMS au moins <60% (en majorité <50%), ayant recours à des médicaments inhalés.
Mesure des résultats
- Critères cliniques tels que mentionnés dans les études originales : exacerbations, mesures standardisées de l’état respiratoire (St. George Respiratory Questionnaire SGRQ - Chronic Respiratory Disease Questionnaire CRDQ), hospitalisations, décès.
Résultats
- exacerbations : bénéfice versus placebo pour les différents médicaments sauf pour l’ipratropium ; pas de bénéfice d’un médicament versus un autre, sauf pour le tiotropium versus l’ipratropium mais dans une seule étude (voir tableau)
- status respiratoire (SGRQ - CRDQ) : mentionné dans 20 études ; sauf dans 5 études, pas d’amélioration cliniquement pertinente ; tiotropium plus efficace qu’un placebo dans des analyses secondaires de deux études
- hospitalisations : peu rapporté ; pas de réduction constante observée, pas de conclusion comparative définitive possible
- décès : critère primaire dans une seule étude ; pas de différence pour les monothérapies ; risque diminué avec l’association LABA + ICS versus placebo ou versus ICS seuls.
Tableau : Résultats statistiquement significatifs quant à l’efficacité des traitements inhalés sur le critère diminution d’au moins une exacerbation, en Risque Relatif avec Intervalle de Confiance à 95% pour les résultats sommés, versus placebo ou versus autre médicament inhalé.
Traitement actif (nombre de sujets) |
Comparateur |
RR |
IC à 95% |
Tiotropium (2 366) |
Placebo (2 196) |
0,84 |
0,78 à 0,90 |
LABA (5 055) |
Placebo (3 624) |
0,87 |
0,82 à 0,93 |
ICS (1 779) |
Placebo (1 778) |
0,85 |
0,75 à 0,96 |
Tiotropium (356) |
Ipratropium (179)* |
0,77 |
0,62 à 0,95 |
* 1 seule étude
Conclusions des auteurs
Les auteurs concluent aux bénéfices des médicaments inhalés à longue durée d’action, de suppléments d’oxygène, de réhabilitation respiratoire chez des adultes présentant des symptômes respiratoires gênants, particulièrement de la dyspnée, et un VEMS inférieur à 60% des valeurs prédites.
Financement
AHRQ, U.S. Department of Health and Human Services qui n’ont aucun rôle dans l’élaboration du protocole d’étude, sa réalisation, l’analyse des résultats et la décision de soumission pour publication.
Conflits d’intérêt
Le deuxième auteur a reçu des honoraires et paiements pour consultance de différentes firmes pharmaceutiques.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
La recherche dans la littérature est systématique et complète une précédente recherche. L’ensemble des RCTs (avant et après 2002) est inclus dans les différentes méta-analyses. La qualité méthodologique des publications est soigneusement évaluée (secret de l’attribution, insu, analyse en intention de traiter, durée de suivi, arrêts de traitement et perdus de vue, source de financement). Les auteurs ne mentionnent cependant pas s’ils ont tenu compte du score attribué pour l’inclusion ou non dans la méta-analyse. Ils ont réalisé l’analyse de l’hétérogénéité (tests Chi² et I²), utilisé une analyse en modèle d’effets aléatoires et exploré une hétérogénéité présente (analyse de sensibilité). Il est étonnant que dans une recherche systématique sur des traitements chroniques d’une BPCO stable, les théophyllines ne soient pas évaluées. Les auteurs mentionnent que toutes les études sauf 7 sont sponsorisées par l’industrie pharmaceutique.
Mise en perspective des résultats
Les résultats des études sont à interpréter avec prudence, surtout pour les effets indésirables. La proportion de personnes enrôlées dans la période d‘inclusion mais non par après dans la répartition aléatoire est de 23% (si mentionnée) en moyenne, dans 19% des cas pour effets indésirables. L’absence de différences pour les effets indésirables enregistrés à la fin de l’étude est donc à analyser dans cette perspective. L’incidence d’effets indésirables sévères n’est pas différente dans les groupes monothérapie ou traitement combiné versus placebo pour l’ensemble des études. Les auteurs rappellent cependant que dans l’importante étude TORCH (3,4), il y a plus d’effets indésirables (total) dans les groupes tiotropium et ICS mais non LABA versus placebo, mais sans différence pour les effets indésirables sérieux, entre autres pour les décès avec les LABA. Ceci est à l’opposé de ce qui avait été avancé par Salpeter et coll (1) dans leur méta-analyse, augmentation de risque de décès avec les ß2-mimétiques qui n’est pas observée dans la présente méta-analyse. Les auteurs de celle-ci mentionnent également que seules trois études hétérogènes (I² = 74%) analysent le risque de pneumonie sous ICS. Dans deux études une augmentation de risque est observée (RR 1,55 ; IC à 95% 1,33 à 1,80).
Pour la pratique
Les bronchodilatateurs à longue durée d’action (LABA et tiotropium) et les corticostéroïdes inhalés ont montré leur efficacité pour certaines catégories de patients BPCO. Les preuves d’efficacité se limitent aux patients présentant des symptômes respiratoires (particulièrement une dyspnée et des exacerbations fréquentes) et un VEMS inférieur à 60%, en majorité même <50% dans les études. L’intérêt de traiter des patients ne présentant pas ces caractéristiques n’est donc pas établi. La littérature n’apporte pas les preuves d’une supériorité d’une de ces trois classes de médicaments par rapport aux autres. Les LABA ne doivent pas être nécessairement associés à des ICS dans cette indication (5). L’amélioration clinique des patients BPCO n’est pas étroitement liée à une réponse spirométrique au traitement ; se baser sur de tels résultats peut donc induire en erreur quant au bénéfice réel acquis sous traitement inhalé (6). En se référant au status respiratoire déclaré par le patient, les études, à quelques exceptions près, ne montrent pas d’amélioration cliniquement pertinente sous traitement inhalé. L’efficacité à long terme de ces traitements pose toujours question. Pour les corticostéroïdes inhalés dans la BPCO, nous disposons de données à plus long terme et d’une synthèse de ces données (7). Si, versus placebo, les ICS montrent une amélioration du VEMS dans les 6 premiers mois de traitement, après 6 à 36 mois il n’y a pas de différence significative dans le déclin du VEMS. Il reste à savoir s’il en est de même avec les bronchodilatateurs inhalés. Rappelons aussi que les autres traitements que l’arrêt du tabac n’apportent pas de preuve d’une modification du déclin respiratoire à long terme.
Conclusion
Cette synthèse méthodique confirme les preuves disponibles sur lesquelles sont basés les guides de pratique actuels qui recommandent l’utilisation de corticostéroïdes inhalés, de ß2-mimétiques à longue durée d’action ou de tiotropium dans certains stades de BPCO stable. Elle montre cependant que les preuves d’un bénéfice se limitent aux patients symptomatiques (dyspnée, exacerbations fréquentes) et avec un VEMS au moins inférieur à 60% (généralement en-dessous de 50%). La littérature ne montre pas de différence de bénéfice entre tiotropium, ß2-mimétiques à longue durée d’action ou corticostéroïdes inhalés qui peuvent, dans cette indication, être utilisés séparément. L’association de ces médicaments montre une plus-value faible ou inexistante comparée à une monothérapie.
Références
- Salpeter SR, Buckley NS, Salpeter EE. Meta-analysis: anticholinergics, but not β-agonists, reduce severe exacerbations and respiratory mortality in COPD. J Gen Intern Med 2006;21:1011-9.
- Sturtewagen JP, Chevalier P. Bronchodilatateurs: les anticholinergiques en premier choix dans la BPCO? MinervaF 2007;6(4):52-4.
- Sturtewagen JP. Association de salmétérol et de fluticasone : pas de réduction de la mortalité dans la BPCO. MinervaF 2007;6(6):84-6.
- Calverley PM, Anderson JA, Celli B, et al; TORCH investigators. Salmeterol and fluticasone propionate and survival in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2007;356:775-89.
- Mayers I, Jacobs P, Marciniuk DD, Chuck A, Varney J. Long-acting ß2-agonists (LABA) plus corticosteroids versus LABA alone for chronic obstructive pulmonary disease [Technology report no 83]. Ottawa: Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health; 2007.
- Wilt TJ, Niewoehner D, Kim C,et al. Use of spirometry for case finding, diagnosis, and management of chronic obstructive pulmonary disease (COPD). Evid Rep Technol Assess 2005;121:1-7.
- Soriano JB, Sin DD, Zhang X, Camp PG, et al. A pooled analysis of FEV1 decline in COPD patients randomized to inhaled corticosteroids or placebo. Chest. 2007;131:682-9.
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