Analyse


Quelle est la valeur cible du traitement de l’hypertension artérielle chez les patients atteints de diabète sucré ?


15 03 2017

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Brunström M, Carlberg B. Effect of antihypertensive treatment at different blood pressure levels in patients with diabetes mellitus: systematic review and meta-analysis. BMJ 2016;352:i717. DOI: 10.1136/bmj.i717


Conclusion
Cette méta-analyse, montre, elle aussi, que la valeur cible de 140/90 mmHg est sûre pour le traitement de l’hypertension artérielle chez les patients atteints de diabète sucré.



 

Il a suffisamment été montré que le maintien d’une pression artérielle maîtrisée influence favorablement les critères de jugement macrovasculaires et la mortalité totale chez les patients atteints de diabète sucré (1-6). Mais on ignore quelle est la valeur cible de pression artérielle qui donne les meilleurs résultats. Ainsi, la valeur cible est < 150/80 mmHg dans l’étude UKPDS et dans l’étude STENO-2 (1,2,7,8), < 130/85 mmHg dans l’étude ADVANCE (3-6) et < 120 mmHg pour la pression artérielle systolique dans l’étude ACCORD (9). Contrairement à l’étude UKPDS, l’étude ADVANCE et l’étude ACCORD ont inclus un pourcentage important de participants ayant des antécédents cardiovasculaires personnels (pourcentage respectivement de 6% versus 32% et 34%).

Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration de 2009 (10,11) portant sur la pression artérielle cible chez des patients présentant une hypertension artérielle sans diabète ni insuffisance rénale suggère une valeur cible idéale de 140/90 mmHg pour un sous-groupe de patients diabétiques. Une autre synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration de 2013 (12) a trouvé 5 études cliniques randomisées (RCT) qui avaient comme critère de jugement la différence entre les valeurs cibles basses (< 120 mmHg) et les valeurs cibles standards (140 mmHg). L’étude ACCORD (9) était la seule à spécifier une valeur cible pour la pression artérielle systolique. La pression artérielle systolique atteinte était significativement plus basse dans le groupe de traitement plus strict que dans le groupe de traitement standard (119,3/64,4 mmHg versus 133,5/70,5 mmHg), mais la réduction n’était significative que pour les AVC (RR de 0,58 avec IC à 95% de 0,39 à 0,88 ; p = 0,009 ; réduction absolue de risque (absolute risk reduction, différence de risque est appelée réduction absolue du risque (RAR) ; si le risque augmente, l’expression accroissement absolu du risque (AAR) est utilisée.">ARR) 1,1%). Cette réduction s’accompagnait d’un risque accru d’événements cliniques indésirables importants (RR de 2,58 avec IC à 95% de 1,70 à 3,91 ; p < 0,00001 ; accroissement absolu du risque (absolute risk increase, différence absolue de risque est égale à la différence entre le risque de survenue d’un événement dans le groupe exposé (dans une étude d’observation) ou le groupe intervention (dans une étude expérimentale) et ce risque dans le groupe non exposé ou le groupe contrôle. Si le risque diminue, cette différence de risque est appelée réduction absolue du risque (RAR) ; si le risque augmente, l’expression accroissement absolu du risque (AAR) est utilisée.">ARI) 2%). Dans les 4 autres études (n = 2580), une valeur cible était spécifiée pour la pression artérielle diastolique, et aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre un traitement strict et un traitement standard (en terme de mortalité, d’AVC, d’infarctus du myocarde et d’’insuffisance cardiaque). Les auteurs de la synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration concluaient donc que la recherche devait se poursuivre pour déterminer la valeur cible la plus favorable du traitement de l’hypertension artérielle chez les patients diabétiques.

 

La récente méta-analyse de Brunström (13) peut éventuellement apporter quelques éclaircissements à ce sujet. Elle a inclus 49 études (n = 73738) avec une nette proportion de participants ayant des antécédents cardiovasculaires (entre 6 et 100%). La durée du traitement de l’hypertension artérielle était de 3,7 ans en moyenne. Lorsque la pression artérielle systolique initiale était > 150 mmHg, le traitement entraînait une réduction significative de la mortalité de toute cause (RR de 0,89 avec IC à 95% de 0,80 à 0,99), de la mortalité cardiovasculaire (RR de 0,75 avec IC à 95% de 0,57 à 0,99), du risque d’infarctus du myocarde (RR 0,74 avec IC à 95 % de 0,63 à 0,87), d’AVC (RR de 0,77 avec IC à 95% de 0,65 à 0,91) et d’insuffisance rénale au stade terminal (RR de 0,82 avec IC à 95% de 0,71 à 0,94). De même, lorsque la pression artérielle systolique initiale était de 140 à 150 mmHg, le traitement réduisait la mortalité de toute cause (RR de 0,87 avec IC à 95% de 0,78 à 0,98) ainsi que le risque d’infarctus du myocarde (RR de 0,84 avec IC à 95% de 0,76 à 0,93) et d’insuffisance cardiaque (RR de 0,80 avec IC à 95% de 0,66 à 0,97). Si l’on traitait une pression artérielle systolique initiale inférieure à 140 mmHg, le risque de mortalité cardiovasculaire augmentait (RR de 1,15 avec IC à 95% de 1,00 à 1,32), et il n’y avait pas le moindre avantage en termes de mortalité de toute cause, d’infarctus du myocarde, d’AVC, d’insuffisance cardiaque et d’insuffisance rénale au stade terminal. Une analyse par méta-régression a montré que la mortalité cardiovasculaire augmentait de 15% chaque fois que la pression artérielle systolique diminuait de 10 mmHg sous 140 mmHg. Le même phénomène a été observé avec l’infarctus du myocarde, à savoir une aggravation de 12% chaque fois que la pression systolique diminuait de 10 mmHg sous 140 mmHg (p = 0,011). La ligne de régression coupe l’axe 0 à 132 mmHg.

 

Les résultats actuels contrastent apparemment avec ceux de la récente étude SPRINT, dans laquelle un traitement de la pression artérielle systolique (valeur cible < 120 mmHg versus < 140 mmHg) chez des patients ayant une atteinte cardiovasculaire, mais pas de diabète, a eu pour résultat une diminution du critère de jugement composite au prix d’un risque accru d’insuffisance rénale (14,15). L’étude de Brunström montre maintenant que l’on peut traiter l’hypertension artérielle du patient diabétique de manière moins agressive. Cette constatation rejoint le rapport de consensus intitulé « L’usage rationnel des médicaments en cas d’hypertension artérielle » de novembre 2015 (16) et la recommandation révisée de Domus Medica sur le diabète sucré de 2015 (niveau de preuves Grade 1B) (17).

 

Conclusion

Cette méta-analyse, montre, elle aussi, que la valeur cible de 140/90 mmHg est sûre pour le traitement de l’hypertension artérielle chez les patients atteints de diabète sucré.

 

 

Références 

  1. Vermeire E. Strikte bloeddrukcontrole bij diabetes type 2-patiënten. Minerva 1999;28(3):129-30.
  2. UK Prospective Diabetes Study Group. Tight blood pressure control and risk of macrovascular and microvascular complications in type 2 diabetes: UKPDS 38. BMJ 1998;317:703-13. DOI: 10.1136/bmj.317.7160.703
  3. Chevalier P. Association d’un IEC et d’un diurétique pour tous les diabétiques ? MinervaF 2007;6(10),150-1.
  4. Patel A, MacMahon S, Chalmers J, et al; ADVANCE Collaborative Group. Effects of a fixed combination of perindopril and indapamide on macrovascular and microvascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus (the ADVANCE trial): a randomised controlled trial. Lancet 2007;370:829-40. DOI: 10.1016/S0140-6736(07)61303-8
  5. Wens J. Suivi de la diminution de la pression artérielle et du contrôle de la glycémie en cas de diabète de type 2. Minerva bref 15/05/2015.
  6. Zoungas S, Chalmers J, Neal B, et al; ADVANCE-ON Collaborative Group. Follow-up of blood-pressure lowering and glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med 2014;371:1392-406. DOI: 10.1056/NEJMoa1407963
  7. De Cort P. Diabète de type 2: suivi à long terme du contrôle de la pression artérielle. MinervaF 2009;8(7):88-9.
  8. Holman RR, Paul SK, Bethel A, et al. Long-term follow-up after tight control of blood pressure in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008:359:1565-76. DOI: 10.1056/NEJMoa0806359
  9. ACCORD Study Group, Cushman WC, Evans GW, Byington RP, et al. Effects of intensive blood-pressure control in type 2 diabetes mellitus. N Engl J Med 2010;362:1575-85. DOI: 10.1056/NEJMoa1001286
  10. De Cort P. Valeurs cibles pour un traitement antihypertenseur. MinervaF 2010;9(3):38.
  11. Arguedas JA, Perez MI, Wright JM. Treatment blood pressure targets for hypertension. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 3. DOI: 10.1002/14651858.CD004349.pub2
  12. Arguedas JA, Leiva V, Wright JM. Blood pressure targets for hypertension in people with diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD008277.pub2
  13. Brunström M, Carlberg B. Effect of antihypertensive treatment at different blood pressure levels in patients with diabetes mellitus: systematic review and meta-analysis. BMJ 2016;352:i717. DOI: 10.1136/bmj.i717
  14. De Cort P. Contrôle standard ou intensif de la pression artérielle en cas de risque cardiovasculaire accru chez les patients non diabétiques. MinervaF 2016;15(10):250-3.
  15. The SPRINT Research Group. A randomized trial of intensive versus standard blood-pressure control. N Engl J Med 2015;373:2103-16. DOI: 10.1056/NEJMoa1511939
  16. INAMI. L'usage rationnel des médicaments en cas d'hypertension artérielle. Réunion de consensus du 05-11-2015. Conclusions. Rapport du jury.
  17. Koeck P, Bastiaens H, Benhalima K, et al. Richtlijn voor goede medische praktijkvoering: Diabetes mellitus type 2. Domus Medica 2015.

 

 




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