Analyse


La prise de poids réduit-elle l’effet bénéfique du sevrage tabagique sur les maladies chroniques et la mortalité ?


15 10 2021

Professions de santé

Médecin généraliste, Psychologue
Analyse de
Sahle BW, Chen W, Rawal LB, Renzaho AM. Weight gain after smoking cessation and risk of major chronic diseases and mortality. JAMA Network Open 2021;4:e217044. DOI:10.1001/jamanetworkopen.2021.7044


Conclusion
Cette étude de cohorte, qui a été correctement menée, avec plus de 16000 participants, montre qu’il n’y a pas d’association entre la prise de poids lors de l’arrêt du tabagisme et le risque de maladie cardiovasculaire, de diabète de type 2, de cancer et de BPCO. De plus, le bénéfice du sevrage tabagique en termes de mortalité ne dépend pas d’une éventuelle prise de poids après l’arrêt du tabagisme. Cependant, un biais de notification n’a pas été exclu, et les facteurs de confusion potentiellement importants n’ont pas été pris en compte.



 

Dans Minerva, nous avons déjà discuté des résultats d’une étude observationnelle qui montrait que la prise de poids après l’arrêt du tabagisme ne réduisait pas significativement le gain cardiovasculaire lié à l’arrêt du tabac (1,2). Une étude de cohorte plus récente a confirmé ces résultats, tout en constatant une augmentation à court terme de l’incidence du diabète de type 2 chez les personnes qui avaient pris du poids après avoir arrêté de fumer (3).

Une récente étude de cohorte a examiné l’influence des modifications du poids et du BMI après l’arrêt du tabagisme sur un large éventail de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, cancer, BPCO) et sur la mortalité (4). À partir d’une vaste étude de population, les chercheurs ont sélectionné 16663 adultes australiens (8082 hommes et 8581 femmes) âgés en moyenne de 43,7 ans (ET 16,3 ans), sans antécédents de maladie cardiovasculaire, de BPCO, de cancer et/ou de diabète de type 2. Entre 2006 et 2014, ces personnes ont rempli chaque année un questionnaire qui évaluait le statut tabagique, le sevrage tabagique, le poids, le BMI et la présence de maladies chroniques (> 6 mois) (maladie cardiovasculaire, BPCO, cancer, diabète de type 2). Pour l’obtention de données sur la mortalité, cette étude a été couplée au registre national des décès. Une analyse par régression linéaire multiple a été utilisée pour évaluer la variation du poids et du BMI en fonction du statut tabagique et de la durée de l’arrêt du tabagisme. Des analyses de régression des risques proportionnels de Cox ont été utilisées pour déterminer la corrélation entre, d’une part, la variation du poids et du BMI et, d’autre part, le risque de maladie cardiovasculaire, de BPCO, de diabète de type 2, de cancer et de mortalité globale. Les résultats ont été corrigés pour tenir compte de l’âge, du sexe, des facteurs socio-économiques, du régime alimentaire, du régime amaigrissant, du niveau d’activité physique et de la profession.

L’augmentation du poids corporel et du BMI était plus importante chez les personnes qui avaient arrêté de fumer que chez celles qui avaient continué à fumer (augmentation moyenne du poids de 3,14 kg (avec IC à 95% de 1,39 à 4,87) et augmentation moyenne du BMI de 0,82 kg/m² (avec IC à 95% de 0,21 à 1,44)). L’augmentation perdait toutefois en importance à mesure que l’arrêt du tabagisme durait depuis plus longtemps. Cette constatation confirme une précédente étude de cohorte qui montrait que la prise de poids était plus importante dans les premières années après l’arrêt du tabagisme (1,2). Un modèle de Cox à risques proportionnels a montré qu’après l’arrêt du tabagisme, par comparaison avec la poursuite du tabagisme, ni la prise de poids ni la variation du BMI n’étaient corrélées à une augmentation du risque de maladie cardiovasculaire, de diabète de type 2, de cancer et de BPCO. En outre, toujours dans le groupe de personnes qui avaient arrêté de fumer, ni la variation de poids ni celle du BMI n’étaient associées au risque de maladie cardiovasculaire, de diabète de type 2, de cancer et de BPCO. De plus, par comparaison avec la poursuite du tabagisme, l’arrêt du tabagisme était associé à une réduction statistiquement significative de la mortalité pour tout changement de poids et du BMI après l’arrêt du tabac. Ainsi, pour les anciens fumeurs, le risque relatif de décès était :

  • de 0,50 (avec IC à 95% de 0,36 à 0,68) s’ils perdaient du poids,
  • de 0,79 (avec IC à 95% de 0,51 à 0,98) s’ils maintenaient le même poids,
  • de 0,33 (avec IC à 95% de 0,21 à 0,51) s’ils prenaient 0,1 à 5 kg,
  • de 0,24 (avec IC à 95% de 0,11 à 0,53) s’ils prenaient 5 à 10 kg
  • de 0,36 (avec IC à 95% de 0,16 à 0,82) s’ils prenaient plus de 10 kg.

Le résultat de cette étude confirme la conclusion d’une méta-analyse publiée simultanément (5), qui montre les bénéfices du sevrage tabagique sur les maladies cardiovasculaires et la mortalité, quel que soit l’impact du sevrage tabagique sur le poids.

Une limitation sérieuse de cette étude observationnelle concerne le fait que toutes les données importantes (statut tabagique, sevrage tabagique, poids, BMI, présence de maladies chroniques) ont été rapportées par les participants eux-mêmes. Pour le signalement d’une maladie chronique, il était demandé au patient s’il avait entendu dire par une infirmière ou un médecin qu’il souffrait d’une maladie chronique. Cela peut avoir conduit à un biais de notification. Il se peut aussi que le suivi de cette étude soit d’une durée trop courte, avec pour conséquence une sous-estimation des forces des associations. Aucune correction n’a été apportée pour tenir compte des facteurs de confusion potentiels tels que les facteurs environnementaux et les interventions pour le sevrage tabagique.

 

Que disent les guides pour la pratique clinique ?

Le guide de bonne pratique de Domus Medica sur le sevrage tabagique indique que celui-ci peut entraîner une augmentation de l’appétit et une prise de poids (6). Il ne précise pas comment intégrer cela dans les conseils et l’accompagnement des fumeurs qui souhaitent arrêter de fumer ou qui ont arrêté de fumer.

 

Conclusion

Cette étude de cohorte, qui a été correctement menée, avec plus de 16000 participants, montre qu’il n’y a pas d’association entre la prise de poids lors de l’arrêt du tabagisme et le risque de maladie cardiovasculaire, de diabète de type 2, de cancer et de BPCO. De plus, le bénéfice du sevrage tabagique en termes de mortalité ne dépend pas d’une éventuelle prise de poids après l’arrêt du tabagisme. Cependant, un biais de notification n’a pas été exclu, et les facteurs de confusion potentiellement importants n’ont pas été pris en compte.

 

 

Références 

  1. La rédaction Minerva. Arrêt du tabac : bénéfice cardiovasculaire même si prise de poids. Minerva bref 15/02/2014.
  2. Clair C, Rigotti NA, Porneala B, et al. Association of smoking cessation and weight change with cardiovascular disease among adults with and without diabetes. JAMA 2013;309:1014-21. DOI: 10.1001/jama.2013.1644
  3. Hu Y, Zong G, Liu G, et al. Smoking cessation, weight change, type 2 diabetes, and mortality. N Engl J Med 2018;379:623-32. DOI: 10.1056/NEJMoa1803626
  4. Sahle BW, Chen W, Rawal LB, Renzaho AM. Weight gain after smoking cessation and risk of major chronic diseases and mortality. JAMA Network Open 2021;4:e217044. DOI: 10.1001/jamanetworkopen.2021.7044
  5. Wang X, Qin L, Arafa A, et al. Smoking cessation, weight gain, cardiovascular risk, and all-cause mortality: a meta-analysis. Nicotine Tob Res 2021;ntab076. DOI: 10.1093/ntr/ntab076
  6. Gailly J. Arrêter de fumer. Ebpracticenet. SSMG 1/03/2005. Dernière mise à jour: 01/2013.

 




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