Analyse
Olanzapine : un atout contre les nausées et vomissements liés à la chimiothérapie
Minerva n’a encore abordé qu’une seule fois la prise en charge des nausées et des vomissements provoqués par la chimiothérapie. Nous appuyant sur une méta-analyse, nous avons conclu que, dans le cadre de la chimiothérapie, le cannabis avait un meilleur effet antiémétique que les antiémétiques classiques. Cependant, nous avons également conclu qu’il n’y avait pas eu suffisamment d’études comparatives portant sur les nouveaux antiémétiques (1,2). Une association d’antagonistes 5HT3, de dexaméthasone et d’antagonistes NK1 est recommandée lorsque la chimiothérapie est modérément à fortement émétisante (3). Il existe également des preuves que l’olanzapine peut être utilisée pour traiter les nausées et vomissements chimio-induits réfractaires. Cependant, les études randomisées contrôlées actuellement disponibles qui ont examiné l’effet de l’olanzapine dans cette indication présentent d’importantes lacunes méthodologiques, telles que l’absence d’insu ou de calcul de la puissance (4).
Une étude randomisée en double aveugle contrôlée par placebo a examiné l’efficacité de l’olanzapine par rapport à un placebo dans la prévention des nausées et des vomissements chez 380 patients dont l’âge médian était de 57 ans (interquartile 28-89 ans) et qui présentaient une pathologie maligne pour laquelle une première cure de chimiothérapie hautement émétisante était prévue (5). Le traitement consistait soit en cisplatine (> 70 mg/m² de surface corporelle), en association ou non à une autre chimiothérapie, soit en doxorubicine (60 mg/m²) associée à du cyclophosphamide 600 mg/m². Le score à l’échelle du Groupe coopérateur en oncologie d’Europe (European (sic, i.e. Eastern) Cooperative Oncology Group, ECOG) devait être égal à 0, 1 ou 2, et les critères d’exclusion étaient nombreux. Les patients atteints d’insuffisance rénale, d’insuffisance hépatique, de neutropénie, de troubles cognitifs, de maladie cardiovasculaire (troubles du rythme, insuffisance cardiaque non contrôlée, infarctus du myocarde récent), de diabète sucré non contrôlé ou de troubles du système nerveux central (métastases cérébrales, convulsions) étaient exclus, de même que les patients sous neuroleptiques ou sous quinolones et les patients alcooliques.
Tous les patients inclus ont reçu les antiémétiques suivants le premier jour de la chimiothérapie : antagoniste de 5HT3 (palonosétron, granisétron ou ondansétron) + dexaméthasone 12 mg + un antagoniste des récepteurs NK1 (fosaprépitant ou aprépitant) ; le deuxième jour : dexaméthasone 8 mg + aprépitant ; le troisième jour : dexaméthasone 8 mg + aprépitant ; le quatrième jour : dexaméthasone 8 mg. Du premier jour au quatrième jour, les patients ont également reçu, en fonction de la randomisation, soit de l’olanzapine (10 mg par jour, par voie orale), soit un placebo. La randomisation était stratifiée en fonction du sexe, de la chimiothérapie administrée et de l’utilisation d’un antagoniste 5HT3. Les patients étaient invités à évaluer quotidiennement l’intensité de leurs nausées sur une échelle visuelle analogique (0 = pas de nausée, 10 = les pires nausées possibles) et à enregistrer la prise de médicaments de secours. Les principaux critères de jugement étaient l’absence de nausées (0 à l’EVA) pendant le suivi complet de 5 jours, pendant les premières 24 heures et du jour 2 au jour 5. Des corrections ont été effectuées pour tenir compte de la multiplicité des tests. L’analyse a été effectuée en intention de traiter modifiée (sans tenir compte des sorties d’étude).
Le nombre de patients qui n’avaient pas de nausées pendant les premières 24 heures était plus élevé dans le groupe olanzapine que dans le groupe placebo (74% contre 45%, p = 0,002), de même que du jour 2 au jour 5 (42% contre 25%, p = 0,002) et pendant toute la durée de l’étude de 5 jours (37% contre 22%, p = 0,002). Pour le critère secondaire (absence de nausées sans recours à des médicaments de secours), le groupe olanzapine a également obtenu un meilleur score que le groupe placebo, et ce de manière statistiquement significative. Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes quant à l’appétit. La sédation (sévère dans 5% des cas) était plus fréquente, et ce de manière statistiquement significative, dans le groupe olanzapine au jour 2, mais a diminué les jours suivants, et aucun patient n’a quitté l’étude pour cause de sédation.
Une étude japonaise similaire, multicentrique, randomisée, en double aveugle, contrôlée par placebo, a été menée récemment en partant de l’hypothèse qu’une dose plus faible d’olanzapine pourrait être associée à une sédation moindre sans réduire l’effet sur les nausées (6). 710 patients qui étaient traités pour la première fois avec du cisplatine (< 50 mg/m²) ont reçu, en plus d’une triple thérapie avec antiémétiques (aprépitant, palonosétron, dexaméthasone), 5 mg d’olanzapine ou un placebo. Dans cette étude également, on a observé, du jour 2 au jour 5, une diminution statistiquement significative du nombre de patients souffrant de nausées et utilisant des médicaments de secours dans le groupe olanzapine, par rapport au groupe placebo (critère de jugement principal) (79% avec IC à 95% de 75 à 83 contre 66 avec IC à 95% de 61 à 71 ; p < 0,0001), mais également pendant les premières 24 heures et pendant toute la durée de l’étude de 5 jours. Les différences étaient moins importantes que dans l’étude Navari, mais selon les auteurs, cela s’expliquerait plutôt par le fait que la chimiothérapie était moins émétisante. Un seul patient du groupe olanzapine a présenté une somnolence au jour 2.
Que disent les guides de pratique clinique ?
Certains agents chimiothérapeutiques, tels que le cisplatine, la doxorubicine et la dacarbazine, provoquent des nausées chez presque tous les patients (3). Les nausées ou vomissements aigus commencent dès l’administration du médicament ou dans les 2 à 6 heures après la perfusion. Le métoclopramide 20 mg est efficace pour les médicaments légèrement émétisants. Pour les médicaments plus émétisants, on peut administrer des antagonistes des récepteurs 5HT3 à la sérotonine (ondansétron 8 mg, tropisétron 5 mg ou granisétron 3 mg) par voie intraveineuse 30 à 60 minutes avant la perfusion. L’administration concomitante de glucocorticoïdes (10 mg de dexaméthasone i.v.) augmente l’efficacité du traitement. Le métoclopramide à raison de 10 à 30 mg trois fois par jour, éventuellement en association avec des glucocorticoïdes, est efficace dans les vomissements prolongés et retardés (2 à 6 jours après la perfusion du médicament anticancéreux). En cas d’échec du métoclopramide, on peut essayer un antagoniste des récepteurs 5HT3 à la sérotonine (également disponible pour administration orale) ou l’ajout d’aprépitant ou d’un antagoniste de la sérotonine à action prolongée. Les médicaments anxiolytiques préviennent les nausées anticipées (la simple peur du traitement, par exemple, l’odeur ou la vue de l’hôpital, peuvent suffire à provoquer des nausées), par exemple, le lorazépam 1 à 5 mg per os, ou même l’injection intramusculaire de benzodiazépine quelques heures avant l’admission à l’hôpital.
Conclusion
Cette étude randomisée, contrôlée, en double aveugle, qui a été menée correctement d’un point de vue méthodologique, montre que l’ajout d’olanzapine à une triple thérapie antiémétique dans les nausées induites par une chimiothérapie émétisante réduit les nausées plus efficacement qu’un placebo. Une étude similaire montre que 5 mg d’olanzapine a un effet équivalent à celui de 10 mg d’olanzapine mais est associé à moins de sédation au jour 2. Des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer si l’activité antiémétique supplémentaire de l’olanzapine persiste sur plusieurs cycles.
- Avonts D. Cannabis als antibraakmiddel bij chemotherapie. Minerva 2002;31(3):149-50.
- Tramèr MR, Carroll D, Campbell FA, et al. Cannabinoids for control of chemotherapy induced nausea and vomiting: quantitative systematic review. BMJ 2001;323:16-21. DOI: 10.1136/bmj.323.7303.16
- Prise en charge des effets indésirables des médicaments antinéoplasiques. Ebpracticenet. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 4/05/2017. Dernière révision contextuelle: 6/11/2019.
- Fonte C, Fatigoni S, Roila F. A review of olanzapine as an antiemetic in chemotherapy-induced nausea and vomiting and in palliative care patients. Crit Rev Oncol Hematol 2015;95:214-21. DOI: 10.1016/j.critrevonc.2015.02.010
- Navari RM, Qin R, Ruddy KJ, et al. Olanzapine for the prevention of chemotherapy-induced nausea and vomiting. N Engl J Med 2016;375:134-42. DOI: 10.1056/NEJMoa1515725
- Hashimoto H, Abe M, Tokuyama O, et al. Olanzapine 5 mg plus standard antiemetic therapy for the prevention of chemotherapy-induced nausea and vomiting (J-FORCE): a multicentre, randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet Oncol 2020;21:242-9. DOI: 10.1016/S1470-2045(19)30678-3
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