Revue d'Evidence-Based Medicine



Un premier choix parmi les médicaments en prévention des fractures ostéoporotiques ?



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 7 Page 98 - 99

Professions de santé


Analyse de
MacLean C, Newberry S, Maglione M, et al. Systematic review: comparative effectiveness of treatments to prevent fractures in men and women with low bone density or osteoporosis. Ann Intern Med 2008;148:197-213.


Question clinique
Quels sont les avantages et les inconvénients relatifs des médicaments pour la prévention de la fracture ostéoporotique chez la femme et chez l’homme ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique, avec des sommations réduites à quelques résultats, présente des limites méthodologiques importantes. De bonnes preuves d’une plus-value bénéfices/risques ne sont disponibles que pour la prévention des fractures chez les femmes ostéoporotiques à haut risque de fractures, avec de l’alendronate ou du risédronate en plus d’un traitement par calcium et vitamine D. Les comparaisons entre différents médicaments sont insuffisantes. Pour des groupes à risque spécifiques, comme les patients présentant une ostéoporose cortico-induite ou les hommes ostéoporotiques, les preuves sont limitées.


 

Résumé

Contexte

Différents médicaments sont disponibles pour traiter l’ostéoporose. Peu de comparaisons ont été faites entre eux quant à leur efficacité pour la réduction du risque fracturaire et pour leurs effets indésirables. Minerva a déjà publié des analyses pour plusieurs d’entre eux : alendronate (1), risédronate (2), acide zolédronique (3), raloxifène (4), parathormone (5), calcitonine (6), calcium et vitamine D (7,8).

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

Sources consultées

MEDLINE (1966 - novembre 2007) ; autres bases de données/sites web : ACP Journal Club, Cochrane CDSR et CENTRAL, NICE, HTA, FDA ; firmes pharmaceutiques ; listes de référence des articles.

Etudes sélectionnées

  • publications en anglais
  • critères de jugement : méta-analyses ou RCTs évaluant la réduction du risque de fracture ostéoporotique
  • effets indésirables : synthèses méthodiques, RCTs et études cas-contrôle ou de cohorte importantes (n > 1 000)
  • 3 catégories de niveau de preuve : bonne, modérée, faible
  • parmi les 1 835 articles localisés, 100 (24 MA, 76 RCTs complémentaires) sont utiles pour évaluer l’efficacité et 493 pour juger des effets indésirables.

Population étudiée

  • répartie en groupes selon le niveau de risque de fracture : élevé, intermédiaire, faible
  • risque en fonction de la densité minérale osseuse et de l’âge
  • risque sur toute la vie respectivement de 33%, 21% et < 10%
  • pas d’autre caractéristique donnée.

Mesure des résultats

  • critère primaire : nombre de personnes présentant au moins une fracture (vertébrale, non vertébrale, du col fémoral)
  • effets indésirables.

Résultats

  • efficacité versus placebo (risque fracturaire élevé, femmes) : médicaments montrant avec un bon niveau de preuve une diminution significative du risque de fracture (vertébrale, non vertébrale, du col fémoral) : alendronate, risédronate et estrogènes (voir tableaux)
  • comparaison inter et intra classes médicamenteuses : pas de preuve d’une différence
  • efficacité pour une population à bas risque : raloxifène (1 MA) uniquement : diminution du risque de fracture vertébrale : RR 0,53 (IC à 95% : 0,35 - 0,79)
  • efficacité chez l’homme : preuves limitées (quelques études) d’efficacité de : risédronate pour la fracture de hanche, calcitonine pour la fracture de hanche, tériparatide (PTH) pour l’ensemble des fractures
  • efficacité en cas de risque de chutes élevé :

- acide zolédronique : si antécédent de fracture de hanche, moins de fractures vertébrales et non vertébrales

- risédronate : si Alzheimer, moins de fractures vertébrales et de hanche

- alendronate : si maladie de Parkinson, moins de fractures de hanche

- vitamine D : si AVC ou hémiparésie, moins de fractures de hanche.

  • corticothérapie au long cours :

- efficacité du risédronate et de l’alendronate pour les fractures vertébrales

- pas d’efficacité pour l’étidronate versus placebo et versus calcium, ni pour le pamidronate versus calcium, ni pour la calcitonine.

  • effets indésirables :

- cardiovasculaires : FA dans 1 étude avec l’acide zolédronique, AVC et thromboembolie avec les estrogènes seuls ou associés à des progestagènes, embolie pulmonaire et thromboembolie avec le raloxifène

- gastrointestinaux : pour tous les bisphosphonates sauf l’acide zolédronique, irritation légère à ulcère oesophagien avec ou sans perforation et saignement

- cancer : pour les estrogènes/progestagènes, plus de cancers du sein, moins de cancers coliques

- ostéonécrose : quelques cas décrits en cas d’administration intraveineuse de hautes doses d’alendronate, pamidronate ou acide zolédronique.

Tableaux

Médicament

Fractures vertébrales

 

Risque

Nombre MA/nombre RCTs

(total des participants)†

Niveau de preuve

Bisphosphonates

Alendronate

Réduction

3/3(11834)

bon

Etidronate

Réduction

2/5(1555)

bon

Ibandronate

Réduction

0/3(4919)

bon

Pamidronate

Pas d’effet

0/6(327)

faible

Risédronate

Réduction

3/4(3785)

bon

Acide zolédronique

Réduction

0/2(7382)

bon

Hormones

Calcitonine

Réduction

3/5(2127)

modéré

Estrogènes

Réduction

3/5(34423)

bon

PTH(1-34)

Réduction

1/2(1972)

bon

Testostérone

AD

0/0

AD

Modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes

Raloxifène

Réduction

3/2(18232)

bon

Tamoxifène

Pas d’effet

0/1(13135)

bon

Vitamines et minéraux

 

Calcium

Pas d’effet

1/4(5751)

bon

Vitamine D

Réduction/ aucune modification§

5/2(8505)

bon

 

 

 

Médicament

Fractures non vertébrales

 

Risque

Nombre MA/nombre RCTs

(total des participants)†

Niveau de preuve

Bisphosphonates

Alendronate

Réduction

5/1(8630)

bon

Etidronate

Pas d’effet

2/1(895)

modéré

Ibandronate

Pas d’effet

0/1(2929)

bon

Pamidronate

Pas d’effet

0/2(109)

faible

Risédronate

Réduction

3/4(14147)

bon

Acide zolédronique

Réduction

0/2(7627)

bon

Hormones

Calcitonine

Pas d’effet

2/0(1744)

bon

Estrogènes

Réduction

3/1(8793)

bon

PTH(1-34)

Réduction

1/2(2464)

modéré

Testostérone

AD

0/0

AD

Modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes

Raloxifène

Pas d’effet

1/0(6828)

bon

Tamoxifène

AD

0/0

AD

Vitamines et minéraux

Calcium

Pas d’effet

1/1(1679)

bon

Vitamine D

Réduction/aucune modification§

6/0(9820)

bon

 

 

 

Médicament

Fractures de hanche

 

Risque

Nombre MA/nombre RCTs

(total des participants)†

Niveau de preuve

Bisphosphonates

Alendronate

Réduction

5/1(12068)

bon

Etidronate

Pas d’effet

3/1(662)

modéré

Ibandronate

AD

0/0

AD

Pamidronate

Pas d’effet

0/1(59)

faible

Risédronate

Réduction

2/3(8957)

bon

Acide zolédronique

Réduction

0/2(7234)

modéré

Hormones

Calcitonine

AD

0/0

AD

Estrogènes

Réduction

1/1(31528)

bon

PTH(1-34)

Pas d’effet

1/0(?)

faible

Testostérone

AD

0/0

AD

Modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes

Raloxifène

Pas d’effet

1/0(6828)

bon

Tamoxifène

Pas d’effet

0/1(13135)

bon

Vitamines et minéraux

Calcium

Pas d’effet

0/3(5597)

bon

Vitamine D

Réduction/ aucune modification§

2/2(21391)

bon

* AD  aucune donnée; PTH  hormone parathyroidienne

† RCTs publiées après la MA. Total des participants = somme des participants dans la plus grosse MA + autres RCTs

§ Efficacité variable selon la présentation et le dosage

 

Conclusion des auteurs

Les études apportent de bonnes preuves d’une efficacité préventive des fractures ostéoporotiques pour différents médicaments mais les preuves sont insuffisantes pour déterminer leur efficacité et sécurité relatives.

Financement

Agency for Healthcare Research and Quality.

Conflits d’intérêt 

Mentionnés par un des auteurs.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse méthodique était ambitieuse, évaluant en détail le vaste groupe des médicaments pour la prévention des fractures ostéoporotiques et sommant si possible les résultats observés. Le nombre d’études ayant choisi comme critère primaire la réduction de risque de fractures est cependant limité. Plusieurs études présentent également un problème de puissance, ayant initialement surestimé le risque de fractures. Les chercheurs se sont basés sur les méta-analyses disponibles et sur les RCTs non reprises dans celles-ci, ce qui pourrait amplifier d’éventuels biais dans les méta-analyses. La qualité des publications est évaluée mais les auteurs ne mentionnent ni l’hétérogénéité ni le biais de publication. La restriction du choix aux seules études publiées en anglais pourrait aussi constituer un biais. La durée du traitement, l’observance de celui-ci et la durée de suivi dans les méta-analyses et dans les RCTs évaluées ne sont pas prises en compte. Les auteurs mentionnent, dans leur discussion, une grande hétérogénéité parmi les études incluses. La sommation est faite en incluant différents dosages d’un même médicament. La population des études est répartie dans différents groupes selon le risque, mais cette répartition apparaît très peu dans les résultats, les études originales ne permettant pas toujours, par manque d’information, d’opérer un tel tri. Les caractéristiques des populations incluses, telles que l’âge, le sexe, la race, le poids et le tabagisme ne sont pas fournies.

Analyse des résultats

En raison des limites précédemment évoquées, seules des conclusions très générales sont possibles. Les preuves les plus solides sont apportées pour la prévention des fractures vertébrales dans une population féminine à haut risque (définie par un T-score de densité minérale osseuse inférieur à - 2,5 ET), avec ou sans fracture préalable. L’alendronate, le risédronate, l’acide zolédronique et les estrogènes (associés ou non aux progestagènes) se montrent efficaces (preuves de bonne qualité) pour la réduction du risque de fracture vertébrale ou non vertébrale. Aucune comparaison directe étudiée ne montre de supériorité d’un médicament sur un autre. Le raloxifène (SERM) n’est efficace que pour les fractures vertébrales. Le calcium et la vitamine D montrent des résultats non concordants en fonction de la dose et de la présentation pharmacologique administrées, et de l’observance. Dans toutes les études concernant les bisphosphonates, les SERMs et les hormones, les patients prennent du calcium et de la vitamine D, ce qui est recommandé dans la notice de ces médicaments. L’enregistrement des effets indésirables dans les différentes études d’efficacité est très hétérogène et incomplet. Cette synthèse n’établit pas de balance entre les bénéfices et les inconvénients des différents médicaments. Clinical Evidence (9) se livre à cet exercice et conclut que l’alendronate, la PTH, le risédonate présentent une plus-value pour la prévention des fractures vertébrales et non vertébrales chez les femmes en post ménopause, mais aussi que la calcitonine, le ranélate de strontium (non évalué dans la présente synthèse), l’étidronate, les protecteurs de hanche (non évalués ici), l’ibandronate, le pamidronate, le calcium avec de la vitamine D et les analogues de la vitamine D (alfacalcidol et calcitriol) apportent probablement une plus-value principalement pour la prévention des fractures vertébrales. Le raloxifène n’apporte pas de plus-value en prenant en compte les bénéfices comme les inconvénients. Le calcium et la vitamine D ne sont pas suffisamment efficaces. Une récente méta-analyse évaluée dans Minerva (8) montrait l’efficacité d’une dose quotidienne de calcium de 1 200 mg administrée à des femmes de plus de 50 ans pour réduire l’incidence de fracture. Les estrogènes, en association ou non avec des progestagènes, sont efficaces mais avec des effets indésirables (augmentation du risque de cancer du sein et de pathologie cardiovasculaire). Pour le groupe à risque bas et pour des sous-groupes spécifiques, les preuves sont limitées, ce qui explique la diversité des recommandations.

Recommandations pour la pratique

La réunion de consensus organisée en 2005 sur le thème de la prévention de la fracture ostéoporotique (10) avait conduit aux recommandations suivantes pour les femmes en post ménopause. Malgré l’absence de preuve solide, la prévention des chutes, l’exercice physique et les apports alimentaires adéquats sont recommandés aux côtés du traitement médicamenteux. En présence de tout risque fracturaire, une association de calcium et de vitamine D doit être administrée. Si le T-score de la DMO est < - 1,0 ET et > - 2,5 ET (ostéopénie) en cas de fracture vertébrale, ou de T-score < - 2,5 ET, un autre traitement doit être ajouté au calcium/vitamine D ; l’alendronate ou le risédronate présentent le meilleur rapport bénéfices/risques. Une ostéoporose cortico-induite doit toujours être traitée par l’association de calcium avec de la vitamine D et avec de l’alendronate ou du risédronate. Pour l’ostéoporose masculine, seul l’alendronate (présentation à 10 mg quotidiens remboursée dans cette indication) présente des preuves modérées d’efficacité en association avec du calcium et de la vitamine D.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique, avec des sommations réduites à quelques résultats, présente des limites méthodologiques importantes. De bonnes preuves d’une plus-value bénéfices/risques ne sont disponibles que pour la prévention des fractures chez les femmes ostéoporotiques à haut risque de fractures, avec de l’alendronate ou du risédronate en plus d’un traitement par calcium et vitamine D. Les comparaisons entre différents médicaments sont insuffisantes. Pour des groupes à risque spécifiques, comme les patients présentant une ostéoporose cortico-induite ou les hommes ostéoporotiques, les preuves sont limitées.

 

Références

  1. Michiels B. Alendronate: dix ans d’expérience. MinervaF 2004;3(10):163-5.
  2. Lemiengre M, van Driel M. Voorkomt risedronaat fracturen bij vrouwen met wervelfracturen? Minerva 2001;30(2):72-6.
  3. Michiels B. Acide zolédronique en cas d’ostéoporose postménopausale. MinervaF 2007;6(9):132-3.
  4. Vermeire E. Le raloxifène diminue-t-il le risque de cancer du sein chez les femmes ostéoporotiques. MinervaF 2006;5(5):72-4.
  5. Vermeire E. Vermeire E. L’hormone parathyroïdienne prévient-elle les fractures liées à l’ostéoporose? MinervaF 2002;1(3):42-3.
  6. Goemaere S. Vermindert calcitonine de pijn bij wervelfracturen? Minerva 2001;30(2):81-3.
  7. Chevalier P. Le rôle de la vitamine D ans la prévention des fractures. MinervaF 2006;5(3):41-3.
  8. Chevalier P. Efficacité des suppléments calciques pour prévenir les fractures. MinervaF 2007;6(10):156-7.
  9. Mosekilde L, Vestergaard P, Langdahl B. Musculoskeletal disorders: Fracture prevention in postmenopausal women. Clin Evid 2008:1109.
  10. Réunion de consensus. Les traitements efficients pour la prévention des fractures liées à l’ostéoporose. Institut National d’Assurance Maladie-Invalidité. Bruxelles, 2005.
Un premier choix parmi les médicaments en prévention des fractures ostéoporotiques ?

Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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