Revue d'Evidence-Based Medicine



Incontinence urinaire chez la femme : traitements non chirurgicaux



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 8 Page 118 - 119

Professions de santé


Analyse de
Shamliyan TA, Kane RL, Wyman J, Wilt TJ. Systematic review: randomized, controlled trials of nonsurgical treatments for urinary incontinence in women. Ann Intern Med 2008;148:459-73.


Question clinique
Quelle est l’efficacité des traitements non chirurgicaux de l’incontinence urinaire de la femme versus placebo ou soins courants ?


Conclusion
Cette synthèse de la littérature montre l’intérêt de la pratique d’exercices du plancher pelvien et vésicaux dans la récupération et le maintien d’une continence urinaire chez la femme. Certains médicaments peuvent également contribuer à diminuer le nombre d’épisodes d’incontinence mais leur bénéfice clinique reste à évaluer individuellement en fonction d’effets indésirables éventuels. Les études apportent trop peu d’arguments pour faire des recommandations générales, surtout pour l’association de traitements. Le choix doit être fait avec la patiente.


 

Résumé

 

Contexte

L’incontinence urinaire est une plainte fréquente chez les femmes et sa fréquence augmente avec l’âge (19% entre 19 et 44 ans jusqu’à 30% après 65 ans). Différents traitements sont actuellement proposés, chirurgicaux ou non, avec de nouvelles techniques et de nouveaux médicaments. Une synthèse de l’ensemble des traitements était la bienvenue, limitée ici aux traitements non chirurgicaux.

 

Méthode

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • MEDLINE et CINAHL (de 1990 jusqu’à mai 2007), Cochrane Library
  • International Continence Society et experts.

 

Etudes sélectionnées

  • RCTs publiées en anglais
  • exclusion : analyses secondaires, rapport de cas ou de séries, études sans critères cliniques pertinents objectifs, variables urodynamiques
  • études incluses : 96 RCTs et 3 synthèses méthodiques.

 

Population concernée

  • femmes non institutionnalisées présentant une incontinence urinaire (définition d’incontinence utilisée dans l’étude originale)
  • incontinence par impériosité, à l’effort, mixte, dans des rapports variables selon les études mais sans exclusion claire d’autres types d’incontinence dans les études originales.

 

Mesure des résultats

  • nombre de cas d’incontinence, prévalence de l’incontinence, amélioration de l’incontinence, continence après intervention
  • critère primaire : continence > 6 mois après l’intervention
  • différence de risque (RAR ou AAR)
  • analyse en intention de traiter et en modèle d’effets aléatoires.

 

Résultats

a. Critère de continence urinaire

  • résultats significatifs pour les études évaluant le critère fixé : voir tableau
  • résultats discordants pour : exercices musculaires du plancher pelvien avec ou sans biofeedback, injection périurétrale de substances, dispositifs médicaux, traitement hormonal transdermique ou vaginal
  • pas de bénéfice pour : stimulation électrique
  • pas de plus-value versus placebo pour : médicaments adrénergiques, duloxétine.

 

Tableau : résultats significatifs pour le critère amélioration de l’incontinence* (en différence de risque avec IC à 95%), suivant les différentes interventions et le comparateur utilisé.

 

Intervention

Comparateur

(nombre d’études)

Différence de risque

IC à 95%

Remarques

Exercices musculaires du plancher pelvien et vésicaux

soins courants (4)

0,36

0,10 à 0,61

également plus de cas de continence 0,13 (0,07 à 0,20)

Traitement hormonal oral

placebo ou progestérone seule (17)

1,5

1,1 à 2,2

risque accru d’incontinence

Oxybutynine

toltérodine

placebo ou absence de traitement (5)

0,18

0,13 à 0,22

pour un critère de guérison

* sauf mention contraire, voir colonne remarques

 

b. Autres critères

  • duloxétine supérieure à un placebo en cas d’incontinence par impériosité sur le critère amélioration de l’incontinence et qualité de vie : différence de risque 0,11 (IC à 95% de 0,07 à 0,14).

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’il existe des preuves (d’un niveau de concordance modérée) que des exercices du plancher pelvien et vésicaux associés guérissent l’incontinence urinaire chez la femme. Les médicaments anticholinergiques également (oxybutynine ou toltérodine). La duloxétine apporte une amélioration sans guérison. L’efficacité d’électrostimulations, de dispositifs médicaux, l’injection périurétrale de substances faisant volume, un traitement estrogénique local ont une efficacité non univoque.

 

Financement

Agency for Healthcare Research and Quality.

 

Conflits d’intérêt 

L’AHRQ a suggéré les questions initiales mais n’est pas intervenue ensuite ; un des auteurs est consultant pour 2 firmes pharmaceutiques.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse méthodique est élaborée sur la base d’un protocole correct. La recherche dans la littérature est systématique mais limitée à la langue anglaise. Les auteurs réalisent une analyse qualitative des études ; ils observent un étude clinique randomisée (RCT), les sujets appartenant à la population faisant l’objet de l’étude sont distribués de façon aléatoire (par exemple à l’aide d’enveloppes fermées) entre groupe(s) expérimental(aux) et groupe(s)-témoin. L’allocation en aveugle se réfère au fait que l’on tient secrète (ou aveugle) la répartition des patients entre les différents groupes constitués pour la recherche. Cela signifie que celui qui constitue les groupes (par exemple en distribuant les enveloppes) ne connaît pas le contenu de l’enveloppe et que le code ne peut pas être identifié. De cette manière on évite le biais d’attribution (ou d’allocation).">secret de l’attribution inadéquat pour une large proportion des études. Ils fixent des niveaux de preuve selon la classification GRADE et analysent l’hétérogénéité (test I² de Higgins), avec recours à une analyse en modèle d’effets aléatoires. Ils mentionnent une hétérogénéité clinique entre les études, liée à des différences entre populations, interventions et outils de mesure. Si la définition de continence est claire (> 6 mois après l’intervention), celle d’incontinence est moins claire, étant celle qui était utilisée dans l’étude originale, avec parfois exclusion du nombre de personnes encore incontinentes des cas considérés comme améliorés. La définition d’amélioration de l’incontinence est également variable : impression subjective rapportée ou réduction de 50 à 75% des épisodes d’incontinence selon le journalier. Certaines analyses nous rendent perplexes : les auteurs annoncent comme critère de jugement primaire une continence urinaire pendant plus de 6 mois et ils incluent dans leur méta-analyse des études sur 3 mois de suivi. Ce critère primaire est également peu applicable quand il s’agit d’évaluer l’efficacité d’un médicament, le bénéfice disparaissant à l’arrêt du médicament.

 

Mise en perspective des résultats

Différents types d’incontinence sont pris en considération selon les études mais sans exclusion claire d’autres types d’incontinence dans les études originales, ce qui permet rarement d’affirmer qu’il s’agit d’un seul type d’incontinence. Les auteurs de cette synthèse méthodique en concluent que les effets des traitements peuvent être considérés comme valides pour des femmes avec incontinence urinaire mixte, ce qui nous semble abusif comme conclusion, les traitements pouvant avoir une efficacité différente selon le type d’incontinence (1). Pouvons-nous tirer des enseignements pratiques d’une telle synthèse, quant au choix à proposer à une patiente précise ? Il faut d’emblée souligner que des facteurs prédictifs d’un meilleur résultat pour un traitement particulier ne sont pas identifiés. Pour les anticholinergiques, les auteurs ne localisent que 5 études n’incluant que des femmes. Il est donc étonnant qu’ils somment les résultats d’une seule étude avec de l’oxybutynine versus placebo (avec des résultats à la limite de la signification statistique) avec ceux de 2 études avec de la toltérodine (montrant des résultats favorables) et de 2 études comparant différentes présentations galéniques d’anticholinergiques. Il nous semble difficile de tirer d’une telle analyse la conclusion que l’oxybutynine est efficace en cas d’incontinence urinaire chez la femme. Les auteurs de cette synthèse mentionnent également que les mesures quantitatives rapportées dans les études originales (non mentionnées dans cette publication) montrent des résultats moins bons que ceux, qualitatifs, d’amélioration symptomatique rapportés ici. Les résultats de cette synthèse s’écartent de ceux mentionnés dans Clinical Evidence dans son chapitre consacré à l’incontinence d’effort (2).

 

Pertinence clinique

Cette synthèse méthodique ne nous donne également pas la mesure de la pertinence clinique d’une amélioration de l’incontinence urinaire. Dans une précédente méta-analyse évaluant l’efficacité des anticholinergiques en cas d’impériosité vésicale chez l’adulte (3), une amélioration statistique est montrée (RR d’amélioration/guérison de 1,41 (IC à 95% de 1,29 à 1,54) mais ceci correspond à 1 miction involontaire en moins par 48 heures pour des personnes qui en présentent 5 par 12 heures ou 8 par 24 heures, avec des effets à long terme inconnus, un effet très important des placebo dans les études (45% d’efficacité), sans compter avec les effets indésirables. Pour les anticholinergiques, c’est surtout la sécheresse de bouche qui est fréquente (3 fois plus qu’avec le placebo) sans occasionner cependant plus de sorties d’étude. Dans les études avec la duloxétine, une femme sur 5 quitte l’étude en raison d’effets indésirables (qui sont : nausées, sécheresse de bouche, fatigue, insomnie, constipation, céphalées, troubles d’équilibre, somnolence, diarrhées). Il faut aussi mentionner des résultats n’apparaissant pas dans le résumé et les forest-plots de cette synthèse : une modification du style de vie visant à maintenir une perte pondérale et à pratiquer une activité physique modérément intensive s’est également montrée bénéfique chez des femmes prédiabétiques en termes de réduction de l’incontinence d’effort.

 

Conclusion

Cette synthèse de la littérature montre l’intérêt de la pratique d’exercices du plancher pelvien et vésicaux dans la récupération et le maintien d’une continence urinaire chez la femme. Certains médicaments peuvent également contribuer à diminuer le nombre d’épisodes d’incontinence mais leur bénéfice clinique reste à évaluer individuellement en fonction d’effets indésirables éventuels. Les études apportent trop peu d’arguments pour faire des recommandations générales, surtout pour l’association de traitements. Le choix doit être fait avec la patiente.

 

 

Références

  1. Chevalier P. Questionnaire pour le diagnostic d’incontinence par impériosité ou à l’effort chez la femme. MinervaF 2007;6(4):55-7.
  2. Onwude JL. Stress incontinence. Clinical Evidence. Web publication date: 01 Jun 2007 (based on December 2006 search).
  3. Hay-Smith J, Herbison P, Ellis G, Moore K. Anticholinergic drugs versus placebo for overactive bladder syndrome in adults. Cochrane Database Syst Rev 2002, Issue 3.

 

 

 

Noms de marque

  • Duloxétine :Yentreve® (pour cette indication)
  • Oxybutynine : Ditropan®, Kentera®, Merck-Oxybutynine HCl®, Oxybutynine EG®, Oxybutynine Sandoz®
  • Toltérodine : Détrusitol®.
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