Analyse


Le donépézil en cas de maladie d’Alzheimer : mise à jour


15 03 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Birks JS, Harvey RJ. Donepezil for dementia due to Alzheimer's disease. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858.CD001190.pub3


Conclusion
Cette synthèse méthodique Cochrane ne peut montrer, chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, aucune plus-value cliniquement pertinente du donépézil sur les principaux critères de jugement, tels que les facultés cognitives, le comportement, les performances dans les activités de la vie quotidienne et la qualité de vie, tandis que les effets indésirables et l’acceptation du traitement sont en sa défaveur.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Comme traitement de la démence, les inhibiteurs de la cholinestérase et la mémantine ne sont efficaces que dans une mesure limitée, tandis que les événements indésirables sont fréquents. La thérapie de la diminution des facultés cognitives chez les personnes atteintes de démence repose sur des interventions psychosociales adaptées à l’expérience du patient ainsi qu’à ses besoins et à ceux de son entourage (aidants proches). La mise à jour de la synthèse méthodique Cochrane décrite plus haut ne remet pas ces recommandations en question.



Depuis 2002, Minerva a indiqué à plusieurs reprises que le traitement médicamenteux de la maladie d’Alzheimer (légère à modérée) par des inhibiteurs de la cholinestérase apporte une amélioration, à la limite de la signification statistique, de certains critères de jugement, tels que les fonctions cognitives, mais sans amélioration cliniquement pertinente des fonctions cognitives et générales, ni diminution des admissions en institution (1-14). Les études commanditées par l’industrie étaient toutes à court terme (26 à 52 semaines). Une étude indépendante à long terme n’a toutefois pas non plus pu montrer d’amélioration des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie ou un délai de l’admission en institution (7,8).

 

Depuis 1998, la Cochrane Collaboration a publié différentes synthèses méthodiques sur les inhibiteurs de la cholinestérase. Récemment a été publiée une nouvelle mise à jour sur l’efficacité du donépézil dans la maladie d’Alzheimer légère à sévère (15). Par rapport à la version précédente (16), 4 nouvelles études ont été ajoutées à la recherche dans la littérature. Les résultats de la méta-analyse ont pu être complétés avec de nouveaux critères de jugement, comme la qualité de vie.

La méta-analyse de 13 études totalisant 3396 patients âgés de 75 ans en moyenne et atteints de démence d’Alzheimer légère à modérée (N = 7 études), modérée à sévère (N = 2 études) et sévère (N = 4 études) a examiné l’effet de 10 mg de donépézil versus placebo pendant 24 à 26 semaines sur plusieurs critères de jugement (mesurés à l’aide de différents instruments de mesure) : fonctions cognitives (Alzheimer’s Disease Assessment Scale-Cognitive, ADAS-Cog (70 points, le score le plus faible étant le meilleur)), test de Folstein (alias Mini-Mental State Examination, MMSE (30 points, le score le plus élevé étant le meilleur)), performances dans les activités de la vie quotidienne (Alzheimer’s Disease Cooperative Study Activities of Daily Living score for severe Alzheimer’s disease, ADCS-ADL-sev (54 points, le score le plus élevé étant le meilleur)), impression clinique du médecin (Clinician’s Interview-Based Impression of Change, CIBIC-plus), comportement (Inventaire neuropsychiatrique, NPI (le score le plus faible étant le meilleur)), qualité de vie, degré d’acceptation du traitement (sorties d’étude) et effets indésirables.

Sur le plan des fonctions cognitives, de la performance dans les activités de la vie quotidienne et de l’impression clinique du médecin, un effet favorable du donépézil versus placebo a été observé, et ce de manière statistiquement significative :

 

  • ADAS-Cog (N = 5, n = 1130) : différence moyenne de -2,67 points (avec IC à 95% de -3,31 à -2,02)
  • MMSE (N = 7, n = 1 757) : différence moyenne de +1,05 point (avec IC à 95% de 0,73 à 1,37)
  • ADCS (N = 3, n = 733) : différence moyenne de +1,03 point (avec IC à 95% de 0,21 à 1,85)
  • CIBIC-plus (N = 6, n = 1674) : OR de 1,92 (avec IC à 95% de 1,54 à 2,39)

 

Aucun effet statistiquement significatif n’a été observé sur le comportement et sur la qualité de vie, tandis que l’acceptation du traitement (sorties d’étude) et les effets indésirables sont en défaveur du donépézil, et ce de manière statistiquement : OR respectivement de 1,25 (avec IC à 95% de 1,05 à 1,50) (N = 12 études ; n = 2846) et de 1,59 (avec IC à 95% de 1,31 à 1,95) (N = 10 études ; n = 2500).

Comme il manque des informations sur le secret d'attribution (concealment of allocation) et sur l’insu pour les évaluateurs dans les études incluses, la qualité de la preuve attribuée est modérée pour tous les résultats.

Cette mise à jour de la dernière synthèse méthodique Cochrane sur ce sujet n’a pas non plus pu montrer de différence cliniquement pertinente du donépézil versus placebo. Comme nous l’avons déjà indiqué (9-14), il faut une différence d’au moins 4 points sur l’échelle ADAS-Cog et de 3 points au test du MMSE pour pouvoir parler de pertinence clinique. En outre, aucune nouvelle étude sur le long terme n’a été trouvée. Bien que l’effet sur les aidants proches, l’augmentation de l’indépendance et l’allongement du délai avant l’admission dans une structure d’hébergement et de soins figuraient dans la liste des critères de jugement des auteurs de la revue, aucun résultat valide dans les études incluses n’a pu être retrouvé. Aucune recherche n’a été menée dans des sous-groupes pouvant être considérés comme des « répondeurs ». Dans quelques études (N = 4), les résultats pour les formes sévères de démence d’Alzheimer étaient du même ordre de grandeur que ceux obtenus pour les formes légères à modérées.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique Cochrane ne peut montrer, chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, aucune plus-value cliniquement pertinente du donépézil sur les principaux critères de jugement, tels que les facultés cognitives, le comportement, les performances dans les activités de la vie quotidienne et la qualité de vie, tandis que les effets indésirables et l’acceptation du traitement sont en sa défaveur.

 

Pour la pratique

Comme traitement de la démence, les inhibiteurs de la cholinestérase et la mémantine ne sont efficaces que dans une mesure limitée, tandis que les événements indésirables sont fréquents (17). La thérapie de la diminution des facultés cognitives chez les personnes atteintes de démence repose sur des interventions psychosociales adaptées à l’expérience du patient ainsi qu’à ses besoins et à ceux de son entourage (aidants proches) (17,18). La mise à jour de la synthèse méthodique Cochrane décrite plus haut ne remet pas ces recommandations en question.

 

 

Références 

  1. Vermeire E. Rivastigmine. MinervaF 2002;1(8):4-5.
  2. Birks J, Grimley Evans J, Lakovidou V, Tsolaki M. Rivastigmine for Alzheimer’sdisease. Cochrane Database Syst Rev 2000, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD001191
  3. Roland M. Donépézil. MinervaF 2002;1(8):5-6.
  4. Feldman H, Gauthier S, Hecker J, et al; Donepezil MSAD Study Investigators Group. A 24-week, randomized, double-blind study of donezepil in moderate to severe Alzheimer’s disease. Neurology 2001;57:613-20. DOI: 10.1212/WNL.57.4.613
  5. Poelman T. Galantamine. MinervaF 2002;1(8):6-7.
  6. Wilcock GK, Lilienfeld S, Gaens E, et al. Efficacy and safety of galantamine in patients with mild to moderate Alzheimer’s disease: multicenter randomised controlled trial. BMJ 2000;321:1445-9. DOI: 10.1136/bmj.321.7274.1445
  7. Michiels B. Résultats à long terme du donépézil en cas d'Alzheimer. MinervaF 2005;4(7):112-4.
  8. Courtney C, Farrell D, Gray R; AD2000 Collaborative Group. Long-term donepezil treatment in 565 patients with Alzheimer’s disease (AD2000): randomised double-blind trial. Lancet 2004;363:2105-15. DOI: 10.1016/S0140-6736(04)16499-4
  9. Michiels B. Inhibiteurs des cholinestérases: preuves scientifiques? MinervaF 2006;5(6):94-6.
  10. Kaduszkiewicz H, Zimmermann T, Beck-Bornholdt HP, van den Bussche H. Cholinesterase inhibitors for patients with Alzheimer’s disease: systematic review of randomised clinical trials. BMJ 2005;331:321-7. DOI: 10.1136/bmj.331.7512.321
  11. Michiels B. Agitation et maladie d’Alzheimer : le donépézil efficace ? MinervaF 2008;7(7):112.
  12. Howard RJ, Juszczak E, Ballard CG, et al; CALM-AD Trial Group. Donepezil for the treatment of agitation in Alzheimer's disease. N Engl J Med 2007;357:1382-92. DOI: 10.1056/NEJMoa066583
  13. Michiels B. Traitement médicamenteux de la démence. MinervaF 2008;7(10):146-7.
  14. Raina P, Santaguida P, Ismaila A, et al. Effectiveness of cholinesterase inhibitors and memantine for treating dementia: evidence review for a clinical practice guideline. Ann Intern Med 2008;148:379-97. DOI: 10.7326/0003-4819-148-5-200803040-00009
  15. Birks JS, Harvey RJ. Donepezil for dementia due to Alzheimer's disease. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858.CD001190.pub3
  16. Birks J, Harvey RJ. Donepezil for dementia due to Alzheimer's disease. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD001190.pub2
  17. Démence. Formulaire de soins aux Personnes Agées. Littérature consultée à la date du : 31/01/2017.
  18. De Coninck L, De Vliegher K, D’hanis G et Schroyen V. Guide de pratique clinique pluridisciplinaire relatif à la collaboration dans la dispense de soins aux personnes âgées démentes résidant à domicile et leurs aidants proches. EBMpracticeNet Groupe de travail pour le développement des recommandations de première ligne 2017.

 




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