Analyse
Faut-il traiter la toux prolongée chez l’adulte en première ligne ?
La toux est le motif le plus fréquent de consultation chez le médecin généraliste ou le pharmacien (1). Il a été montré que la toux persistante après une infection des voies respiratoires supérieures affectait la qualité de vie (2). Le marché des médicaments de la toux en tire profit, avec, à l’échelle mondiale, un chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars par an (3). Minerva s’est déjà plusieurs fois penché sur la prise en charge tant de la toux aiguë que de la toux chronique. Pour la toux aiguë (< 3 semaines), notre conclusion était que les antibiotiques n’apportaient pas un avantage cliniquement pertinent (4-9). Il n’a pas non plus été clairement montré que, chez les enfants atteints de toux aiguë, les autres traitements, tels que les bêta-2-mimétiques (10-13) ou Vicks Vaporub® (14,15), ou même le placebo (16,17) étaient efficaces. Lorsqu’il s’agit d’une toux chronique, il est apparu qu’un traitement de logopédie et de kinésithérapie n’améliorait la qualité de vie qu’à court terme, après quatre semaines, mais pas après trois mois, chez des adultes présentant une toux chronique idiopathique depuis plus de huit semaines (18,19). Un traitement antireflux n’a pas eu d’effet significatif chez des adultes et des enfants présentant une toux chronique aspécifique associée à un reflux gastro-œsophagien pathologique (20,21). La mise en place précoce (dans les deux semaines) d’un algorithme clinique en milieu (très) spécialisé dans un groupe d’enfants sélectionnés présentant une toux chronique a eu un effet positif sur le score de la toux (22,23). Après la discussion portant sur une synthèse méthodique d’études très hétérogènes sur le plan clinique dont la qualité sur le plan méthodologique présentait de nombreuses limites et dont les résultats étaient contradictoires, nous n’avions pas pu tirer de conclusion concernant l’efficacité et la sécurité d’emploi de la lévodropropizine comme traitement de la toux de diverses origines chez les enfants et les adultes (24,25).
Une récente synthèse méthodique avec méta-analyse a évalué l’effet thérapeutique de différents traitements de la toux subaiguë (depuis trois à huit semaines) (26). Les auteurs ont effectué une recherche dans différentes bases de données (PubMed, MEDLINE, le registre central Cochrane des essais contrôlés) et dans d’autres sources (telles que des listes de références, des synthèses méthodiques et des guides de bonne pratique) pour trouver des études randomisées contrôlées examinant l’effet de traitements médicamenteux et non médicamenteux chez des patients âgés de 16 ans et plus présentant une toux subaiguë sans infection pulmonaire chronique connue (comme un asthme ou une BPCO) ni reflux gastro-œsophagien pathologique. Ils ont finalement inclus six études randomisées contrôlées totalisant 724 patients. Il n’a pas été possible de déterminer un éventuel biais du processus de randomisation et du secret de l’attribution pour respectivement trois et quatre études. Une étude n’a finalement pas été menée en aveugle, et, dans deux études seulement, l’évaluation de l’effet a été clairement effectuée en aveugle. Dans deux études, la toux était présente depuis deux semaines ou plus, et une seule étude a utilisé un seuil de huit semaines. Les études étaient également très hétérogènes sur le plan clinique en ce qui concerne les traitements administrés (prise orale de montélukast, gélatine et codéine ; inhalation de salbutamol + bromure d’ipratropium, fluticasone et budésonide), les critères de jugement et le suivi. Cinq études ont rapporté la gravité de la toux après 14 et 28 jours. Pour ce critère de jugement, il n’a pas été possible de montrer un gain cliniquement pertinent, que ce soit du montélukast (N = 1 ; n = 276), des corticoïdes inhalés (N = 2 ; n = 30 - 135), de l’association de salbutamol et de bromure d’ipratropium (N = 1, n = 92) ou de la codéine (N = 1 ; n = 91) versus un placebo. Tant après 14 jours qu’après 28 jours, on a toutefois observé une amélioration cliniquement pertinente de la toux dans les deux groupes. De légers effets indésirables sont survenus chez 14% des patients (N = 5). Aucun effet indésirable grave n’a été signalé. Aucune étude n’a évalué la qualité de vie des patients.
Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse de six études randomisées contrôlées nous permet de conclure que ni l’inhalation de salbutamol plus bromure d’ipratropium, de fluticasone ou de budésonide, ni la prise orale de montélukast ou de codéine n’apporte un avantage cliniquement pertinent versus un placebo chez les patients qui toussent depuis plus de deux semaines.
Pour la pratique
Chez les patients présentant une toux aiguë (depuis moins de trois semaines) sans pneumonie, les antitussifs, les antihistaminiques et les médicaments inhalés sont déconseillés (« Primum non nocere ») (1). Lorsque la toux dure depuis plus de huit semaines, il faut exclure les causes de toux chronique, telles que le syndrome de toux d’origine des voies aériennes supérieures (écoulement nasal postérieur dû à une sinusite chronique ou à une rhinite allergique, non allergique ou vasomotrice), l’hyperréactivité bronchique après une infection, le reflux gastro-œsophagien pathologique, l’asthme, la bronchite chronique et la BPCO, la toux associée à des médicaments (comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine), la bronchite éosinophilique, des affections respiratoires plus rares et d’autres causes (telle que l’insuffisance cardiaque), et un traitement étiologique est souvent possible (27). Si aucune cause explicative n’est trouvée et que les essais thérapeutiques restent sans effet, le patient est probablement atteint d’une toux idiopathique. La synthèse méthodique avec méta-analyse décrite plus haut montre que ni l’inhalation de salbutamol plus bromure d’ipratropium, de fluticasone ou de budésonide, ni la prise orale de montélukast ou de codéine n’a un avantage cliniquement pertinent versus un placebo chez les patients qui toussent depuis plus de deux semaines.
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- Toux prolongée chez l'adulte. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 16/03/2017. Dernière révision contextuelle: 22/02/2019.
Auteurs
Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :
Mots-clés
antagoniste des leucotriènes, anticholinergique à courte durée d’action, bêta2-mimétique à courte durée d’action, budésonide, codéine, corticostéroïde inhalé, effet indésirable, évolution de la maladie, fluticasone, gélatine, ipratropium, médicament contre la toux, montélukast, placebo, salbutamol, touxCode
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