Analyse


Une meilleure régulation de la glycémie avec l’association sémaglutide + metformine plutôt que canagliflozine + metformine ?


16 10 2020

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Lingvay I, Catarig AM, Frias JP, et al. Efficacy and safety of once-weekly semaglutide versus daily canagliflozin as add-on to metformin in patients with type 2 diabetes (SUSTAIN 8): a double-blind, phase 3b, randomised controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019;7:834-44. DOI: 10.1016/S2213-8587(19)30311-0


Conclusion
Cette étude contrôlée, randomisée, multicentrique, en double aveugle, de bonne qualité méthodologique montre que le sémaglutide entraîne une réduction plus importante de l’HbA1c et du poids que la canagliflozine, et ce de manière statistiquement significative, dans un groupe sélectionné de patients atteints de diabète de type 2 chez qui la régulation de la glycémie est insuffisamment assurée sous metformine.



Par comparaison avec un placebo, l’empagliflozine (1,2) et la canagliflozine (3,4), des inhibiteurs des SGLT2, ont un effet bénéfique sur les critères de jugement cardiovasculaires chez les patients atteints de diabète de type 2 et présentant un risque cardiovasculaire élevé. La canagliflozine aurait aussi un effet ralentissant l’évolution de la néphropathie diabétique (5,6). En ce qui concerne les analogues du GLP-1, aucun effet du liraglutide sur une diminution de la fonction rénale ni sur la survenue d’une néphropathie terminale n’a pu être montré par comparaison avec un placebo (7,8). Aucun gain statistiquement significatif par rapport à un placebo n’a pu être montré avec l’exénatide sur le plan cardiovasculaire chez les patients atteints de diabète de type 2 et ayant d’importants antécédents cardiovasculaires (9,10). À propos du liraglutide, malgré un effet favorable sur un critère de jugement cardiovasculaire composite par rapport au placebo, nous n’avons pas pu tirer de conclusion définitive concernant l’efficacité de cardioprotection à cause d’un déséquilibre entre le groupe intervention et le groupe placebo, déséquilibre induit par le protocole de l’étude (11,12). Dans une étude de non-infériorité, avec le sémaglutide, un avantage cardiovasculaire statistiquement significatif a été observé par rapport à un placebo chez les patients présentant un risque cardiovasculaire élevé, une insuffisance cardiaque chronique ou une néphropathie chronique sévère (13,14).

 

Dans l’éventualité d’un effet protecteur de la canagliflozine et du sémaglutide contre les maladies cardiovasculaires, une étude a été menée pour comparer ces deux médicaments quant à leur efficacité (effet sur l’HbA1c) et leur sécurité d’emploi (15). Une étude randomisée, contrôlée, menée en double aveugle entre mars 2017 et novembre 2018 dans 111 centres dans 11 pays, a inclus 788 patients atteints de diabète sucré de type 2. Les patients devaient avoir 18 ans ou plus, prendre une dose stable de metformine à la dose maximale tolérée depuis au moins 90 jours, avoir une HbA1c se situant entre 7,0% et 10,5% et un DFG ≥ 60 ml/min/1,73m². Les critères d’exclusion étaient les suivants : utilisation d’autres antidiabétiques, pancréatite aiguë ou chronique, antécédents d’acidocétose diabétique, infarctus du myocarde, AVC, hospitalisation pour AIT ou angor instable dans les 180 derniers jours, insuffisance cardiaque de classe NYHA IV. On peut dire qu’il s’agit à tout le moins d’une population très sélectionnée. Les participants ont été randomisés en deux groupes à l’aide d’un système de réponse Web interactif sans différence statistiquement significative dans les caractéristiques de base. Afin d’assurer l’insu tant pour les patients que pour les médecins, une méthode à double placebos a été utilisée pour l’administration de sémaglutide 1 mg par voie sous-cutanée une fois par semaine (n = 367) comparé à la canagliflozine 300 mg administrée par voie orale une fois par jour (n = 372).

Après un suivi de 52 semaines, le taux d’HbA1c (principal critère de jugement) affichait une diminution plus importante, et ce de manière statistiquement significative, dans le groupe sémaglutide que dans le groupe canagliflozine (en moyenne -0,49% avec IC à 95% de -0,65% à -0,33% ; p < 0,0001 pour la supériorité). La perte de poids (critère de jugement secondaire) était également plus importante avec le sémaglutide qu’avec la canagliflozine (-1,06 kg avec IC à 95% de -1,76 à -0,36 kg ; p = 0,0029 pour la supériorité). Le taux de sorties d’étude était seulement de 6%, et les deux analyses ont été effectuées en intention de traiter. Des troubles gastro-intestinaux, principalement des nausées, étaient les événements indésirables les plus souvent signalés avec le sémaglutide (47% des patients contre 28% avec la canagliflozine), tandis que des infections (généralement des infections urinaires) sont survenues plus souvent avec la canagliflozine (35% des patients contre 29% avec le sémaglutide). 10% des patients sous sémaglutide contre 5% des patients sous canagliflozine ont arrêté le traitement prématurément en raison d’événements indésirables. L’effet sur l’HbA1c cadre avec ce qui ressort des méta-analyses comparant, d’un côté, le sémaglutide (16) ou d’autres agonistes du GLP-1 (17) et, de l’autre, des inhibiteurs des SGLT-2. Une étude randomisée contrôlée analogue qui a comparé le sémaglutide et l’empagliflozine a aussi montré, après 52 semaines, un avantage statistiquement significatif du sémaglutide pour la diminution du taux d’HbA1c (-0,4% avec IC à 95% de -0,5 à -0,3 ; p < 0,0001), mais pas pour la perte de poids (18).

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Il est recommandé d’ajouter un deuxième antidiabétique oral (sulfonylurée/glinide, inhibiteur de la DPP4, glitazone ou inhibiteur du SGLT2) si, chez les patients atteints de diabète de type 2 sous metformine en monothérapie, il apparaît que les valeurs cibles individuelles ne sont pas atteintes après trois mois (GRADE 1C) (19). Si l’on considère la sécurité cardiovasculaire comme le principal critère de choix d’un médicament antidiabétique, les agonistes du GLP-1 et les inhibiteurs du SGLT-2 semblent être le traitement de premier choix après la metformine (20). Sur la base des résultats de l’étude dont il a été question plus haut (meilleure régulation de la glycémie et perte de poids plus importante), on pourrait, chez les patients dont le taux d’HbA1c est très élevé (supérieur à 8%) ou dont l’IMC est élevé, choisir des analogues du GLP-1 plutôt que des inhibiteurs des SGLT-2. Dans la pratique, cependant, en plus des preuves d’efficacité et de sécurité et du profil du patient (GRADE 1C) (19), d’autres facteurs tels que la facilité d’utilisation et le coût doivent aussi être pris en compte. Du fait de la conception à double placebo, l’étude ne permet pas de tirer de conclusion à propos de la satisfaction des patients en ce qui concerne la forme d’administration des médicaments (administration orale quotidienne pour les inhibiteurs des SGLT-2 et injection sous-cutanée hebdomadaire pour les agonistes du GLP-1). Pour ce qui est du prix, le sémaglutide est actuellement environ 33% plus cher que la canagliflozine (21).

 

Conclusion

Cette étude contrôlée, randomisée, multicentrique, en double aveugle, de bonne qualité méthodologique montre que le sémaglutide entraîne une réduction plus importante de l’HbA1c et du poids que la canagliflozine, et ce de manière statistiquement significative, dans un groupe sélectionné de patients atteints de diabète de type 2 chez qui la régulation de la glycémie est insuffisamment assurée sous metformine.

 

 

Références 

  1. Wens J. Empagliflozine : quel effet sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires chez les patients atteints de diabète de type 2 ? MinervaF 2016;15(4):98-101.
  2. Zinman B, Wanner C, Lachin JM, et al.; EMPA-REG OUTCOME Investigators. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2015;373:2117-28. DOI: 10.1056/NEJMoa1504720
  3. Richard T. Canagliflozine : quel effet sur le risque d’événement cardiovasculaire ou de néphropathie dans le diabète de type 2 ? Minerva bref 15/09/2018.
  4. Neal B, Perkovic V, Mahaffey KW, et al; CANVAS Program Collaborative Group. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. NEJM 2017;377:644-57. DOI: 10.1056/NEJMoa1611925
  5. Vanhaeverbeek M. La canagliflozine a-t-elle un effet freinateur sur l’évolution d’une néphropathie existante chez le patient diabétique de type 2 ? Minerva bref 15/09/2020.
  6. Perkovic V, Jardine MJ, Neal B, et al. Canagliflozin and renal outcomes in type 2 diabetes and nephropathy. N Engl J Med 2019;380:2295-306. DOI: 10.1056/NEJMoa1811744
  7. Goderis G. Les effets à long terme des analogues du GLP-1 sur les résultats cardiovasculaires et rénaux. Minerva bref 15/05/2019.
  8. Mann JF, Ørsted DD, Brown-Frandsen K, et al. Liraglutide and renal outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2017;377:839-48. DOI: 10.1056/NEJMoa1616011
  9. Goderis G. Les effets à long terme des analogues du GLP-1 sur les résultats cardiovasculaires et rénaux. Minerva bref 15/05/2019.
  10. Holman RR, Bethel MA, Mentz RJ, et al. Effects of once-weekly exenatide on cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2017;377:1228-39. DOI: 10.1056/NEJMoa1612917
  11. Vanhaeverbeek M. Le liraglutide est-il sans risque au plan cardiovasculaire dans le traitement du diabète de type 2, ou a-t-il même un effet cardioprotecteur ? Minerva bref 15/02/2017.
  12. Marso SP, Daniels GH, Brown-Frandsen K, et al. Liraglutide and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:311-22. DOI: 10.1056/NEJMoa1603827
  13. Goderis G. Les effets à long terme des analogues du GLP-1 sur les résultats cardiovasculaires et rénaux. Minerva bref 15/05/2019.
  14. Marso SP, Bain SC, Consoli A, et al.; SUSTAIN-6 Investigators. Semaglutide and cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:1834-44. DOI: 10.1056/NEJMoa1607141
  15. Lingvay I, Catarig AM, Frias JP, et al. Efficacy and safety of once-weekly semaglutide versus daily canagliflozin as add-on to metformin in patients with type 2 diabetes (SUSTAIN 8): a double-blind, phase 3b, randomised controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019;7:834–44. DOI: 10.1016/S2213-8587(19)30311-0
  16. Sharma R, Wilkinson L, Vrazic H, et al. Comparative efficacy of once-weekly semaglutide and SGLT-2 inhibitors in type 2 diabetic patients inadequately controlled with metformin monotherapy: a systematic literature review and network meta-analysis. Curr Med Res Opin 2018;34:1595-603. DOI: 10.1080/03007995.2018.1476332
  17. Inoue H, Tamaki Y, Kashihara Y, et al. Efficacy of DPP-4 inhibitors, GLP-1 analogues, and SGLT2 inhibitors as add-ons to metformin monotherapy in T2DM patients: a model-based meta-analysis. Br J Clin Pharmacol 2019;85:393-402. DOI: 10.1111/bcp.13807
  18. Rodbard HW, Rosenstock J, Canani LH; PIONEER 2 Investigators. Oral semaglutide versus empagliflozin in patients with type 2 diabetes uncontrolled on metformin: the PIONEER 2 trial. Diabetes Care 2019;42:2272-81. DOI: 10.2337/dc19-0883
  19. Bastiaens H, Benhalima K, Cloetens H, et al. Diabète sucré de type 2. SSMG/Ebpracticenet 21/05/2015.
  20. Goderis G. Chez les patients atteints de diabète de type 2 qui présentent un risque cardiovasculaire accru, y a-t-il une différence entre le linagliptine et le glimépiride quant à l’incidence des événements cardiovasculaires ? Minerva bref 16/10/2020.
  21. Sémaglutide. CBIP: Répertoire commenté des médicaments. Octobre 2020.

 

 




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